Emmanuel Vivier, cofondateur du HUB Institute. (Photo: Maison Moderne)

Emmanuel Vivier, cofondateur du HUB Institute. (Photo: Maison Moderne)

Pour Emmanuel Vivier, cofondateur du HUB Institute, les acteurs qui n’étaient pas suffisamment engagés dans leur transformation numérique auront plus de mal à se relever de la crise actuelle. Dans un contexte de transformation numérique, il est aussi important de faire évoluer le management, pour permettre aux organisations de mieux s’adapter au changement et contribuer à un monde plus vertueux.

La crise du Covid-19 a pris tout le monde de court. En quelques jours, la plupart des entreprises luxembourgeoises ont été contraintes d’arrêter leurs activités ou de se réorganiser pour permettre à chacun de continuer à travailler à distance. «Confrontées à cette situation, les entreprises déjà avancées dans leur transformation numérique, avec les bons outils et les méthodologies adaptées, sont parvenues à réagir et à se réorganiser plus facilement pour maintenir l’activité», commente Emmanuel Vivier, cofondateur du HUB Institute, expert de la transformation numérique des entreprises et du marketing digital. «Les entreprises qui n’étaient pas préparées ou suffisamment engagées dans ce processus de transformation, elles, souffrent beaucoup.»

Un besoin d’outils et de compétences numériques

Les structures qui, par exemple, n’ont pas eu la volonté d’investir dans l’e-commerce sont à la peine. Celles qui s’y étaient mises ont pu mieux apprécier l’opportunité de leurs investissements. «Avec la crise, beaucoup ont arrêté de communiquer. Pour d’autres, prêts à réagir, la situation a constitué un moyen de marquer des points», poursuit Emmanuel Vivier.

Ceux qui, pour une raison ou une autre, n’ont pas souhaité engager de projets de transformation numérique avant la crise s’en mordent désormais les doigts.
Emmanuel Vivier

Emmanuel Viviercofondateur du HUB Institute

L’enjeu ne porte toutefois pas uniquement sur les moyens technologiques. Les compétences sont aussi essentielles pour avancer sur le terrain du marketing numérique, pouvoir réorienter ses budgets de communication et soutenir la vente en ligne. Or, précise le coauteur du «Guide de la transformation digitale», il est difficile dans la période actuelle de recruter et les agences spécialisées dans le numérique ne sont pas forcément disponibles. «Ceux qui, pour une raison ou une autre, n’ont pas souhaité engager de projets de transformation numérique avant la crise s’en mordent désormais les doigts», commente Emmanuel Vivier. «Aujourd’hui, alors qu’il est difficile d’évaluer l’ampleur de la dépression économique qui suivra la crise sanitaire, il est malheureusement trop tard pour beaucoup.»

Au-delà de la technologie, adapter le management

La situation actuelle, d’autre part, permet de prendre conscience que la technologie n’est pas l’unique composant des enjeux de transformation. «Les outils sont disponibles et facilement accessibles pour tous, mais on se rend compte que c’est souvent au niveau de l’humain que cela coince», poursuit l’expert. À la maison, loin de leurs collègues, beaucoup perdent leurs repères, peuvent être inquiets, angoissés. «Le management doit s’adapter, pour créer du lien, rassurer les équipes, leur donner les moyens de réaliser leur mission du mieux possible», assure Emmanuel Vivier, par ailleurs coauteur du «Guide du futur des RH et du management», récemment publié. «Il faut aussi s’assurer que chacun adopte les outils disponibles. S’il est possible de travailler sur un même document à distance, il faut encore expliquer à chacun comment faire. On comprend alors que la transformation digitale ne consiste pas uniquement à déployer de nouveaux outils, mais implique d’aller plus loin, d’adapter les méthodes de travail et les processus, de mettre en œuvre un management basé sur la confiance, d’encourager le partage, de développer une culture d’entreprise collaborative. On constate souvent que si les collaborateurs ne sont pas agiles, c’est que l’on ne leur permet pas de l’être.»

Le manager de demain devra davantage être un facilitateur qui, s’il ne détient pas l’expertise, doit permettre à chacun dans son équipe de donner le meilleur.

Vers un monde plus vertueux

La crise du Covid-19 aura d’autres impacts sur les organisations. Le numérique doit permettre aux entreprises qui la maîtrisent de se remettre plus efficacement ou, le cas échéant, d’évoluer dans un nouvel environnement. «Au-delà de la transformation numérique va s’opérer une vraie réflexion sur des évolutions plus profondes vers un monde plus vertueux. Les clients risquent d’être plus sélectifs, en prêtant davantage attention à l’éthique des entreprises. Le confinement a permis de remettre certains comportements en question, notamment sur notre manière de consommer, de travailler. On va assister à des rééquilibrages autour de nos besoins. Beaucoup voudront travailler moins pour mieux profiter de leur famille par exemple ou chercheront à acheter local avant tout», commente Emmanuel Vivier.

Si l’on peut espérer un retour prochain au bureau, de nouvelles habitudes prises pendant le confinement vont plus que probablement s’ancrer dans notre quotidien.
Emmanuel Vivier

Emmanuel Viviercofondateur du HUB Institute

Si l’on peut espérer un retour prochain au bureau, de nouvelles habitudes prises pendant le confinement vont plus que probablement s’ancrer dans notre quotidien. On va plus facilement accepter le télétravail, faire davantage confiance aux collaborateurs, leur offrir plus de flexibilité. Le recours à l’e-commerce va se généraliser même si le magasin physique restera un lieu de rencontre toujours important.

Le changement est la nouvelle norme

Les acteurs doivent pouvoir appréhender ces changements, s’adapter, en profitant des possibilités offertes par le numérique. «La technologie est un outil que l’on peut mettre au service d’une vision, d’une stratégie, d’une volonté. Chacun doit prendre conscience, dans un monde de plus en plus incertain, avec une multiplication probable des crises comme celle que l’on vient de connaître, que le changement va devenir la nouvelle norme», explique l’expert. «Une meilleure exploitation des données et le recours à l’intelligence artificielle dans ce contexte doivent permettre à chacun de mieux s’adapter, d’avancer plus efficacement vers la poursuite de ses objectifs. Chacun, dès lors, doit prendre la mesure des chantiers importants qui l’attendent en la matière et s’engager dans cette voie. Un projet autour de la donnée peut prendre deux ou trois ans. S’y mettre au moment où l’on constate son retard sur les autres, c’est prendre conscience que l’on a deux ou trois ans de retard.»