Le ministre des Finances Pierre Gramegna a déposé son projet de budget en octobre dernier. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne/Archives)

Le ministre des Finances Pierre Gramegna a déposé son projet de budget en octobre dernier. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne/Archives)

La Cour des comptes vient de publier son avis quant au budget de l’État pour 2021. Elle ne cache pas quelques inquiétudes quant à la dette publique et invite l’action publique à se détacher «de l’approche court-termiste inculquée par le PIB».

Détaillé en profondeur et très argumenté, l’avis de la Cour des comptes sur le budget de l’État fait partie de ceux qui sont le plus attendus. Cette année un peu plus encore en regard de la situation sociale, économique et sanitaire. Les Sages ont donc analysé le projet de budget 2021 ainsi que la programmation financière pluriannuelle 2020-2024. Le tout est synthétisé dans un document épais de 142 pages.

Évidemment, et cela d’entrée de jeu, la Cour met en avant l’instabilité du moment, source d’incertitude. La vérité d’un jour, pandémie oblige, n’est pas toujours celle du lendemain. «Il importe de souligner que les projections macroéconomiques actuelles et à venir sont sujettes à une grande incertitude et pourront vite basculer dans les deux sens, à savoir tendre vers un scénario plus défavorable ou, a contrario, pencher vers un scénario plus optimiste», prévient donc la Cour.

Mener une réflexion sur l’évolution de la dette

Néanmoins, outre une analyse méticuleuse des éléments majeurs du projet de budget, les membres de la Cour des comptes ont aussi voulu évoquer les défis du futur, notamment car «ils exerceront une pression de plus en plus forte sur les finances publiques».

Parmi les sources d’inquiétude figure en premier rang la dette publique. L’impact financier actuel et à venir de la crise sanitaire, mais aussi la pression due au changement climatique, impose de recommander de mener «une profonde réflexion sur la voie qui devra être tracée en ce qui concerne l’évolution de la dette publique».

Pour la Cour des comptes, il ne faut en effet pas faire preuve d’attentisme. Certes, le niveau d’endettement du Luxembourg est bien inférieur aux autres pays européens, et encore bien éloigné du plafond de 60% imposé par l’Union européenne, mais cela ne durera peut-être plus longtemps. En effet, met en avant le rapport, «rien ne garantit que cette limite ne soit pas dépassée dans un avenir plus ou moins proche, à moins que les autorités ne parviennent à inverser cette tendance».

D’autres indicateurs et un conseil scientifique interdisciplinaire

Le plan de relance ne pourra donc pas «se limiter à refinancer un modèle économique porteur d’iniquités et d’inégalités. L’action publique devra se détacher de l’approche court-termiste inculquée par le PIB et profiter de cette relance pour accélérer la transition vers une économie plus soutenable et plus inclusive en s’appuyant notamment sur une fiscalité verte susceptible d’infléchir les comportements et de réduire la pression exercée sur les finances publiques.»

Pour y arriver, «la Cour se demande si les mesures actuelles de la performance économique ne devraient pas être complétées par des instruments susceptibles de prendre en compte le bien-être social ainsi que le développement durable économique, écologique et social».

Par ailleurs, suggère encore la Cour des comptes, le Luxembourg pourrait également se doter d’un conseil scientifique interdisciplinaire qui consulterait en toute indépendance le gouvernement pour orienter sa politique économique et sociale et pour concevoir une infrastructure statistique reposant sur des indicateurs de bien-être et de soutenabilité adaptés aux caractéristiques du pays.