La Cour des comptes européenne (European Court of Auditors) se penche sur l’encadrement des activités de lobbying face aux institutions européennes.  (Photo: Shutterstock)

La Cour des comptes européenne (European Court of Auditors) se penche sur l’encadrement des activités de lobbying face aux institutions européennes.  (Photo: Shutterstock)

La Cour des comptes européenne publie un rapport sur le lobbying auprès des législateurs européens dans lequel elle appelle au renforcement des règles du registre de transparence de l’UE. Registre qui présente des angles morts qu’elle juge fâcheux, alors que les braises du Qatargate sont toujours rouges. 

Le lobbying est consubstantiel à l’activité réglementaire de l’Union européenne. «Une activité qui n’est pas sans risque», précise Jorg Kristijan Petrovič, le membre de la Cour des comptes qui a dirigé l’étude visant à encadrer la manière dont les dépositaires du pouvoir réglementaire européen – le Parlement européen, la Commission et le Conseil – sont approchés par les lobbys. Ces trois institutions disposent chacune de leur propre cadre éthique et ont créé, en 2012, via un accord interinstitutionnel, le registre de transparence de l’UE. Registre dans lequel doivent s’inscrire au préalable tous les lobbyistes s’ils veulent entrer en contact avec des membres des institutions européennes. Une inscription volontaire. Actuellement, on compte 12.500 lobbyistes inscrits. Ils étaient 5.500 en 2012. L’inscription sur ce registre est volontaire. Et l’absence d’inscription – parce que l’accord interinstitutionnel instituant ce registre n’est pas un acte législatif exécutoire – ne peut pas donner lieu à des sanctions, précise la Cour des comptes européenne (CCE). Cependant, l’enregistrement soumet les lobbyistes à . Sa violation peut entraîner une radiation. Cela est arrivé six fois depuis 2012 et dans un seul cas, toute réinscription au registre a été interdite.

Les angles morts du registre

Cette précision apportée, le registre est un outil qui renforce la transparence… mais présente de nombreux «angles morts», selon la CCE. Des «angles morts» regrettables dans le contexte du Qatargate, où des représentants de ce pays ont influencé illégalement – ​​voire soudoyé – des députés européens pour atteindre des objectifs de politique étrangère. Avant même que le scandale du Qatargate n’éclate en décembre 2022, un audit avait déjà mis en évidence une mauvaise administration de la part du secrétariat du registre.

La CCE pointe des faiblesses et des manques d’informations qui rendent les activités de lobbying au sein des trois plus grandes institutions européennes moins transparentes, ainsi que des pratiques qui permettent aux lobbyistes de contourner le registre pour toute une série d’interactions dans lesquelles ils peuvent toujours influencer les législateurs européens.

Première faiblesse relevée, l’accord instituant le registre de transparence ne fixe pas d’exigence minimale de mise en œuvre. Autrement dit, chacune des trois institutions de l’UE l’applique comme bon lui semble. Aussi étonnant que cela puisse paraître, il n’existe pas de définition unique de ce qu’est une rencontre entre un représentant de groupe de pression et un membre du personnel de l’UE. Pas plus que n’est uniformisé le niveau de responsabilité d’un membre du personnel de l’UE à partir duquel une déclaration de rencontre est obligatoire. De fait, les réunions spontanées et la majorité du personnel de l’UE ne sont pas touchées par les règles du registre. La CCE critique premièrement le fait que «les lobbyistes doivent être enregistrés uniquement pour rencontrer les employés les plus haut placés et que seules les réunions programmées à l’avance sont signalées. Il n’est pas nécessaire de tenir un registre officiel des réunions spontanées, des appels téléphoniques imprévus et des échanges de courriers électroniques, et les lobbyistes ne sont pas tenus de s’inscrire pour rencontrer le personnel inférieur au niveau de directeur général».

Autre angle mort: «Bien que les institutions prennent des mesures pour accroître la transparence et encourager l’enregistrement, conduisant ainsi à la publication de davantage d’informations sur les réunions et les activités avec les lobbyistes enregistrés, ces informations ne sont pas publiées de manière systématique.»

Enfin, la CCE souhaite que les données communiquées par les lobbyistes lors de leur enregistrement soient améliorées. «Cela permettrait d’éviter le risque que les ONG financées par des tiers ne divulguent pas leurs sources de financement en déclarant uniquement qu’elles représentent leurs propres intérêts ou l’intérêt collectif de leurs organisations membres, comme c’est le cas d’un tiers des ONG enregistrées», explique Jorg Kristijan Petrovič.

Les recommandations de la CCE au Conseil, à la Commission et au Parlement

La CCE a formulé trois recommandations en ce sens: l’harmonisation et le renforcement du cadre de la mise en œuvre du registre; la publication des informations relatives aux réunions non programmées avec des lobbyistes et l’amélioration du contrôle de qualité des données récoltées lors de l’enregistrement des lobbyistes. Autant de demandes transmises au Conseil, à la Commission et au Parlement. Des demandes diversement reçues…

Sur le premier point – l’harmonisation et le renforcement du cadre de la mise en œuvre du registre –, qui recouvre l’adoption d’une définition commune de ce qu’est une réunion et du niveau de responsabilité à partir duquel un membre du personnel de l’UE doit notifier une rencontre avec un lobbyiste, les trois institutions se renvoient la balle et aucune ne cherche à prendre l’initiative au nom de l’indépendance organisationnelle de chaque institution. Même si elles conviennent qu’une définition commune de la «réunion» serait une bonne chose. Tout comme la précision du degré de responsabilité à partir duquel l’inscription est obligatoire.

Sur le troisième point – l’amélioration du contrôle de qualité des données récoltées lors de l’enregistrement des lobbyistes –, les trois institutions sont également d’accord pour améliorer les choses.

Tout comme elles sont d’accord pour refuser la publication des informations relatives aux réunions non programmées avec des lobbyistes. Les trois institutions invoquent tout à la fois les défis opérationnels et légaux sous-jacents. Outre ces arguments, le Conseil invoque le fait que «l’obligation de publier des informations sur les réunions non programmées avec des lobbyistes puisse entraîner le risque d’encourager les lobbyistes à se désinscrire et à opter pour des réunions non programmées, réduisant ainsi la transparence».