Face à un danger immédiat, quelle place accorder au bien-être psychologique des personnes âgées? (Photo: Shutterstock)

Face à un danger immédiat, quelle place accorder au bien-être psychologique des personnes âgées? (Photo: Shutterstock)

Protégés bon gré mal gré du virus par des mesures de confinement strictes, les pensionnaires des maisons de retraite souffrent de l’isolement et restent guettés par un autre mal: la cascade gériatrique. La double peine, en sorte.

Face au Covid, le confinement dans les maisons de retraite – catégorie générique intégrant principalement les centres intégrés pour personnes âgées (Cipa), mais aussi les logements encadrés et les maisons de soins – s’est fait «dans l’urgence,» constate Gilbert Pregno, psychologue de métier et président de la . «La réponse donnée a été de limiter au maximum les contacts avec l’extérieur afin de prévenir la diffusion du virus. Les mesures de confinement prises ont été très sévères, et cela a beaucoup impacté la santé psychique des gens», constate-t-il.

Un état de fait qui interpelle le psychologue et président de la CCDH. Est-on allé trop loin pour protéger des gens qui ont finalement eu peu leur mot à dire? «La CCDH a toujours défendu le point de vue que l’on pouvait restreindre certaines libertés pour le bien collectif. Mais il faut éviter que la tyrannie de ce virus n’affecte trop la vie des personnes que l’on cherche à préserver.»  Comme toujours dans les questions de liberté publique, tout est une question de balance. Gilbert Pregno se dit convaincu que les directions de ces institutions ont fait de leur mieux. Le CCDH n’a d’ailleurs relevé aucun cas d’abus pouvant relever de la justice pénale. «Mais beaucoup de personnes ont vécu ces mesures comme étant abusives et allant trop loin. Certaines ont connu la Seconde Guerre mondiale. Pour elle, être enfermées dans leur chambre leur rappelle ces événements traumatiques. Et alors, l’ennemi était identifiable. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Ces souvenirs font mal.»

Question d’équilibre

«Il faudra se poser la question à court ou moyen terme de savoir où trouver la balance entre préservation de la santé physique et préservation de la santé psychique», poursuit-il. Pour lui, il faudra associer à cette réflexion des personnes extérieures au monde de la santé. Comme des philosophes, par exemple. «Les directions de ces institutions ont une tâche lourde et importante. Il faut leur donner les moyens pour trouver la bonne mesure.» «Et cela aurait dû être fait il y a quelques mois, après la fin du premier confinement», pour le psychologue.

La CCDH a été approchée par le ministère de la Famille pour examiner les mesures prises dans l’urgence et en estimer la proportionnalité. «Mais pour faire cela, nous aurions eu besoin de moyens qui ne nous ont pas été fournis. Nous avons décliné, mais restons cependant intéressés par le sujet.» Cette étude pourrait bien finalement être menée en début d’année prochaine. Et contribuer à la réflexion sur le sujet plus large du respect des droits humains en maison de retraite.

Le confinement a sûrement sauvé des vies. Mais à quel prix? «Je crois que, dans l’urgence, on a oublié que la santé, c’est le physique, mais aussi le psychique et le social.» Pour le psychologue, les maisons de retraite ne peuvent pas remplacer les familles. «La distanciation physique est une distanciation sociale qui aura des conséquences.»

Et principalement un danger accru de «cascade gériatrique». Chez les spécialistes, la cascade gériatrique est un syndrome de fragilité qui se caractérise par un risque permanent de décompensation fonctionnelle conduisant à une aggravation de l’état de santé et à la dépendance. Pour le profane, c’est le risque d’une décompensation après un événement traumatique.

«Le jour où le virus sera vaincu, il faut s’attendre à une vague de personnes âgées qui vont beaucoup souffrir d’un point de vue psychique et physique.»