Pour Philipp Vorndran, gestionnaire d’actifs chez Flossbach von Storch, le sommet du cycle n’est pas encore atteint. (Photo: Flossbach von Storch)

Pour Philipp Vorndran, gestionnaire d’actifs chez Flossbach von Storch, le sommet du cycle n’est pas encore atteint. (Photo: Flossbach von Storch)

Quand tout va bien sur les bourses, c’est peut-être le moment de s’inquiéter… C’est le raisonnement de Philipp Vorndran. Dans un contexte boursier porteur, il cherche les facteurs de risque à surveiller ainsi que les signes avant-coureurs d’un renversement des tendances du marché actions.

Le plus évident des risques boursiers actuels – celui qui fait la une des médias –, c’est celui d’une hausse significative et durable des taux d’intérêt. Un risque que Philipp Vorndran, gestionnaire d’actifs chez Flossbach von Storch, scinde pour écarter les pays développés et zoomer sur la Chine, pays en général écarté de l’analyse sur ce sujet.

«On peut considérer comme quasi certain que la Banque centrale européenne ne se préoccupe pas actuellement de la hausse des taux d’intérêt. Les États-Unis semblent quelque peu divisés sur ce point. Mais là aussi, la dette publique a atteint des niveaux records, de sorte que nous ne nous attendons pas à une hausse soutenue des taux à long terme.» En Chine, le niveau de croissance est tel que l’on ne peut exclure que la Banque centrale chinoise, la People’s Bank of China (PBoC), puisse relever ses taux. Avec comme conséquence, à court terme, une hausse du renminbi, l’afflux d’investissements, notamment dans les obligations chinoises, et un impact négatif sur le prix des matières premières. Un scénario plausible, mais que Philipp Vorndran ne voit pas se produire à court terme.

Un risque qui l’inquiète plus a également ses racines en Chine: il s’agit de la possible désaffection pour les marques occidentales, auparavant considérées comme un symbole de statut social et qui sont prises en otage par les tensions géopolitiques entre Chine et Occident, que ce soit à propos des différends commerciaux ou des droits de l’Homme – et plus particulièrement de la question des Ouïghours. «Si ces conflits permanents continuaient de couver, il est possible qu’à l’avenir une pénalité chinoise doive être prise en compte pour les entreprises ayant des activités importantes avec la Chine.»

Pas encore au sommet du cycle

Dans un marché actions au plus haut et en hausse continue depuis plus de 12 mois – et ce malgré le ralentissement économique dû à la pandémie –, la question est de savoir si cette tendance clairement établie est révélatrice d’une  surchauffe. Par le passé, ce phénomène a toujours été suivi d’une correction à terme.

Philipp Vorndran pense que l’on n’en est pas encore là. Pour lui, rien n’indique que l’on soit arrivé au «sommet du cycle». Mieux, les valorisations ne sont pas trop élevées. Ce qui se traduit par «les actions ont encore du potentiel». «La courbe de rendement des bénéfices des actions basée sur l’indice boursier MSCI World comparée aux taux d’intérêt mondiaux montre que les actions ne sont pas devenues plus chères que les obligations depuis 2000. En effet, contrairement au début du millénaire, il existe encore aujourd’hui une différence nettement positive entre le rendement des bénéfices et le rendement des obligations. Selon nous, les actions restent donc la classe d’actifs la plus intéressante à long terme, même si les valorisations ont désormais atteint des sommets à long terme. Tant que les obligations ne produiront pas d’intérêts significatifs et que les des comptes d’épargne ne produiront pas d’intérêts, nous pensons qu’il n’y a pas d’alternative réelle.» 

Inflation toujours sous contrôle

Dernier point à surveiller: l’inflation. Là aussi, l’analyste ne s’inquiète pas. «L’inflation reflète actuellement la dynamique de l’économie réelle. Nous nous attendons à ce que l’inflation soit plus élevée à long terme qu’elle ne l’a été au cours de la dernière décennie, dès que l’économie redémarrera. Mais nous ne nous attendons pas à ce que l’inflation devienne incontrôlable.»

Au final, les actions restent actuellement le meilleur placement.

Il prévient cependant que l’on assiste sur les marchés à une «grande rotation»: les valeurs cycliques prennent le pas sur les valeurs de croissance. Ces dernières bénéficient de la perspective d’une réouverture imminente de l’économie alors que les actions des sociétés de croissance, fortement valorisées en termes de bénéfices courants, sont considérées comme les perdantes de la hausse des taux d’intérêt. Philipp Vorndran estime qu’il est préférable pour l’investisseur de se tenir à l’écart de ce mouvement moutonnier et de baser ses choix d’allocation plutôt en fonction de la capacité des sociétés de générer des flux de trésorerie aussi prévisibles et durables que possible. «En d’autres termes, des entreprises de qualité, résilientes et à forte croissance.»