Philippe Ledent, expert economist chez ING Belux. (Photo: Patricia Pitsch/Archives Maison Moderne)

Philippe Ledent, expert economist chez ING Belux. (Photo: Patricia Pitsch/Archives Maison Moderne)

La propagation du coronavirus venu de Chine fait peur au monde entier. Les marchés financiers s’en sont aussi inquiétés et, pour Philippe Ledent, expert economist pour ING Belux, le danger qui plane sur l’économie mondiale est réel. Pour en mesurer l’ampleur, il faut analyser l’impact en Chine.

Il est à ce jour trop tôt pour évaluer l’impact sanitaire et économique de la crise du coronavirus. Cette incertitude a pesé sur les marchés financiers la semaine dernière. Cependant, ils s’en sont accommodés cette semaine. Faut-il considérer cette attitude comme excessivement optimiste?

La maladie étant de la même famille que le SRAS apparu en 2003, cet épisode est souvent cité comme point de comparaison, non seulement sur le plan médical, mais aussi au niveau de son impact économique. Il est normal que face à l’inconnu, tout le monde cherche des points de comparaison. Mais en considérant la propagation de la nouvelle maladie (bien plus grande), son taux de mortalité (bien plus faible), mais aussi le poids bien plus important de l’économie chinoise qu’en 2003, ce nouveau virus doit être pris comme un cygne noir, et non comme une répétition du SRAS.

À la vue des images de villes à l’arrêt et d’autoroutes ou aéroports vides, on aurait bien du mal à imaginer que l’impact du coronavirus sera marginal. En Chine, il y aura clairement un impact sur la consommation des ménages par l’intermédiaire des ventes au détail, des voyages et du tourisme. Le début de l’épidémie est arrivé au pire moment, lorsque pour les fêtes du Nouvel An chinois, des millions de personnes se déplacent, sont en congé, et multiplient les achats. Les congés étant terminés, l’impact sur l’économie chinoise sera maintenant tributaire de la capacité des résidents chinois à retourner au travail.

Le ralentissement de la demande intérieure chinoise aura un impact sur l’économie mondiale.
Philippe Ledent

Philippe Ledentexpert economistING Belux

Par ailleurs, le ralentissement de la demande intérieure chinoise aura un impact sur l’économie mondiale. Pour s’en convaincre, il suffit de penser au fait que, pour certaines chaînes hôtelières ou entreprises de produits de luxe mondiales, la Chine et l’Asie en général représentent déjà 10 à 20% de leurs ventes annuelles. De plus, le ralentissement au moins temporaire de la Chine aura forcément un impact sur les pays exportateurs de matières premières, la Chine étant leur principal client.

Au final, l’impact sur l’économie mondiale dépendra d’abord de l’ampleur de l’impact en Chine, mais aussi de la dispersion de la maladie à travers la planète. Ce n’est donc que dans quelques mois que l’on pourra juger de son impact réel sur l’économie mondiale. Les marchés financiers ont besoin de réponses et d’éléments plus rapidement. L’expérience du SRAS montre que le seul fait de voir le nombre de nouveaux cas ralentir peut être suffisant pour apaiser les marchés financiers. Ce n’est pas encore clairement le cas. Ce dossier n’a donc pas fini d’occulter les données macroéconomiques et d’être source de volatilité sur les marchés, et l’apaisement de cette semaine pourrait être de courte durée.