Le coronavirus contamine aussi l’économie luxembourgeoise et pour la , il va amputer la croissance d’au moins 4% cette année. Mais cette part pourrait être doublée, voire triplée, selon que le déconfinement s’étende sur deux mois ou quatre mois, a détaillé mercredi Muriel Bouchet, son directeur chargé des affaires courantes.
«On va avoir une période graduelle de retour à l’équilibre», a expliqué prudemment l’économiste lors d’une conférence virtuelle. Il table sur le scénario de la persistance des chocs, à savoir qu’un tiers du choc économique survenu lors du confinement serait transmis à tous les trimestres suivants.
Dans ce cas de figure, le Luxembourg renouerait avec la croissance économique en 2021 avec une variation comprise entre 4,6% et 6,4% du PIB. Ce taux «est très trompeur» aux yeux du laboratoire d’idées, qui prévient que «si on considère les deux années ensemble, on a quand même un déclin de l’ordre de 3% du PIB alors que hors coronavirus, on aurait pu espérer une croissance de l’ordre de 6% du PIB».
De nombreuses inconnues
Quant aux finances publiques, leur solde devrait dévisser de 5,1% du PIB cette année à 10,9% selon les scénarios qui tablent sur un amortissement de la chute en 2021 compris entre 2% et 5,1% du PIB. Le ratio de la dette publique sur le PIB pourrait franchir le seuil des 30% cette année suivant le schéma d’un déconfinement de quatre mois et l’année prochaine sur base d’un déconfinement raccourci de moitié.
Mais de nombreuses interrogations planent autour des conclusions de la Fondation, qui promet d’ailleurs une actualisation mensuelle de ses travaux. Parmi les inconnues figure la réaction des ménages: vont-ils dépenser sans compter l’épargne forcée amassée pendant le confinement ou au contraire maintenir, voire accentuer, une épargne de précaution?
La question des investissements publics se pose aussi, de même que les conséquences de la crise sur la construction européenne, la zone euro, le contexte géopolitique, la cohésion sociale ou encore la transition verte.
«Le risque d’une seconde crise de la zone euro est très présent», a glissé Denis Ferrand, directeur général de l’institut d’études économiques parisien Rexecode. L’invité d’Idea a livré son analyse de la crise du coronavirus: «C’est une configuration où la récession, on se l’est infligée à nous-mêmes.» Lui qui a déjà revu ses prévisions à quatre reprises depuis le début de la crise sanitaire semble toutefois parier sur un rebond net de l’activité une fois le déconfinement passé, comme c’est le cas en Chine par exemple. Mais quelques ombres planent au tableau, comme un excès des capacités de production mondiale et une ponction réalisée sur le pouvoir d’achat des ménages. Car la hausse des prix des produits alimentaires a été amplifiée par leur poids accru sur les dépenses des ménages compte tenu de la disparition des frais liés aux déplacements, par exemple, confinement oblige.
La récession, on se l’est infligée à nous-mêmes.
L’économiste français table sur un scénario de la racine carrée inversée pour cette crise, avec une chute brutale, une remontée soudaine temporaire, puis un aplat. «Le potentiel de croissance va s’atrophier, comme il le fait toujours en sortie de récession», estime Denis Ferrand, qui redoute des faillites d’entreprises lors de la phase de reprise des activités au vu des trésoreries amputées. «La sortie de récession est encore plus critique que la récession elle-même pour les entreprises.»
Le conférencier anticipe un choc assez vif sur la croissance au deuxième trimestre, avant un rebond au troisième. Mais tout comme Muriel Bouchet, il se montre très prudent. «Ce ne sont pas des prévisions, au mieux, ce sont des perspectives.» Nous voilà prévenus.