Pour Nicolas Sopel et Ilario Attasi, malgré un contexte de stagflation, des poches de performance existent sur les marchés. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Pour Nicolas Sopel et Ilario Attasi, malgré un contexte de stagflation, des poches de performance existent sur les marchés. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Quintet Private Bank publie ses prévisions pour l’économie mondiale, les marchés financiers et les principales classes d’actifs. Malgré un contexte de stagflation, la banque voit des opportunités liées aux thèmes de la relocalisation, de l’énergie propre et des technologies.

Pour la banque, les mois à venir seront marqués par un choc stagflationniste, autrement dit la combinaison, d’une part, d’un ralentissement de la croissance économique et des bénéfices, et d’autre part, d’une hausse de l’inflation, estiment Ilario Attasi, group head of investment advisors, et Nicolas Sopel, senior macro strategist, de Quintet Private Bank. 

«La croissance mondiale va plafonner à 3,3%. Dans notre scénario de référence, elle a probablement franchi son point culminant. Elle reste soutenue par la réouverture des économies et d’une épargne importante, accumulée durant la pandémie, qui soutiennent les dépenses. Des risques de ralentissement subsistent néanmoins, comme celui d’une récession dans la zone euro, surtout si la guerre en Ukraine venait à s’intensifier ou se prolonger. Sans être totalement épargnés, les États-Unis et l’Asie semblent moins vulnérables. Compte tenu de leur exposition plus limitée à ce risque, une forte contraction dans ces régions semble peu probable au cours des 18 prochains mois.»

Quant à l’inflation, Quintet Private Bank la voit à 7,8% au niveau mondial, contre 4,6% en 2021. Une inflation cependant transitoire qui devrait ralentir à 5% en 2023. «L’inflation devrait commencer à fléchir au cours des prochains mois, à partir d’un niveau élevé, dans la mesure où la demande, qui avait atteint un niveau exceptionnel, retrouve un rythme plus normal, alors que l’offre se rétablit progressivement, la politique monétaire redevient neutre, les mesures de relance budgétaire américaines ont déjà été réduites et les effets de base à partir des niveaux élevés de l’an passé poussent mécaniquement l’inflation à la baisse.»

De l’incertitude dans les portefeuilles

«Dans un monde caractérisé par une croissance plus faible et une inflation plus élevée, les investisseurs continueront à composer avec l’incertitude», estiment Ilario Attasi et Nicolas Sopel. Pour ce dernier, les principales sources d’incertitude sont les risques de récession dans la zone euro – «surtout si la guerre en Ukraine s’intensifie» – et un possible resserrement excessif de la Réserve fédérale américaine, «qui freinerait la plus grande économie du monde».

Les deux économistes insistent cependant sur les opportunités à long terme liées à cette ère de disruption. «L’invasion de l’Ukraine par la Russie et la pandémie ont stimulé la relocalisation, ce qui a entraîné une augmentation des investissements dans le secteur de l’offre des économies nationales. L’insécurité énergétique contribue à la transition verte. Et malgré un premier semestre difficile pour les valeurs technologiques, des thèmes tels que la cybersécurité, la robotique et l’automatisation pourraient se renforcer.»

Conscients de la nervosité des investisseurs quant aux perspectives de rentabilité des entreprises et des investissements, ils mettent en avant quatre convictions fondamentales et leurs conséquences pour les investisseurs. «Des tendances structurelles micro et macro, qui se sont accélérées à la suite de la pandémie et du conflit ukrainien, et qui risquent de changer la donne.»

D’abord, être très sélectif dans le choix des entreprises dans lesquelles on veut investir. «Les meilleures entreprises peuvent prospérer pendant les périodes d’incertitude, comme aujourd’hui, notamment en plantant les graines de la prochaine saison de croissance. Cela nécessite une concentration et une flexibilité à long terme, surtout sur le plan financier. Pour ces raisons, nous avons une préférence marquée pour les entreprises ayant un bilan solide et des niveaux élevés de flux de trésorerie disponible. La solidité financière donne aux sociétés en croissance la flexibilité et la possibilité de continuer à investir en période de ralentissement», détaille Ilario Attasi.

Relocalisation, énergies renouvelables et technologie en anxiolytique

Nicolas Sopel invite également à jouer le thème de la relocalisation. «Les gouvernements et les entreprises prennent des mesures actives pour remédier aux faiblesses consécutives à des décennies de délocalisation et de déséquilibre économique. Cela stimulera des investissements significatifs dans des industries d’importance stratégique, ce qui conduira à des chaînes d’approvisionnement plus robustes, à une meilleure sécurité nationale et à une plus grande indépendance énergétique. Dans les marchés émergents, la Chine se concentre depuis longtemps sur le rééquilibrage de son économie, en favorisant la production nationale et en mettant à niveau son secteur manufacturier sur la chaîne de valeur.» Pour le stratégiste, ces tendances seront probablement des moteurs importants pour les rendements des actions au cours de l’année à venir.

Ilario Attasi invite également à jouer le thème des énergies renouvelables et fiables. «Les actions des énergies propres ont surperformé le marché depuis l’adoption de l’accord de Paris sur le climat en 2015. Cette décennie, la divergence entre les actions des énergies propres et les actions des combustibles fossiles, qui ont sous-performé au cours de la dernière décennie, pourrait être encore plus prononcée.»

Dernière conviction: les valeurs technologiques. Actuellement chahutées – «elles sont peut-être en passe de connaître leur plus forte baisse annuelle depuis 14 ans» –, Nicolas Sopel les voit superformer à long terme. «La technologie peut potentiellement faire face aux défis majeurs de notre époque, à savoir le changement climatique, la dépendance énergétique, les risques de pandémie, la sécurité alimentaire et la résilience de la chaîne d’approvisionnement. Parallèlement, certaines des opportunités les plus excitantes, comme le metaverse, l’intelligence artificielle, les véhicules autonomes ou encore la génomique, sont également étroitement liées à la technologie. Les perspectives à long terme pour la technologie et l’innovation restent solides.»