Triodos Microfinance est un gestionnaire d’actifs mondial qui finance des institutions financières telles que des banques ou des institutions de microfinance en Amérique du Sud, en Afrique, en Asie du Sud-Est et en Asie centrale, en mettant l’accent sur les PME et l’«économie réelle».
Lors d’une interview qui a suivi sa présentation à la Semaine européenne de la microfinance, Tatiana Kalinina, analyste principale de la durabilité et de l’impact chez Triodos, a expliqué à Paperjam que le secteur de la gestion de fonds est parfois confronté à la définition stricte du règlement de l’article 9, qui exige que les investissements durables représentent au moins 80% des actifs sous gestion. «Les principaux défis ne concernent même pas la durabilité des investissements.» Préoccupés par les rachats des investisseurs, certains fonds engagés dans des investissements en dette ou en actions très illiquides dans des banques peuvent avoir du mal à conserver seulement 20% de liquidités.
Les défis administratifs ne s’arrêtent pas là. Triodos est confronté à l’indisponibilité des données des institutions financières du Sud car «elles n’ont pas besoin de rapporter le et les données de substitution que nous pouvons trouver ne sont souvent pas pertinentes pour notre cas spécifique», a expliqué Tatiana Kalinina, le 14 novembre 2024, faisant référence à la directive de l’UE sur le reporting en matière de développement durable des entreprises. Néanmoins, Triodos peut gérer les données de substitution parce que «nous faisons trop de rapports et nous sommes plus conservateurs» sur des questions telles que les émissions.
Tant de questions sur la biodiversité
Ce n’est qu’après avoir franchi les obstacles administratifs byzantins que Mme Kalinina a commencé à parler à Paperjam de la biodiversité, ce qui n’est pas simple. «Il y a un grand débat dans l’industrie sur ce qu’est la biodiversité (...), comment la biodiversité est endommagée (...), sur ce qu’est la restauration ou la préservation de la biodiversité.»
Pourtant, elle a fait remarquer que l’on attendait de son secteur qu’il «mesure et rende compte de tout cela». Dans un cri du cœur, elle a déclaré: «Nous faisons tous de notre mieux (...), mais donnez-nous des outils, donnez-nous des méthodologies (...) Nous ne sommes pas des scientifiques de la biodiversité, nous sommes des experts financiers.»
Mme Kalinina a expliqué que la taxonomie environnementale (une taxonomie sociale est actuellement en cours d’élaboration par l’UE) comporte six objectifs. Contribuer à ces objectifs ne doit pas se faire au détriment des autres. Elle a rappelé que seuls deux de ces objectifs sont définis (selon Paperjam, il s’agit de l’atténuation du changement climatique et de l’adaptation au changement climatique), mais que la biodiversité n’en fait pas partie.
L’union fait la force
Mme Kalinina se réjouit de faire partie de la Social Performance Task Force, un d’investisseurs qui s’occupe de la biodiversité. Certains de ses membres sont intervenus sur le même panel de la Semaine européenne de la microfinance. Alors qu’ils se concentraient auparavant sur l’endettement, les investisseurs à impact et durables se réunissent aujourd’hui régulièrement dans le cadre de plusieurs groupes de travail liés à la SFDR, y compris la biodiversité, afin de répondre à des questions telles que «qu’est-ce que la SFDR exige de nous?» ou «avons-nous une interprétation similaire?».
Le règlement de la Commission européenne n’a pas été rédigé pour les petits agriculteurs du Sud, mais pour les grandes entreprises de l’Ouest.
Indépendamment de la taxonomie, elle a fait remarquer que la SFDR dispose d’un «indicateur d’impact négatif primaire spécifique qui est consacré à la biodiversité». Elle déplore que la formulation soit encore trop vague en ce qui concerne les principales zones sensibles en matière de biodiversité et souhaiterait que l’UE soit plus précise sur ce que les investisseurs devraient rapporter.
Trop, c’est comme pas assez
Mme Kalinina estime que les fonds européens sont pris entre le marteau et l’enclume, car ils sont considérés comme demandant trop d’informations aux bénéficiaires des investissements. Comment pourrait-il en être autrement lorsque le régulateur fait pression sur les fonds pour qu’ils obtiennent toujours plus d’informations de la part des bénéficiaires de leurs investissements? Il s’agit de trouver un équilibre entre la nécessité «d’ajuster [les données] et de les transformer d’une manière qui [...] nous aide à mesurer ce que nous [devons] mesurer, comme les dommages potentiels».
«Le règlement de la Commission européenne n’a pas été rédigé pour les petits agriculteurs du Sud, mais pour les grandes entreprises de l’Ouest», a expliqué Mme Kalinina. Dans les pays du Sud, elle a souligné que les données sur la biodiversité que Triodos demande aux PME clientes par l’intermédiaire des banques sont perçues comme «non pertinentes» dans la gestion de leurs activités quotidiennes.
«Ce n’est pas leur priorité. Le défi consiste à présenter la demande d’une manière qui la rende ‘pertinente et proportionnée’ pour les PME grâce au transfert de connaissances.» Mme Kalinina a suggéré que le partage de l’expertise développée dans le domaine de l’agriculture régénérative et biodynamique par les agriculteurs néerlandais est un exemple de collaboration gagnant-gagnant.
Cet article a été rédigé initialement , traduit et édité pour le site de Paperjam en français.