Avec des seuils de 15 et de 60 millions d’euros, les notifications imaginées par Franz Fayot devaient être limitées à une dizaine par an. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/Archives)

Avec des seuils de 15 et de 60 millions d’euros, les notifications imaginées par Franz Fayot devaient être limitées à une dizaine par an. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/Archives)

Le ministre de l’Économie, Franz Fayot (LSAP), a présenté ce mardi 18 juillet le projet de loi tant attendu sur le contrôle des fusions et des acquisitions. Le Luxembourg est le dernier pays européen qui ne disposait pas de système national.

Cinq associations d’entreprises, deux entreprises individuelles, un cabinet d’avocats, un cabinet de conseil et une association de consommateurs: début 2022, dix acteurs à peine ont participé à la consultation publique organisée par le ministère de l’Économie en vue d’élaborer un cadre national de contrôle des fusions et des acquisitions.

Près de vingt ans après le cadre européen, le ministre de l’Économie, (LSAP), a présenté ce mardi matin un projet de loi qui va permettre au Luxembourg d’être en phase avec les 26 autres membres de l’Union européenne et avec la Commission européenne.

Ces dix acteurs ont été entendus. 88% d’entre eux souhaitaient que le système requière une notification préalable et 60% que les seuils de notification fassent référence au chiffre d’affaires. Le projet de loi prévoit une notification préalable auprès de l’Autorité de la concurrence des opérations «pour lesquelles le chiffre d’affaires total réalisé au Luxembourg par l’ensemble des entreprises concernées est supérieur à 60 millions d’euros et le chiffre d’affaires réalisé individuellement au Luxembourg par au moins deux des entreprises concernées est supérieur à 15 millions d’euros.»

Des seuils pour une dizaine de notifications par an

Soit des seuils relativement élevés, issus d’une étude de VVA pour le compte du ministère de l’Économie. Au niveau de l’Irlande (10 et 60 millions), ces seuils devraient déclencher une dizaine de notifications par an, derrière Malte qui est le pays qui en reçoit le moins (12 par an). Des seuils plus élevés comme les 50-150 millions français, les 40-100 millions belges, les 50-500 millions allemands ou les 100-500 millions suisses n’auraient entraîné que trop peu de notifications pour que ce dispositif serve à quoi que ce soit.

Compte tenu de la spécificité du Luxembourg, les activités transfrontalières des entreprises impliquées devront également être prises en compte par l’AdC. Au moment de la notification, l’Autorité publiera un avis pour informer les tiers de l’opération envisagée qui permettra aux personnes intéressées d’adresser leurs observations.

Autre élément important, l’administration devra rendre une décision dans les 25 jours ouvrables, une autorisation ou, si elle a des doutes, une deuxième phase, de 90 jours maximum, à l’issue de laquelle elle délivrera une autorisation avec ou sans conditions ou une interdiction. Au niveau européen, dit le document du ministère, moins de 4% des cas passent par cette deuxième phase.

Des dérogations

Le gouvernement aura la possibilité de revenir sur la décision de l’Autorité de la concurrence, pour des questions d’intérêt général autres que la protection de la concurrence (développement industriel, économique ou financier, compétitivité des entreprises à l’international ou création ou maintien de l’emploi), à l’initiative de tout ministre concerné et dans un délai de 35 jours maximum après la deuxième phase.

Une des craintes régulièrement exprimées était la protection de la place financière. Le projet de loi y répond par des dérogations pour protéger la stabilité du système financier du Luxembourg, pour les cas de sauvetage de banque ou d’assurance, auxquels cas, l’Autorité de la concurrence sera dessaisie au profit de la Commission de surveillance du secteur financier.

Une sécurité juridique

Jusqu’ici, rappelle le ministre dans ses documents, un projet pouvait être remis en cause a posteriori par l’Autorité de la concurrence, avec un risque d’amende à la clé. En 2015, l’Autorité avait été saisie d’une plainte par un concurrent d’Utopia, qui avait repris le CinéBelval à Esch-sur-Alzette. Si elle avait fini, le 22 juin 2016, par classer l’affaire sans suite, le monde économique avait appris qu’il devrait désormais imaginer qu’une fusion soit remise en cause a posteriori.

Le projet de loi donne donc une sécurité juridique aux acteurs qui veulent réunir leurs forces.

C’est à la Commission européenne que revient l’examen d’un dossier quand deux autres seuils sont franchis, cinq milliards d’euros de chiffre d’affaires au niveau mondial en agrégé et 250 millions d’euros en individuel dans l’Union européenne. La fusion-acquisition peut aussi être notifiée dans plusieurs États membres qui doivent renvoyer l’analyse vers la Commission européenne.