Le coût total de la pandémie pour les pays développés tourne autour de 1% du PIB, contre 6% pour les pays émergents, rappelle Raphaël Gallardo. (Photo: Carmignac)

Le coût total de la pandémie pour les pays développés tourne autour de 1% du PIB, contre 6% pour les pays émergents, rappelle Raphaël Gallardo. (Photo: Carmignac)

Pour Raphaël Gallardo, chef économiste chez Carmignac, il faut s’attendre pour ces prochains mois à une persistance de l’inflation et à une possible reprise de la guerre commerciale sino-américaine.

Pour ce qui est du contexte économique, pas de doute: la croissance est de retour. Mais elle ne sera pas la même pour tous. «La pandémie a été un choc mondial, mais asymétrique sur les économies, notamment en raison de la vulnérabilité différente des populations et des économies. De plus, la réponse des autorités a été très différenciée, ce qui a des impacts sur le coût à long terme de cette crise, et aussi sur les profils de reprise.»

La première source de désynchronisation à court terme a été la stratégie vaccinale.

«Les rythmes de vaccination restent extrêmement disparates entre les grands pays. Aux États-Unis, il est en train de s’effondrer; l’Europe est en train de rattraper son retard par rapport au Royaume-Uni, et la Chine, qui était très en retard, est devenue le premier pays en termes de rythme de vaccination. Le Japon, qui a démarré très tardivement, est en train de remonter, mais cela reste très laborieux, tandis que de grands pays émergents comme le Brésil et l’Inde ont toujours du mal à décoller.»

Et si on regarde en cumulé, les différences sont encore plus flagrantes entre les États-Unis, où 65% de la population a reçu au moins une dose, la zone euro (45% seulement), et la Chine, qui, avec 25% de sa population traitée, rattrape et dépasse les pays émergents.

Résultat des politiques de vaccination, le coût total de la pandémie pour les pays développés tourne autour de 1% du PIB, selon le FMI, contre 6% pour les pays émergents.

Le rôle de l’épargne des ménages

Deuxième élément de désynchronisation de la croissance: les politiques budgétaires. «La réponse des politiques budgétaires a été très différenciée et continue à l’être dans la phase post-vaccination. Si on compare États-Unis et zone euro, le soutien fiscal total est respectivement de 13,6% du PIB, contre 6,5%. En caricaturant, la zone euro partait avant la pandémie avec un différentiel de production de 50% inférieur à celui des États-Unis, et le niveau de stimulus qu’elle applique à son économie est de moitié inférieur.»

Raphaël Gallardo constate un autre élément différenciateur: le niveau de l’épargne privée. «Aux États-Unis, le soutien à l’économie a surtout été un soutien aux ménages, alors que la zone euro a soutenu plutôt les entreprises. Une grande partie de ce soutien apporté aux ménages outre-Atlantique a été épargné. Ces montants représentent près de 11% du PIB aux USA, contre 6% dans la zone euro. Il y a donc aux États-Unis un réservoir de pouvoir d’achat qui va booster la croissance américaine bien au-delà de ce que l’on peut espérer.»

En résumé, «si on veut placer les différents pays dans le cycle économique, la Chine est en avance parce qu’elle a été la première touchée par la pandémie et la première à en sortir et qu’elle est en train d’appliquer des politiques économiques plutôt restrictives, alors que tous les autres pays sont plutôt dans la phase de reprise. Un peloton mené par les États-Unis, qui sont sortis plus vite de la crise grâce à leur effort de vaccination plus rapide, suivis par le Royaume-Uni, puis la zone euro. Et vous avez beaucoup de pays, dont le Japon et l’Inde, qui, eux, ne sont pas encore dans la phase de reprise de leur économie à cause du niveau encore élevé des contaminations.»

Chez Carmignac, on parie pour 8,5% de croissance cette année en Chine, 6,8% aux États-Unis, 5,5% au Royaume-Uni, 4,5% en zone euro et 2,5% au Japon. «Donc des chiffres très étalés et des trajectoires pour 2022 qui seront extrêmement disparates.»

Raphaël Gallardo insiste sur le fait qu’au vu des trajectoires actuelles, l’économie américaine entrera en surchauffe en 2022.

Une inflation durable aux États-Unis

L’inflation sera également un thème majeur ces prochains mois. La pandémie a créé un choc positif sur la demande – grâce notamment aux plans de relance et à l’accélération de tendance dans ce que l’on appelle les 3D: la digitalisation, la déglobalisation et la décarbonisation. Cela a créé des goulets d’étranglement qui exercent une pression à la hausse sur les prix. On l’a constaté dans le secteur des semi-conducteurs et de transport. Dans le même temps, les effets positifs de la pandémie – comme la digitalisation – ne joueront qu’à long terme. À court terme se ressent surtout le manque de main-d’œuvre.

Raphaël Gallardo voit l’inflation s’installer durablement, surtout aux États-Unis.

Et il met en garde contre les effets probables entre le décalage des politiques économiques chinoise et américaine. Si la première programme un ralentissement, la seconde programme une surchauffe. «La Chine essaie de soigner son addiction au crédit, alors que le reste du monde fait de la relance et fait tourner la planche à billets. Cette opposition frontale des politiques risque de raviver la guerre commerciale sino-américaine avec le risque d’une balkanisation des chaînes de production à l’échelle mondiale – une déglobalisation.» Le fait déclencheur pourrait bien être la question de l’intervention de la Chine sur les marchés des changes pour éviter une appréciation trop forte de sa monnaie. Manœuvre strictement interdite par le dernier accord commercial entre Washington et Beijing.

Climat propice à la diversification des portefeuilles

Avec un tel scénario, quelle est l’allocation optimale d’un portefeuille?

Pour Kevin Thozet, membre du comité d’investissement de Carmignac, ce contexte reste plus porteur pour les actions que pour les obligations. Et la désynchronisation a ceci de positif qu’elle permet une meilleure diversification des portefeuilles.

Pour lui, le thème de la croissance reste le tout bon portefeuille, étant entendu que la dynamique économique reste bonne pour les secteurs cycliques, mais pas suffisamment pour les titres «value».

Il reste prudent sur le secteur obligataire et plaide pour une faible exposition au dollar, en raison d’un différentiel de croissance moins favorable pour les États-Unis et de vents contraires structurels.