Franz Kerger, avocat à la Cour, Allen & Overy SCS. (Photo: Maison Moderne)

Franz Kerger, avocat à la Cour, Allen & Overy SCS. (Photo: Maison Moderne)

Près de 1.700 nouveaux recours introduits auprès de la direction de l’ACD, 206 nouvelles affaires portées devant le Tribunal administratif et 69 nouveaux appels interjetés devant la Cour administrative, des majorations d’impôt en nette hausse, frôlant les 100.000.000 d’euros: tels sont les chiffres clés tirés du rapport d’activité de l’ACD à retenir pour l’année 2022. 

Après une légère baisse de l’activité contentieuse pendant la pandémie Covid-19, on constate que l’activité contentieuse est en forte hausse en matière d’impôts directs. L’introduction de nouveaux recours introduits devant le directeur de l’ACD (qui constitue un préalable obligatoire avant de former des recours devant les juridictions administratives) a connu une progression de 51% depuis l’année 2013. La même tendance est observée sur le nombre d’affaires portées devant le tribunal administratif (en cas de désaccord avec la décision directoriale).

Le rapport d’activité 2022 de l’ACD ne permet pas d’identifier le type de contribuable (personne physique ou morale) faisant le plus face à des contentieux fiscaux ou encore les sujets fiscaux sur lesquels il y a le plus de désaccords. Toutefois, la jurisprudence des juridictions administratives nous apporte les réponses à ces questions en attestant du fait qu’un bon nombre de dossiers concernent des personnes morales opérant dans le secteur financier. 

D’après le rapport précité, c’est la matière des prix de transfert qui a causé une augmentation très importante de majorations d’impôt suite à des révisions. Le montant total des majorations d’impôts pour l’année 2022 était de près de 100.000.000 euros contre environ 6.000.000 d’euros en 2021, soit une augmentation d’un peu moins de 1666%. On peut donc s’attendre à davantage de dossiers contentieux concernant cette matière spécifique dans les années à venir. Actuellement, ce sont les questions relatives à la matière des prix de transfert qui font le moins l’objet de demandes de décision anticipée (encore appelés rulings). Seulement deux demandes ont été formulées sur des sujets de prix de transfert en 2022. Face à une augmentation des majorations d’impôt sur base des règles de prix de transfert, cette tendance pourra changer sur les prochaines années. Affaire à suivre!

Le rapport d’activité 2022 de l’ACD présente entre autres l’évolution de l’activité contentieuse et de l’activité de révision et de contrôle sur place de l’Administration des contributions directes. Sa lecture permet de déceler certaines tendances et de comprendre les moyens humains que l’Administration se donne afin de faire face à une activité croissante. 

Mais surtout, le rapport nous rappelle que le risque du contentieux fiscal direct (impôt sur le revenu, impôt commercial communal, impôt sur la fortune) est réel et qu’il convient donc de prendre toutes les mesures nécessaires afin de le réduire au maximum. 

Rappelons à ce sujet que le contentieux fiscal direct est redoutable dans la mesure où la dette fiscale devient exigible un mois après l’émission du bulletin, que les recours formés ne suspendent pas l’obligation de paiement de l’impôt et que les procédures contentieuses sont généralement longues. Des suris à exécution ou de paiement peuvent être demandés sous conditions, mais les conditions d’octroi ne sont guère intéressantes pour les contribuables. 

Personne n’étant à l’abri d’une procédure contentieuse fiscale, il est donc important de mettre en place une bonne gestion des affaires fiscales. Des gestes simples comme le traitement régulier des courriers de l’administration protègent contre le risque de perdre le droit d’agir contre une décision de l’ACD. Les délais de recours sont courts (en général, trois mois à partir de la date de la décision causant un préjudice) et les dossiers de plus en plus complexes. Réagir à temps est donc crucial pour construire sa défense.

En matière de contentieux fiscal direct, mieux vaut prévenir que guérir. Il est évident que le risque de contentieux décroît en fonction du soin apporté aux affaires fiscales. Chaque document transactionnel, chaque procès-verbal de réunion des organes de gestion (reflétant par exemple pourquoi une transaction donnée a été structurée d’une manière plutôt que d’une autre quand différentes voies sont ouvertes), chaque démarche administrative à caractère fiscal doit recevoir le plus grand soin afin de réduire le risque de contentieux. L’expérience montre qu’une formulation malheureuse dans une demande adressée à l’administration peut avoir des conséquences auxquelles il peut être difficile de remédier. 

Il n’est pas suffisant de bien s’entourer de conseillers fiscaux pour structurer une transaction donnée et atteindre ainsi la tranquillité d’esprit. Encore faut-il que le conseil fiscal obtenu soit correctement reflété dans les déclarations fiscales, au risque de faire perdre au conseil reçu toute sa valeur. La préparation des déclarations fiscales est devenue un exercice de plus en plus complexe au courant des dernières années, ceci en raison d’un foisonnement de nouvelles règles comme les règles dites CFC, les règles de limitation d’intérêts ou encore les règles anti-hybrides que nul n’est censé ignorer.

La bonne gestion des affaires fiscales sera enfin un facteur de sérénité dans un environnement souvent incertain. En effet, une société résidente luxembourgeoise opérant dans le secteur financier n’aura pas toujours de la certitude par rapport à sa situation fiscale à la réception du bulletin d’impôt suite à la remise de la déclaration fiscale. En effet, le contribuable obtiendra très souvent un bulletin provisoire (qui portera la mention § 100 a Abgabenordnung) à travers lequel l’administration fiscale se réserve le droit de revenir sur son imposition dans un délai de cinq ans. Sécuriser ses transactions d’un point de vue fiscal au moment de leur mise en œuvre est donc important pour éloigner l’épée de Damoclès et pour prendre les bonnes décisions d’investissement et de distribution sans devoir se soucier du passé.