La CEO de Luxinnovation, Sasha Baillie, et ses équipes préparent un programme spécifique pour les scale-up, ces start-up en phase de croissance rapide. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

La CEO de Luxinnovation, Sasha Baillie, et ses équipes préparent un programme spécifique pour les scale-up, ces start-up en phase de croissance rapide. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Le 12 décembre, la CEO de Luxinnovation, Sasha Baillie, sera sur la scène de Trend Makers 2024, aux côtés notamment du Premier ministre, Luc Frieden. Avec son sens inné de la diplomatie, elle évoque des pistes pour placer durablement le Luxembourg sur la carte de l’innovation.

Ne nous dites pas tout avant l’événement Trend Makers 2024, mais seulement une piste de ce que vous imaginez, d’un point de vue technologique, pour les années à venir?

. – «Je regarde toujours le positionnement du Luxembourg et comment nous nous positionnons par rapport à des tendances. Nous devons nous intéresser à tout ce qui tourne autour des données, du captage à l’interopérabilité en passant par ce que nous pourrons en faire. Comment des business vont-ils se transformer en travaillant avec la donnée? Il y a de grandes opportunités et de grands challenges pour nos entreprises. Tout ce qui est intelligence artificielle, tout ce que cela signifie, pour quel secteur? Comment leur daily business va potentiellement changer? Et comment est-ce qu’on les prépare à tout cela? Nous parlons toujours du développement de différents secteurs au Luxembourg, mais c’est tellement transversal que nous devons aider à identifier les secteurs qui seront le plus touchés par l’IA et par l’utilisation de la donnée. Pour que nous puissions les aider à identifier les opportunités et à gérer les risques.

Où est-ce qu’on en est? L’IA, c’est tout sauf nouveau, même si les buzz autour de ChatGPT le laissent croire…

S.B. – «Le Luxembourg est dans une phase de prise de conscience, de compréhension des possibilités. La technologie existe, mais il y a des freins à l’utilisation massive, comme dans l’accès ou l’utilisation des données. Sur la manière dont on pourrait utiliser cette technologie dans une entreprise spécifique ou dans un secteur spécifique, nous n’y sommes pas encore. Nous devons travailler à réunir ces deux mondes.

Ce sont deux choses différentes. Pour tout ce qui concerne les données, il y a beaucoup d’entreprises qui en ont, mais elles ne sont pas toujours structurées, ni même utilisables… C’est déjà un développement en soi. Est-ce qu’on a assez d’acteurs qui travaillent sur ce sujet?

S.B. —«Il y a d’un côté ceux qui sont fournisseurs de solutions dans l’IA et de l’autre les marchés potentiels. Il y a de plus en plus de fournisseurs au Luxembourg, nous sommes en train de finaliser une analyse, un mapping de l’IA, qui montre qu’il y a depuis 2018 un doublement du nombre d’acteurs qui offrent des solutions. Pour ceux qui doivent utiliser ces technologies, nous avons plus de mal à leur faire voir les opportunités et identifier les use cases pour ces acteurs.

Est-ce qu’il y a une situation spécifiquement luxembourgeoise pour chacune des deux questions? Pourquoi, en tant que petit pays, nous ne pourrions pas imaginer un data lake à l’échelle du pays?

S.B. —«Ce que nous lisons, c’est qu’il faut des capacités qui peuvent faire beaucoup évoluer le secteur financier. Tout comme le secteur de la santé. Il y a là beaucoup d’opportunités. Et du travail à faire. Par rapport à d’autres domaines, nous avons une grande chance, en tant que petit pays, de pouvoir rassembler de manière plus directe des acteurs-clés, qu’ils viennent du cadre réglementaire, qu’ils aident les entreprises à se transformer ou qu’ils aident à remplir les besoins du secteur public… Construisons des laboratoires d’adoption des technologies. Le Luxembourg a un énorme potentiel à ce niveau-là, mais cela nécessite que nous soyons capables de réunir les acteurs-clés autour d’une table…

Les uns et les autres doivent aller au-delà de leurs propres intérêts.
Sasha Baillie

Sasha BaillieCEO Luxinnovation

Et pour partager leurs données…

S.B. —«Pas seulement pour partager les données, mais aussi leurs convictions, leurs idées, leurs besoins, leurs intérêts… Et voir comment dégager des solutions communes. Les uns et les autres doivent aller au-delà de leurs propres intérêts.

C’est réaliste? Officiellement, chacun aime bien collaborer avec les autres, mais chacun aime aussi avoir son business qui marche mieux que celui du voisin…

S.B. —«C’est partout comme ça! Mais si nous avons de l’ambition, nous avons la capacité d’amener tous les acteurs autour de la table. Actuellement, dans le cadre de l’étude sur l’écosystème start-up, où nous avons constaté que nous avons besoin de développer un programme plus spécifique pour les scale-up, nous allons réunir différents acteurs. Des VC, des fondateurs de start-up qui ont eux-mêmes fait leur chemin et qui connaissent les défis et les obstacles, et des acteurs institutionnels pour réfléchir ensemble sur la manière dont il faudrait articuler un tel programme pour qu’il atteigne son objectif. Nous n’allons pas révolutionner le monde, mais c’est réaliste.

Mais est-ce que ce n’est pas le rôle de Luxinnovation d’ériger en modèle cette idée de collaboration?

S.B. —«Là où d’autres acteurs ne le font pas, oui. Si d’autres travaillent déjà ensemble, nous n’avons pas besoin de le faire. Dans le domaine de la construction, sur lequel nous travaillons actuellement autour de la circularité, il y a un vrai potentiel pour réutiliser les déchets de la construction, comment en faire de nouvelles ressources. Cela nécessite une compréhension de tous les acteurs de l’écosystème. Nous avons emmené un groupe de ces acteurs en Suisse pour voir comment cette thématique, notamment le recyclage du béton, a été traitée en Suisse. Tous ces acteurs se disent ‘’ok, c’est faisable’’, ‘’quel est le coût?’’, ‘’que faut-il transformer chez nous?’’. À partir de cela, nous pouvons travailler sur des projets spécifiques pertinents pour le Luxembourg.

Est-ce que cela restera sous l’égide de Luxinnovation ou il faudra un GIE?

S.B. —«L’idéal est que cela ne reste pas sous l’égide de Luxinnovation, mais que nous puissions générer des idées, réunir les acteurs et favoriser des spin-off. Dans le domaine du bois, c’est le cas d’e-holzhaff.lu. Nous n’y sommes pas encore, parce que la plateforme existe, mais elle n’a pas encore été reprise par des acteurs publics et privés qui créent une structure à part. Nous ne sommes qu’un facilitateur.

Est-ce que les choses vont assez vite?

S.B. —«Non. Je suis de nature impatiente… mais aussi optimiste! Je dois aussi accepter que le fait que des acteurs doivent prendre le lead sur un concept ou une idée prend du temps. C’est normal: il faut se familiariser avec différents points de vue et il n’est pas possible de l’imposer.

Sascha Baillie: Nous devrions adopter une approche différente pour voir comment nous devrions aborder telle ou telle problématique, pas seulement dans un ministère, mais de manière plus systématique.» (Photo:Guy Wolff/Maison Moderne)

Sascha Baillie: Nous devrions adopter une approche différente pour voir comment nous devrions aborder telle ou telle problématique, pas seulement dans un ministère, mais de manière plus systématique.» (Photo:Guy Wolff/Maison Moderne)

Non, mais tout le monde vous reconnaît un track record, une place neutre quand vous vous occupez de ces sujets…

S.B. —«Oui, et c’est important. Tout dépend du domaine. Si deux investisseurs veulent vraiment faire bouger un secteur, ça peut aller très vite. Notre job est de veiller à faire réfléchir et avancer dans une direction commune dans les domaines où il n’y a pas d’alignement. Fédérer les acteurs est très difficile. Il y a très souvent des points de vue totalement différents, des manières de penser différentes, des compétences différentes et des langages qui ne sont pas les mêmes. Pour qu’ils se parlent et qu’ils s’écoutent, il faut être patient.

Les neurosciences disent que tous les groupes humains fonctionnent de la même manière. On pourrait imaginer des processus transversaux, utiles dans tous les domaines…

S.B. —«Il n’existe pas de méthodologie, mais nous sommes en train de nous orienter vers une méthodologie nous-mêmes, en interne, chez Luxinnovation, en identifiant davantage comment nous sommes organisés pour que nos équipes envisagent différentes problématiques selon leurs compétences respectives. Certains sont plus dans l’accompagnement individuel de projets d’entreprises, comprennent une entreprise dans un secteur et peuvent l’aider. D’autres ont une approche plus systémique et comprennent plus de dynamiques, sont plus forts dans la capacité à réunir différents acteurs, à être des médiateurs, à l’écoute. Plus patients…

Plus diplomates…

S.B. —«Plus diplomates, oui, mais ce n’est pas nécessairement moi. D’autres vont sortir, bien présenter, séduire… D’autres sont plus dans l’analyse, dans la formulation d’idées ou dans le project management. Nous sommes en train de clarifier les rôles et les responsabilités pour rendre les processus fluides. Pour ne pas travailler en silos. Je suis convaincue que nous serons mieux outillés pour aider dans notre écosystème.

C’est quand?

S.B. —«C’est en cours. L’objectif est d’avoir terminé dans les deux années qui viennent. Nous avons développé une stratégie de Luxinnovation, aussi développée en interne, en impliquant toutes les équipes. Ça ouvre une boîte de Pandore qu’il faut structurer. Ça crée des attentes. Il y a un processus d’apprentissage de la big picture. Ça ne se fait pas du jour au lendemain, il y a du change management. J’apprends beaucoup de certains de mes collaborateurs.

Donc fin 2025.

S.B. —«Oui, fin 2025. Luxinnovation a un contrat de performance qui vient à échéance fin 2025. Cela nous permettra d’avoir le concept en place pour le prochain contrat de performance.

Pour revenir une seconde en arrière, tant que nous sommes sur la structuration de Luxinnovation… Vu la période et la formation du gouvernement, est-ce que la puissance publique devrait faire quelque chose pour aider vos projets?

S.B. —«Elle s’implique. Notre conseil de gérance est composé de représentants de l’État, des ministères de l’Économie et de la Recherche, mais nous avons aussi des collaborations avec d’autres ministères. Comme la Défense, par exemple. La Direction de la défense voit quels sont les besoins de la sécurité et de la défense en Europe, quelles sont les capacités qui nous manquent pour défendre nos valeurs. Ils sont impliqués dans l’Otan, dans l’Union européenne, et nous voyons quelles sont les capacités dans l’industrie et la recherche au Luxembourg pour devenir les fournisseurs de solutions. Le cadre public est totalement clé pour orienter les travaux de Luxinnovation.

Est-ce que vous avez quelque chose à leur demander?

S.B. —«Percevoir les opportunités d’innovation à travers tous les domaines d’action d’un gouvernement, sans prendre seulement la digitalisation, confiée à un ministère de la Digitalisation. Dans des domaines comme la conduite autonome, l’utilisation des ressources… Il y a plein de ministères qui sont en face de besoins spécifiques futurs et d’obstacles… Nous devrions adopter une approche différente pour voir comment nous devrions aborder telle ou telle problématique, pas seulement dans un ministère, mais de manière plus systématique. Amener autour d’une table différents acteurs avec différentes perceptions et les mettre dans un cadre de confiance où ils peuvent partager des idées sans que cela soit tout de suite repoussé ou critiqué si l’un ne s’y connaît pas… Il a peut-être une dimension à apporter qui va ouvrir une porte à laquelle on n’a pas pensé.

Et ça passe par quoi? Un ministre spécial dédié?

S.B. —«Il faudrait du leadership d’en haut. De la volonté. Puis amener des acteurs et les mettre en confiance. Nous, nous y travaillons en interne. Il faut avoir un cadre pour capter les idées, être organisé dans le temps. Avec une «keystone team», nous développons un programme scale-up: nous amenons autour de la table des acteurs qui ont déjà beaucoup à faire eux-mêmes dans leur entreprise et un temps limité; nous avons un temps dédié, la discussion est structurée et le partage fonctionne si on réfléchit à comment le faire, parce que chaque domaine est différent.

Cela fait maintenant cinq ans que vous dirigez l’agence. En quoi êtes-vous satisfaite du travail réalisé?

S.B. —«Je suis contente d’avoir mis sur pied une stratégie construite avec tous les collaborateurs, d’avoir amené une réflexion stratégique, un meilleur positionnement de Luxinnovation dans l’écosystème, une meilleure compréhension. Chacun, chez Luxinnovation, apporte son talent et son expertise à quelque chose de plus grand. Et cela fait du bien de voir mes collaborateurs participer activement à cette dynamique. Dans un pays très diversifié, avec des collaborateurs de 16 pays différents et qui sont parfois des frontaliers, c’est très enrichissant. C’est aussi très efficace.

Et qu’est-ce qui n’a pas assez bien avancé?

S.B. —«Il y a quand même souvent des initiatives qui sont prises sans consulter les uns ni les autres… Avant de lancer quelque chose, il faudrait tenir compte du fait qu’il y a une Chambre de commerce ou un ministère qui fait déjà cela. Nous devrions interagir davantage avec d’autres acteurs avant de lancer des choses. C’est normal, parce que nous sommes tous dans nos habitudes. Que les gens aient envie de faire des choses, très bien, c’est compréhensible. Mais essayons de travailler avec les autres.

Pendant un temps, Luxinnovation semblait être une agence portée sur l’innovation. Aujourd’hui, on insiste beaucoup sur le soutien de l’écosystème, que ce soit pendant le Covid ou depuis la crise économique liée à l’invasion de l’Ukraine…

S.B. —«Ça m’inquiète que vous le disiez, car ce n’est pas la volonté de l’agence.

Pourtant, vous semblez satisfaits du soutien que vous apportez à l’accession par des projets luxembourgeois aux financements européens…

S.B. —«Oui, ce sont des financements d’innovation. Nous ne préparons pas les dossiers. Nous identifions quels programmes européens d’innovation pourraient être pertinents pour des acteurs et des entreprises du Luxembourg et les aidons à voir les opportunités, leur expliquons les processus, et ils doivent ensuite faire le dossier. Nous ne sommes pas une agence d’innovation, mais une agence de promotion de l’innovation!

Pour les gens qui ne vous connaîtraient pas encore et qui sont confrontés à des questions d’innovation, comment leur expliquer ce que vous faites à Luxinnovation?

S.B. —«Ça dépend des différents publics cibles. Il y a une diversité des entreprises et une diversité des niveaux de maturité. L’innovation est une transformation interne de l’entreprise et une transformation de l’entreprise en tant que fournisseur de solutions pour d’autres. Nous parlons à tous ces acteurs. Nous devons être à l’écoute des entreprises qui ont juste besoin de se digitaliser avec des solutions sur le marché et avec d’autres acteurs qui sont plus proches de ce type d’entreprise, comme la Chambre des métiers, la Chambre de commerce, la Fédération des artisans. Et être à l’écoute des questions plus complexes et plus technologiques. Nous, nous ne faisons pas l’innovation, mais nous sommes un pont entre les besoins d’une entreprise et le meilleur service pour cette innovation.

En cinq ans, est-ce que vous diriez que la compréhension des entreprises s’est vraiment améliorée ou pas tant que ça?

S.B. —«Nous avons encore un grand chantier à réaliser. C’est quelque chose qui figure sur notre to-do list. Nous sommes toujours perçus comme une agence très orientée vers les technologies les plus avancées, l’industrie ou les start-up, alors que nous sommes aussi là pour les entreprises artisanales, avec les ‘’Fit4’’, et là, nous devons davantage travailler sur le ciblage des entreprises et de leurs besoins. Nous travaillons à la mise en place d’une plateforme unifiée chez Luxinnovation qui sera une porte d’entrée pour une entreprise en fonction de son identité. Un customer journey emmènera cette entreprise vers le service le plus pertinent, qu’il soit in-house ou fourni par d’autres acteurs externes. Dirigée vers la House of Entrepreneurship, elle aura un Fit4Digital Package, qui est une spin-off de Luxinnovation. Nous n’avons plus besoin d’être ici dans l’accompagnement individuel. Nous avons développé un produit pour les entreprises et cela me libère pour travailler sur d’autres concepts.

L’innovation est une transformation interne de l’entreprise et une transformation de l’entreprise en tant que fournisseur de solutions pour d’autres.
Sasha Baillie

Sasha BaillieCEO Luxinnovation

Un autre pan de votre activité consiste à repérer des acteurs à l’étranger, dont la présence au Luxembourg ferait du sens. Vous parliez il y a quelque temps de briques à aller chercher pour compléter l’écosystème de manière à lui apporter de la valeur. Ce doit être de plus en plus difficile dans un monde de plus en plus connecté et en compétition…

S.B. —«Ce que nous réussissons mieux, c’est cibler par rapport à ce que nous, le Luxembourg, avons à offrir à ces entreprises. Nous avons entamé ce travail il y a sept ans en vue d’une prospection plus ciblée. Bien comprendre les avantages du Luxembourg pour un secteur ou un domaine spécifique. Sur cette base, nous avons donné des outils à notre réseau dans le monde, notre réseau des Luxembourg Trade and Investment Offices et des ambassades, pour qu’ils aient les arguments-clés pertinents. Cela permet d’éviter de faire des choses très larges, qui peuvent coller, par hasard… Nous avons une approche beaucoup plus ciblée.

Et le résultat final est plus positif qu’avant?

S.B. —«Il y a quand même beaucoup d’entreprises qu’on arrive à attirer. Toutes ces start-up qui viennent pour participer au Fit4Start, 500 demandes par an. Beaucoup, de cette manière, identifient un programme d’accélération intéressant, mais surtout une porte d’entrée sur l’Union européenne via le Luxembourg qu’ils n’auraient pas vue autrement.

Des petites entreprises, peut-être, mais pour lesquelles nous avons quelque chose à offrir parce que nous avons un supercalculateur, parce que nous avons une infrastructure digitale intéressante, parce que nous avons accès à ces programmes européens. Lyten est l’exemple typique. Pourquoi sont-ils si intéressés à l’idée de s’implanter au Luxembourg? Parce qu’ils ont déjà développé une technologie de lithium grâce à l’utilisation de graphène. L’avantage est d’aller avec cette technologie dans les grands programmes de développement européen. Le Luxembourg est un point d’accès direct et cela facilite le repérage de ce dont ils ont besoin.

Le contre-exemple est Freyr Battery, installée au Luxembourg depuis peu et qui décide d’aller aux États-Unis?

S.B. —«Avec le plan Biden, j’imagine. Nous devons trouver des moyens de contrecarrer avec d’autres dispositifs. L’Europe a aussi un énorme marché et si les sociétés américaines veulent accéder au marché européen, elles doivent aussi comprendre le cadre. Autre exemple, nous sommes en discussion avec une healthtech de Boston dans le domaine du diagnostic des maladies neurodégénératives. Ils ont développé, sur la base de données, des solutions qui permettent ce diagnostic par la manière dont on bouge… Comment offrir ce service sur un marché européen? Nous avons la possibilité de les aider à comprendre le cadre réglementaire ici, de faire cela en petit comité au Luxembourg et ensuite de grandir.

Est-ce que quelque part, on ne devrait pas avoir un jeu de données, luxembourgeoises ou européennes, anonymisées?

S.B. —«Oui, ce serait pertinent pour cette société. De travailler avec le Luxembourg Institute of Health, avec le Luxembourg National Data Service. L’idée aussi est de donner accès à un autre groupe de données avec lequel ils peuvent adapter ou développer des applications adaptées aux besoins européens.

Est-ce que vous ne trouvez pas que les sociétés ne viennent pas seulement pour profiter des aides financières du Luxembourg, parfois assez importantes, avant de repartir ailleurs? Est-ce qu’il y a un tourisme de l’aide luxembourgeoise?

S.B. —«Nous devons être hypervigilants là-dessus et très sélectifs.

Et comment fait-on?

S.B. —«Nous devons comprendre leur business model. Les questionner. Être en contact avec les décideurs de ces sociétés. Savoir si vraiment leur intention est à longue haleine ou pas. Nous développons beaucoup d’expérience pour bien cerner nos interlocuteurs. Parfois, il y a des échecs et nous devons apprendre aussi de nos échecs. Parce que fermer la porte à tous n’est pas une option.

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Le vivier de talents n’est pas épuisé

Signe de son caractère positif, la CEO de Luxinnovation ne voit pas les 50% d’étudiants de l’Université du Luxembourg qui restent, mais ceux qui ne restent pas et qu’elle voudrait pouvoir convaincre de rester. «Comment travailler davantage avec eux? Beaucoup viennent au Luxembourg en famille ou en couple, ils ont parfois du mal à accéder au marché du travail. Que peut-on faire pour faciliter cela? Le ministère du Travail a maintenant mis un cadre qui facilite cette accession. Des démarches récentes et qui sont très importantes», explique Sasha Baillie. L’autre point est la présence des femmes dans le monde de l’innovation. «Dans le domaine des start-up, seulement 6% sont fondées par des femmes. Où sont les autres? Nous devons les identifier et nous devons aller les chercher.»

Pour elle, «elles sont là, mais elles se retiennent ou elles ne sont pas visibles. Nous devons tous ouvrir nos yeux et aider. Dans certains comportements, il y a des portes qui sont fermées, par des perceptions… Tout cela nécessite une prise de conscience et un encouragement. Il y a des obstacles psychologiques.»«Ce n’est pas la grande réponse à la pénurie des talents, dit-elle encore. Il faudrait aussi parler d’éducation dans les écoles. Nous devons penser «out of the box», être apporteurs de solutions. Il y a déjà des méthodes dans les écoles où je vois que cela change par rapport à notre génération. Nos enfants ont plus le sens de l’entrepreneuriat qu’il y a une génération.»Quid du retour rapide dans la fonction publique, qui récupère 80 ou 85% des forces vives du pays? «C’est une autre problématique. Beaucoup de compétences dans la fonction publique pourraient bénéficier d’un passage de plusieurs années dans le privé et vice versa. Le cadre ne le permet pas assez bien.»

LNDS, l’acronyme à surveiller

 La CEO de Luxinnovation est pragmatique: dans le con­texte de l’arrivée souhaitée de certaines sociétés au Luxembourg et en Europe, la possibilité d’avoir accès à une base de données «neutre» et de confiance est un élément-clé. Sasha Baillie cite le LNDS, pour Luxembourg National Data Service, une organisation créée et financée par le gouvernement luxembourgeois depuis novembre 2022 dans la foulée de Gaia-X. Confiée à Bert Verdonck, elle devrait compter 50 personnes pour apporter des services liés aux données.

Et demain?

 Sasha Baillie dans le corps diplomatique

«Possible. J’ai grandi dans ce système. Je vois toutes les problématiques avec lesquelles je travaille aujourd’hui, comme la digitalisation, l’innovation, etc., toujours dans une perspective géopolitique, les grandes tendances, comment le Luxembourg se positionne par rapport à tout cela. J’ai naturellement tendance à voir ce miroir des choses.»

Sasha Baillie à Luxinnovation

«C’est trop tôt pour en parler. Cela fait cinq ans que je suis à la tête de l’agence. C’est un chantier qui est encore en cours… C’est très difficile de faire ce pronostic au-delà de deux ou trois ans. J’ai encore beaucoup de travail d’ici là. J’adore faire ce que je fais, c’est une chouette équipe.»

 Cet article a été rédigé pour l’édition magazine de , paru le 22 novembre. Le contenu du magazine est produit en exclusivité pour le magazine. Il est publié sur le site pour contribuer aux archives complètes de Paperjam. 

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