Face à la croissance démographique et à l’augmentation des prix de l’immobilier que connaît le Luxembourg, faut-il, selon vous, densifier l’habitat dans le pays?
. - «Je pense qu’il est en effet nécessaire et indispensable de construire de manière plus densifiée au Luxembourg si l’on veut pouvoir répondre aux problématiques du logement que l’on connaît depuis plusieurs années et qui ne font que s’accentuer. Cependant, cette démarche doit être menée de manière réfléchie et intelligente selon les zones dans lesquelles on se trouve. Il ne s’agit pas de densifier à tout va, n’importe comment, n’importe où. Il y a des endroits où cela n’aurait aucun sens!
. - «Je suis également convaincu que l’une des solutions – ce n’est pas la seule, mais elle en fait partie – pour parvenir à enrayer la crise du logement, à augmenter l’offre disponible sur le marché et à continuer d’accueillir de nouveaux résidents est de densifier notre habitat, mais surtout, de densifier le tissu (péri)urbain. J’entends par là, augmenter la densification à Luxembourg-ville, dans les communes qui lui sont limitrophes, comme Mamer, ou encore dans celles du bassin minier, par exemple. Il n’est, bien sûr, pas question de construire de la même façon dans ce type de localités que dans les villages ou les zones plus rurales du pays, que nous nous devons de préserver.
Comment parvenir à cette densification? Comment l’organiser?
G. R. «À terme, il sera sûrement nécessaire d’augmenter ponctuellement les PAG (plans d’aménagement général), d’y inclure de nouvelles parcelles pour pouvoir construire davantage. Mais pour l’instant, dans de nombreuses communes, cela n’est pas du tout à l’ordre du jour. Il existe en effet encore beaucoup de terrains, à l’intérieur de ces PAG, qui ne sont pas viabilisés ou utilisés, simplement parce qu’il n’y a pas d’intérêt, actuellement, pour leurs propriétaires, de les vendre. Des terrains qui pourraient donc être exploités pour du logement ne le sont pas pour le moment. Résultat: nous manquons de surfaces disponibles pour construire du résidentiel, alors qu’en réalité, elles sont bien là.
M. G. «L’une des pistes serait de construire davantage en hauteur. Pour l’heure, la réglementation nationale et/ou communale limite encore fortement le développement d’immeubles hauts au Luxembourg. Et je ne parle pas de buildings pharaoniques, mais simplement de bâtiments à cinq ou six étages. Or, dans certains secteurs, dans des quartiers bien desservis par les transports publics, où les infrastructures et les équipements nécessaires sont présents, où les commerces sont facilement accessibles, cela pourrait être parfaitement envisagé, et ce, sans dénaturer l’environnement.
À Mersch, par exemple, nous participons au projet ‘Rives de l’Alzette’, qui vise à réaménager entièrement les friches agro-industrielles et leurs alentours dans le quartier de la gare. Ce projet fera sortir de terre résidences, maisons, commerces et bureaux. Quelque 1.000 logements, permettant d’accueillir plus de 2.000 nouveaux habitants dans la ville, doivent être construits. Là, nous aurions très bien pu ériger ne fût-ce qu’un étage de plus et ainsi offrir 25.000m2 supplémentaires de logements, sans que cela n’affecte la qualité du projet. Ce n’est pas possible, à moins de relancer une procédure d’autorisation qui prendra encore deux ans…
Pourtant, construire plus haut et plus dense est une tendance qui touche l’immobilier partout dans le monde. À quels obstacles se heurte-t-on au Luxembourg?
M. G. «Les procédures d’autorisation prennent beaucoup de temps. Dans certains cas, c’est l’usine à gaz! Et puis, certains maires freinent la construction de bâtiments supplémentaires ou d’immeubles hauts car ils se devront de développer, en parallèle, les infrastructures nécessaires pour accueillir ces nouveaux résidents.
G. R. «Il est indéniable que si l’on construit plus de logements, cela requiert de disposer, à côté, des équipements adéquats pour accueillir la population croissante: écoles, crèches et foyers de jour, hall sportif et culturel, stations d’épuration, transports publics, etc. Pour les communes, cela représente un coût non négligeable. Et cela peut être particulièrement difficile pour les localités purement rurales, car depuis la réforme des finances communales, la population compte pour 82% de la dotation financière octroyée. Pour les plus petites communes, il devient donc difficile de supporter les frais accrus liés aux équipements. Mais d’un autre côté, il appartient aussi aux communes de faire preuve de réactivité et d’adapter leur règlement sur les bâtisses pour permettre le déploiement de nouvelles habitations.
Densifier en construisant des logements de moindre superficie constitue-t-il aussi une solution pertinente à vos yeux?
M. G. «Quand on sait qu’au sein de la Ville de Luxembourg, la moitié des gens habitent seuls, qu’un quart des ménages comprend deux personnes et que l’autre quart regroupe trois personnes ou plus, bien sûr qu’il serait judicieux de développer davantage de ‘petits’ logements, parfaitement adaptés à une personne vivant seule. Il existe d’ailleurs une véritable demande pour ce type de logements. Mais les PAG ne le permettent pas toujours.
G. R. «Un logement plus petit ne veut pas dire un logement inconfortable. Les architectes savent aujourd’hui très bien concevoir des lieux de vie agréables, sur de plus petites surfaces, avec davantage d’espaces partagés, par exemple.
Quel serait l’impact d’une telle densification sur les prix de l’immobilier?
M. G. «Construire des logements plus hauts permettrait de diminuer, proportionnellement, le coût du foncier et de mutualiser les infrastructures. Par conséquent, les prix du logement auraient tendance à baisser. De plus, en densifiant les espaces et en construisant plus haut, davantage d’unités de logement sortiraient de terre. Le nombre d’habitations disponibles serait donc plus important. Et le marché étant principalement guidé par l’offre et la demande, les prix du logement diminueraient ou, en tout cas, se stabiliseraient.
Enfin, si l’on propose, à certains endroits, des logements plus petits pour répondre à une demande de la part de certains résidents, ces habitats, parce qu’ils disposeront d’une plus petite superficie, seront aussi moins chers. Cela contribuera à aplanir le coût moyen de l’immobilier dans le pays.
À quoi faut-il être attentif lorsque l’on densifie l’habitat?
G. R. «Il faut veiller à préserver une certaine mixité sociale, entre familles, couples et personnes vivant seules, entre jeunes et moins jeunes, et ce, en mêlant les typologies de logements. Il est aussi essentiel de s’assurer de la qualité de vie et du bien-être des habitants, en aménageant des zones tampons, en accordant de la place aux espaces verts, en favorisant la mobilité douce, par exemple.
En quoi est-ce finalement essentiel de densifier l’habitat pour préserver l’attractivité du Luxembourg?
M. G. «Nous n’avons pas vraiment d’autre choix. Nous faisons face, depuis plusieurs années, à un déficit de logements par rapport à la demande. D’année en année, la pression immobilière se fait plus forte. Se loger au Luxembourg devient de plus en plus difficile. Et cela ne va faire que se renforcer. En effet, depuis la pandémie, les prix des matériaux s’envolent. Cette augmentation va rapidement se répercuter sur le prix des nouvelles constructions.
G. R. «Je déplore, par exemple, que les jeunes qui ont grandi dans notre commune ne puissent plus y devenir propriétaires, à cause des prix devenus affolants. Petit à petit, cette situation ne va pas concerner que les jeunes. Pour stabiliser les prix, il nous faut créer du logement. C’est aussi simple et complexe que cela.»
Cet article a été rédigé pour parue le 15 juillet 2021.
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