Le Luxembourg étouffe sous les déchets inertes, produits en grande partie par la construction. (Photo: Shutterstock)

Le Luxembourg étouffe sous les déchets inertes, produits en grande partie par la construction. (Photo: Shutterstock)

Alors que plusieurs experts ont évoqué un changement de mode de fonctionnement économique, lundi, à la Chambre de commerce, une économiste en a profité pour détailler un rapport inquiétant sur la façon dont le Luxembourg se débat avec l’économie linéaire.

En marge de ce lundi, Hoai Thu Nguyen Doan, économiste, a présenté un rapport plutôt accablant des modes de consommation luxembourgeois. L’objectif étant d’inciter les CEO à passer de l’économie linéaire à circulaire, l’économiste a dressé un constat mondial, européen et luxembourgeois plutôt inquiétant.

La Terre aurait besoin d’une année et quatre mois pour régénérer ce qui est actuellement consommé sur un an, selon une étude américaine Global Footprint Network. Un constat encore plus alarmant au Luxembourg. «Si la population mondiale s’alignait sur le mode de vie luxembourgeois, il ne faudrait pas moins de huit planètes pour pouvoir subvenir à ses besoins», épingle le rapport.

Luxembourg: le mauvais élève niveau déchets

8,3 milliards de tonnes de plastique ont été produites entre 1950 et 2015. Dont 79% qui s’accumulent dans les décharges ou dans la nature. Seulement 9% de la production a pu être recyclée, et 12% incinérée. Ce qui est d’autant plus inquiétant pour le Luxembourg, qui fait figure de mauvais élève au niveau européen.

Le pays dépasse en effet allègrement la moyenne européenne au niveau de la production de déchets par habitant: 607kg de déchets ont été répertoriés en 2016 pour chaque résident luxembourgeois, soit 25% de plus que la moyenne européenne, qui est à 487kg.

«Au Luxembourg, chaque euro d’activité économique générerait environ 2,5kg de déchets, selon l’étude ‘Troisième Révolution industrielle’, d’où l’importance d’agir sur ce front», peut-on lire dans le rapport, qui précise que le cas du Luxembourg est à part.

Le pays ne dispose en effet pas de filière de traitement et de recyclage adaptée à tous les déchets. En 2015, ce sont 2 millions de tonnes de déchets qui ont quitté le territoire vers la Belgique, la France et l’Allemagne.

Plus des trois quarts des déchets générés dans le pays seraient constitués de matières inertes.

Hoai Thu Nguyen DoanéconomisteChambre de commerce

«Plus des trois quarts des déchets générés dans le pays seraient constitués de matières inertes (déchets de démolition, routiers...). Des quantités fortement liées à l’évolution économique du pays dans le secteur de la construction.» Alors qu’il est de plus en plus compliqué d’imaginer la construction de décharges pour ce type de déchets tant les terrains sont une denrée rare dans le pays.

Dans le détail, 62% de l’empreinte écologique nationale serait attribuable aux résidents, 16% aux frontaliers et 22% au tourisme à la pompe et au transit.

L’OCDE publie pour sa part des projections peu encourageantes en mars dernier. Si rien ne change, l’organisation s’attend à «un fléchissement de l’activité de la quasi-totalité des pays du G20 et prévoit que l’économie mondiale progressera au rythme de 3,3% en 2019 et 3,4% en 2020», détaille le rapport.

Moins de coûts grâce à l’économie circulaire

Passer à l’économie circulaire aurait donc un impact très positif sur l’environnement, mais aussi sur d’autres domaines, comme l’emploi ou la gestion des matières premières. Elle joue également un rôle important au niveau social, puisqu’elle doit être portée par les entreprises pour être réellement implémentée.

«Au Luxembourg, les PME jouent un rôle majeur, puisqu’elles constituent plus de 99% du tissu économique, plus des deux tiers de l’emploi et quelque 70% de la valeur nationale ajoutée», détaille le rapport, qui espère fédérer autour de cette méthode. Car si elle permet de préserver la biodiversité et l’environnement, l’économie circulaire est également efficiente pour les entreprises.

«Sa pratique permet d’optimiser l’efficience des ressources, ce qui conduit à une baisse drastique des coûts, et donc une marge améliorée. Un rapport publié en 2015 par le Club de Rome (communauté scientifique) estime que le déploiement d’une économie circulaire en Europe serait susceptible de générer 2 millions d’emplois à l’horizon 2030, tout en augmentant de 30% la productivité des ressources.» Une façon de faire plus avec moins.

Le rapport rappelle enfin que les premiers à entrer dans le train de l’économie circulaire seront aussi ceux qui auront le plus de chances de saisir l’opportunité d’imposer leur modèle d’affaires comme «best practice» et standard.