Le Conseil d’État réitère ses doutes et ses réserves, mais admet que la forte hausse des infections justifie d’accepter des atteintes temporaires à la protection de la vie privée. (Photo : Patricia Pitsch / archives / Maison Moderne)

Le Conseil d’État réitère ses doutes et ses réserves, mais admet que la forte hausse des infections justifie d’accepter des atteintes temporaires à la protection de la vie privée. (Photo : Patricia Pitsch / archives / Maison Moderne)

La nouvelle loi fixant les mesures sanitaires en vigueur jusqu’au 30 septembre pourra être débattue et soumise au vote jeudi, à la Chambre, après le feu vert du Conseil d’État.

La ministre de la Santé, (LSAP), souhaitait que la nouvelle loi Covid soit adoptée le plus tôt possible, alors que les contaminations reprennent . Elle devrait être en mesure de remporter son pari, puisque le texte sera soumis au vote ce jeudi, soit tout juste deux semaines après son dépôt à la Chambre.

S’il est vrai que le projet de loi reprend en grande partie , certains ajouts prêtaient à débat, en particulier au regard de la protection de la vie privée. C’était d’ailleurs le cœur des discussions entre la ministre, ses représentants et la commission compétente du Conseil d’État, le 7 juillet dernier, lors d’une entrevue destinée à identifier et clarifier les .

Les Sages se trouvent confrontés au des lois Covid du 24 juin: comment pondérer les deux impératifs que sont le respect des libertés fondamentales individuelles et la protection de la santé dans le contexte de la pandémie actuelle?

Le Conseil d’État s’interroge sur la démarche des auteurs du projet de loi, qui, d’un côté, renforce les mesures de protection, en particulier dans la sphère privée, au regard de l’aggravation de la situation épidémiologique, et, d’un autre côté, supprime une série de restrictions.

Conseil d’État

«Le Conseil d’État conçoit la nécessité de répondre par des mesures appropriées aux risques de santé publique qui sont fonction de l’évolution de la situation épidémiologique», indique-t-il dans ses considérations générales. Mais s’il accueille la réalité d’un «nombre croissant de nouvelles infections diagnostiquées chaque jour», faisant «craindre l’émergence d’une seconde vague, qui pourrait mettre à mal les capacités [du] système sanitaire», il ne manque pas de noter que les «mesures plus restrictives» avancées par le projet de loi s’accompagnent de la suppression d’une série de restrictions concernant les activités sportives et culturelles.

«Le Conseil d’État s’interroge sur la démarche des auteurs du projet de loi, qui, d’un côté, renforce les mesures de protection, en particulier dans la sphère privée, au regard de l’aggravation de la situation épidémiologique, et, d’un autre côté, supprime une série de restrictions dans la poursuite d’un déconfinement progressif», précise-t-il. Ce que le ministère de la Santé a justifié par la nécessité d’uniformiser les mesures dans tous les secteurs, tout en rappelant son «objectif d’assurer l’efficacité des mécanismes de traçage des personnes à haut risque d’être infectées».

Les Sages «exprime[nt] toutefois des doutes sur le respect, dans la pratique, de l’obligation de porter un masque» dans les discothèques, foires et salons, casinos et spas.

Pas de poursuites sur la base de la liste des personnes-contacts

De fait, aucune opposition formelle ne ressort de l’avis du Conseil d’État. Mais il ne se prive pas de rappeler le législateur à ses obligations, en particulier concernant l’article 4 prévoyant des restrictions apportées aux rassemblements privés. «Le Conseil d’État doit réitérer le constat fait dans son avis du 16 juin 2020 ‘que l’article 15 de la Constitution, relatif à l’inviolabilité du domicile, n’autorise des mesures de contrôle par le biais de perquisitions et de visites domiciliaires que dans des conditions qui ne sont pas réunies dans la loi en projet, laquelle ne prévoit que des infractions de police’. Le régime des sanctions de l’article 12 ne pourra être appliqué qu’a posteriori et requiert la preuve du non-respect des mesures de protection prévues à l’article 4.»


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Ainsi, il souligne le fait que l’identification des personnes ayant participé à un rassemblement privé «[organisé] en violation de la loi ne pourra se faire que sur aveu ou ‘dénonciation’ de l’organisateur ou d’un participant». Et avertit qu’«il ne saurait concevoir que la police grand-ducale ou le Parquet puissent recourir aux renseignements fournis sur la base de l’article 5 de la loi en projet pour identifier les participants à des rassemblements aux fins de poursuites pénales». En clair: la liste des personnes-contacts ne saurait être mise à la disposition des autorités policières et judiciaires pour d’éventuelles poursuites pour non-respect des mesures sanitaires.

Un appel non suspensif contre le confinement forcé

Le Conseil d’État lâche encore du lest sur l’accès aux données de santé en l’ouvrant aux «fonctionnaires et employés nommément désignés par le directeur de la Santé» au lieu des médecins et professionnels de santé pour «des considérations d’ordre pratique», sachant que le respect du secret professionnel reste acquis.

S’ensuivent ici et là plusieurs recommandations de formulation. Les Sages n’oublient pas de faire rétablir une phrase dans l’article concernant le confinement forcé en cas de test positif: si la personne concernée peut faire appel, cet appel ne peut être suspensif pour des raisons sanitaires évidentes.

Sans être tout à fait convaincue, la Haute Corporation cède ainsi devant l’urgence – tout en ayant activé les garde-fous nécessaires – et laisse la voie libre au gouvernement pour une inscription à l’ordre du jour de la séance publique de ce jeudi à la Chambre.