Philippe de Moerloose, arrivé très jeune au Congo, a bâti son empire sur la vente d’engins de chantier et de tracteurs spécialisés. Surtout en Afrique. (Photo: Wikimedia Commons)

Philippe de Moerloose, arrivé très jeune au Congo, a bâti son empire sur la vente d’engins de chantier et de tracteurs spécialisés. Surtout en Afrique. (Photo: Wikimedia Commons)

Pour la deuxième fois en 10 jours, le consortium de journalistes à l’origine de «Congo Hold-up», une enquête sur 3,5 millions de documents, s’en prend à l’entrepreneur belge Philippe de Moerloose, qui n’a plus de société au Luxembourg depuis cette année. Presque plus.

Il va être compliqué, pour nos confrères du magazine économique belge Trends, de faire de Philippe de Moerloose leur «Manager de l’année», titre pour lequel l’entrepreneur spécialisé dans la vente de camions et d’engins de construction s’est inscrit pour la deuxième fois de sa longue carrière, et a largement «invité» son réseau à voter pour lui, alors que sa société devrait atteindre le milliard d’euros de chiffre d’affaires cette année.

Depuis une quinzaine de jours, le dirigeant de la belge SDA Holding, qui regroupe SMT et DEM, est la cible d’un consortium de journalistes (De Standaard, Le Soir, Mediapart, PPLAAF et le réseau européen EIC), qui l’accusent d’avoir engrangé plus de 743 millions de dollars de l’État congolais et de pratiquer assidûment l’optimisation fiscale depuis près de 20 ans, du Panama aux îles Vierges, en passant… par le Luxembourg. Déjà cité dans les Panama Papers, il avait admis ces pratiques, qui, selon lui, n’étaient pas illégales.

Sauf que, pour la première fois, peut-être, de ces enquêtes internationales sur les pratiques d’évitement de l’impôt, l’entrepreneur n’a plus de sociétés au Luxembourg depuis le début de l’année. Dans l’enquête qui décortique les méthodes de l’entrepreneur en Afrique, avec la complaisance de l’ancien président Joseph Kabila, étaient visées la Compagnie africaine de distribution, immatriculée au Luxembourg en 2004, et African Hospitality, arrivée fin 2013. La seconde, par laquelle l’homme d’affaires contrôle ses 50% dans le Grand Hotel Pullman de Kinshasa, a été fusionnée dans la première en 2016… et la première, rebaptisée «African Equities», a été déplacée vers le siège historique de M. Moerloose à Wavre, en début d’année.

De Moerloose droit dans ses bottes

Car, en début d’année, même si l’entrepreneur refuse de dire où il est résident fiscal, au Congo, où il semble vivre, ou en Belgique, où il semble être revenu, il a rapatrié nombre de ses sociétés vers la Belgique. Dans les réponses qu’il a données aux journalistes qui l’interrogent sur ses marges faramineuses sur les engins de construction vendus au Congo ou sur ses sociétés dans des paradis fiscaux, M. de Moerloose balaie les critiques. 

«Philippe de Moerloose met en avant les changements de domiciliation intervenus ces dernières années: African Equities, comme plusieurs autres de ses entreprises, est désormais une société ‘de droit belge, fiscalisée en Belgique’, dont les ‘comptes annuels sont audités par des sociétés de réputation internationale’ et les ‘comptes annuels disponibles au grand public’», explique-t-il à nos confrères de RFI, qui font le compte rendu détaillé de ces activités,  ou . «Il reconnaît avoir été, ‘à titre personnel’, ‘bénéficiaire économique’ de sociétés basées aux îles Vierges britanniques, mais ces dernières sont ‘soit liquidées, soit en cours de migration vers la Belgique’. L’entrepreneur admet enfin disposer de ‘structures’ à l’île Maurice, qui, ‘outre son environnement fiscal spécifique’, lui permettent d’avoir accès à ‘une offre d’une main-d’œuvre qualifiée et bilingue’. Concernant les marchés remportés avec l’État congolais, il indique enfin que ‘l’ensemble de [s]es sociétés commerciales a strictement respecté toutes les procédures applicables en matière de passation de marchés publics’.»

Depuis son immense villa posée sur un domaine de 13.600 mètres carrés, niché au milieu d’un parcours de golf très select dans la commune de Grez-Doiceau, l’entrepreneur qui racontait encore mi-septembre, pour les 30 ans de son groupe, qu’il avait commencé avec 1.859 euros, n’a plus, en dehors de ses holdings en Belgique et d’une quinzaine de sociétés en Afrique (principalement des antennes de DEM et de SMT), qu’une présence au Luxembourg: la filiale luxembourgeoise de SMT, le distributeur exclusif de Volvo Construction Equipment, Sennebogen et Holms.