Parce qu’il est considéré comme une modification accessoire du contrat de travail, un changement de bureau peut être décidé par l’employeur sans obligation d’obtenir l’accord de l’employé. (Photo: Shutterstock)

Parce qu’il est considéré comme une modification accessoire du contrat de travail, un changement de bureau peut être décidé par l’employeur sans obligation d’obtenir l’accord de l’employé. (Photo: Shutterstock)

Horaires, responsabilités, rémunération… Si l’employeur est en droit de procéder à des modifications des conditions de travail, le salarié dispose de leviers pour en accepter ou non les termes.

Respectivement conseillère de direction et conseillère juridique à la Chambre des salariés, Johana Soares Lapeira et Nathalie Moschetti détaillent les règles à respecter, du côté de l’employeur comme du salarié, en matière de changements dans les conditions de travail, avant la conférence sur le sujet .

Quels sont les principes généraux du droit luxembourgeois à connaître en matière de modification des conditions de travail?

Nathalie Moschetti et Johana Soares Lapeira. – «Le droit du travail repose sur un principe fondamental: le contrat de travail ne peut être modifié unilatéralement par l’employeur dès lors que la modification est substantielle et défavorable au salarié.

Les grands principes à retenir sont:

1. Distinction entre modifications substantielles et accessoires: seules les modifications substantielles (c’est-à-dire portant sur des éléments essentiels du contrat) nécessitent soit l’accord du salarié, soit le respect d’une procédure spécifique par l’employeur.

Attention aux clauses de flexibilité au moment de la signature du contrat de travail: en les acceptant, le salarié donne tout pouvoir sur l’élément concerné à son employeur.

2. Acceptation expresse du salarié: si le salarié signe un avenant à son contrat de travail acceptant les nouvelles conditions, cela signifie qu’il approuve formellement la modification. Son accord est alors considéré comme exprès et ne pourra plus être remis en cause, sauf vice du consentement (erreur, dol ou violence).

4. Acceptation tacite du salarié: si un salarié continue à travailler sous les nouvelles conditions pendant une période prolongée, il est considéré comme ayant accepté ces modifications.

5. Un délégué du personnel ne peut pas faire l’objet d’une modification d’une clause essentielle de son contrat de travail.

Quelle est la différence entre une modification substantielle et une modification accessoire du contrat de travail?

«Une modification est dite substantielle lorsqu’elle porte sur un élément essentiel du contrat de travail, c’est-à-dire un élément déterminant lors de la conclusion du contrat.

Voici quelques exemples:

-Atteinte à la rémunération: toute diminution du salaire de base ou des avantages accessoires;

-Changement de qualification: une rétrogradation ou une affectation à un poste inférieur;

-Modification du lieu de travail: si le contrat ne contient pas de clause de flexibilité ni de clause de mobilité;

-Ajout d’une clause de non-concurrence: restriction de la liberté du salarié après la fin du contrat;

-Modification des horaires de travail: si elle entraîne un bouleversement significatif pour le salarié.

Toute modification substantielle nécessite soit l’accord du salarié, soit le respect de la procédure légale de révision du contrat de travail (art. L. 121-7 du Code du travail).

En revanche, une modification est dite accessoire lorsqu’elle ne touche pas un élément déterminant du contrat ou lorsqu’elle a été anticipée dès la signature du contrat à travers l’insertion d’une clause de flexibilité (par exemple: «Le lieu de travail pourra varier selon les besoins de l’entreprise»).

Voici quelques exemples de modifications accessoires:

-Un changement de bureau dans la même entreprise, si le lieu de travail général reste le même;

-Une réorganisation interne qui ne modifie ni la qualification ni la rémunération du salarié;

-Une modification des horaires si le contrat prévoit explicitement une flexibilité dans leur aménagement.

L’employeur peut imposer une modification accessoire sans procédure particulière, sauf si le salarié peut démontrer qu’elle a un impact significatif sur ses conditions de travail.

Quels sont les éléments du contrat de travail qui ne peuvent pas être modifiés sans l’accord du salarié?

«L’employeur ne peut pas modifier unilatéralement les éléments suivants du contrat de travail sans l’accord du salarié.

La rémunération: toute diminution, qu’elle porte sur le salaire de base ou les avantages annexes, est soumise à l’accord du salarié;

La qualification professionnelle: un déclassement professionnel est une modification substantielle nécessitant l’accord du salarié;

Le lieu de travail: un changement de site peut être une modification essentielle si le contrat ne prévoit pas de clause de mobilité.

Les horaires de travail: toute modification importante des horaires doit être acceptée par le salarié, sauf si une clause de flexibilité est prévue dans le contrat.

L’ajout d’une clause restrictive: par exemple, l’introduction d’une clause de non-concurrence ou de confidentialité qui limiterait les droits du salarié après la fin du contrat.

Si une modification substantielle est imposée sans respecter la procédure légale, le salarié peut la refuser et saisir les instances compétentes pour en demander la nullité.

Quelles sont les obligations légales de l’employeur avant d’imposer un changement aux salariés?

«L’employeur doit tout d’abord distinguer si la modification est ou non en défaveur du salarié, et si cette modification porte sur un élément essentiel du contrat de travail.

Toute modification d’une clause essentielle du contrat de travail au détriment du salarié constitue une modification substantielle. Dans ce cas, l’employeur est tenu de respecter la procédure légale de révision du contrat de travail. Celle-ci, similaire à une procédure de licenciement, impose une notification formelle au salarié par lettre recommandée ou remise en mains propres contre accusé de réception. Dans les entreprises comptant plus de 150 salariés, un entretien préalable est également requis.

La lettre de convocation à l’entretien préalable indique que l’employeur envisage de modifier un élément essentiel du contrat de travail.

L’entretien a pour but d’exposer les motifs de la modification projetée et de recueillir les explications du salarié.

Le non-respect de l’entretien préalable donne lieu au paiement de dommages-intérêts correspondant à un mois de salaire.

Après cet entretien, l’employeur doit informer le salarié de la modification par lettre recommandée ou remise en mains propres contre récépissé. Cette lettre indique également le délai de préavis après lequel prendra effet la modification.

La modification avec effet immédiat ne peut être utilisée qu’en cas de faute grave du salarié ou autre fait impliquant la nécessité de cette modification sans délai.

La faute grave se traduit par tout fait ou faute qui rend immédiatement et définitivement impossible le maintien des relations de travail.

La modification qui n’est pas motivée par un motif grave doit se faire moyennant l’application d’un préavis dont la durée dépend de l’ancienneté du salarié, lui laissant le temps de réfléchir et de demander les motifs dans un délai d’un mois, l’employeur étant tenu d’y répondre sous le même délai.

Si l’entreprise occupe moins de 150 salariés, l’employeur ne doit pas convoquer le salarié, mais l’informer de la modification par lettre recommandée ou remise en mains propres contre récépissé. Cette lettre indique également le délai de préavis après lequel prendra effet la modification.

En cas de modification immédiate, la lettre doit impérativement préciser les motifs graves justifiant un tel changement.

Quid des modifications de salaire?

«Toute réduction de rémunération, qu’elle concerne le salaire de base ou les primes et avantages, nécessite soit l’accord exprès du salarié, soit le respect de la procédure de révision du contrat de travail.

Une modification imposée sans accord peut être considérée comme une faute de l’employeur et être contestée devant les juridictions compétentes.

Comment la législation protège-t-elle les salariés contre des baisses de rémunération déguisées?

«Il n’y a pas de disposition légale spécifique à ce sujet. Mais la procédure de révision du contrat de travail doit être appliquée à toute modification du mode de calcul du salaire qui entraînerait une baisse injustifiée de la rémunération totale.

Si un employeur tente de réduire indirectement le salaire en modifiant des primes ou en changeant le mode de rémunération sans maintien du niveau salarial, le salarié peut contester cette modification, comme nous allons l’expliquer ci-dessous.

Quelles sont les règles concernant la modification des horaires de travail ou du lieu de travail, par exemple dans le cas du télétravail?

«Un changement significatif des horaires de travail ou du lieu de travail est considéré comme une modification substantielle nécessitant l’accord du salarié, sauf si une clause de flexibilité ou de mobilité est prévue dans le contrat.

Par horaires de travail, on entend de quelle heure à quelle heure le salarié doit travailler sur la journée; il s’agit donc de la répartition de la durée de travail journalière sur la journée; au sens large, l’horaire de travail peut aussi inclure la répartition de la durée de travail hebdomadaire sur les jours ouvrables de la semaine.

En revanche en ce qui concerne la durée du travail hebdomadaire, le refus par un salarié occupé à temps plein d’effectuer un travail à temps partiel ne constitue ni un motif grave, ni un motif légitime de licenciement.

Il en est de même pour le salarié occupé à temps partiel qui refuse d’accepter ou de reprendre un travail à temps plein.

Concernant le télétravail, le salarié et l’employeur choisissent librement la formule de télétravail, en tenant compte, le cas échéant, des dispositions en vigueur au niveau du secteur ou de l’entreprise concerné, dès l’entrée en fonction du salarié ou ultérieurement.

Le refus par le salarié d’une proposition de télétravail faite par son employeur ne constitue pas en soi un motif de résiliation de son contrat de travail. Le refus ne peut pas non plus justifier le recours à la procédure de modification du contrat de travail pour imposer cette forme de travail.

Si le salarié et l’employeur concluent un accord prévoyant le télétravail, ils y définissent le lieu du télétravail ou les modalités pour déterminer ce lieu.

Comment un salarié peut-il s’opposer à une modification de ses conditions de travail jugée abusive?

«Si l’employeur ne respecte pas les formes et délais de la procédure légale de modification du contrat de travail, la modification est nulle.

Le salarié peut demander l’annulation de la modification en justice. Conséquence: le contrat de travail est maintenu aux anciennes conditions, pas de dommages et intérêts. Mais il est important qu’il se manifeste et qu’il proteste. S’il le peut, il doit même refuser de travailler selon les nouvelles conditions. À défaut, le fait de travailler aux nouvelles conditions de travail peut être considéré comme une acceptation tacite.

Si l’employeur a notifié la modification par lettre recommandée, le salarié doit demander les motifs de la modification dans le délai d’un mois à compter de la réception de celle-ci. S’il conteste ces motifs et refuse la modification, il a plusieurs possibilités.

1re possibilité. Le salarié demande à son employeur le maintien de ses anciennes conditions de travail par lettre recommandée.

Soit l’employeur accepte, soit il refuse. Dans ce dernier cas, le salarié peut saisir le tribunal du travail pour demander le maintien de ses anciennes conditions de travail. Son contrat de travail est maintenu. Le tribunal va analyser les motifs de la modification pour se prononcer. Dans le cas où le salarié quitte son emploi, selon l’article L.121-7 du Code du travail, la résiliation du contrat de travail découlant du refus du salarié d’accepter la modification constitue un licenciement. Le salarié peut donc saisir le tribunal du travail pour voir qualifier ce licenciement d’abusif. Le tribunal va analyser les motifs de la modification pour se prononcer. Si les motifs sont valables, le licenciement est justifié. Le salarié n’a droit à rien et il n’a plus de travail. Si les motifs sont abusifs, le licenciement est abusif. Le salarié a droit à des dommages et intérêts, mais il n’a plus de travail. Le salarié a droit au chômage.

2e possibilité. Le salarié peut aussi se contenter de venir travailler aux anciennes conditions. L’employeur peut alors prendre l’initiative de la rupture du contrat de travail: un licenciement pour insubordination.

Le salarié peut contester ce licenciement qui a pour origine la modification de son contrat de travail, elle-même abusive.

Le tribunal va analyser les motifs de la modification pour se prononcer. Si les motifs sont valables, le licenciement est justifié. Le salarié n’a droit à rien (hormis éventuellement aux indemnités de chômage) et il n’a plus de travail.

Si les motifs sont abusifs, le licenciement est abusif. Le salarié a droit à des dommages et intérêts, mais il n’a plus de travail.

Comment sont encadrées les modifications de contrat en cas de fusion, restructuration ou rachat d’entreprise?

«Le Code du travail prévoit le maintien des droits des salariés en cas de transfert d’entreprise entre un cédant et un cessionnaire.

Les droits et obligations qui résultent pour le cédant d’un contrat de travail ou d’une relation de travail existant à la date du transfert sont, du fait de ce transfert, transférés au cessionnaire.

Lors d’une fusion, restructuration ou rachat d’entreprise, le contrat de travail est donc transféré au nouvel employeur dans les conditions applicables au moment du transfert.

Le transfert n’est ni un motif de licenciement ni un motif justifiant la modification du contrat de travail.

La modification des conditions de travail est-elle encadrée différemment pour les CDD et les CDI?

«Non, la même procédure doit être respectée par l’employeur.

Quels conseils donner aux salariés qui souhaitent négocier une modification de leurs conditions de travail, plutôt que de la subir?

«Il est important de bien s’informer sur ses droits dès l’entrée en fonction, notamment en vérifiant si le contrat de travail contient des clauses contractuelles telles qu’une clause de flexibilité ou de mobilité.

Il convient également de vérifier l’existence d’une convention collective qui pourrait prévoir une grille salariale afin de mieux négocier son salaire dès le départ, car il est souvent difficile de le réajuster par la suite.

Il est essentiel de ne rien signer dans la précipitation et, en cas de doute, de consulter les délégués du personnel ou de demander conseil à un syndicat.

Pour se protéger, il est recommandé de conserver tous les échanges écrits et de demander que toute promesse de l’employeur (augmentation de salaire, prime, passage à temps partiel, etc.) soit formalisée par écrit afin d’éviter toute contestation ultérieure.»