Le 25 mars, l’Autorité de la concurrence a accepté et rendu obligatoires les engagements pris par l’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils (OAI) pour mettre fin aux préoccupations de concurrence. (Photo: Shutterstock)

Le 25 mars, l’Autorité de la concurrence a accepté et rendu obligatoires les engagements pris par l’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils (OAI) pour mettre fin aux préoccupations de concurrence. (Photo: Shutterstock)

Après une longue procédure qui aura duré près de cinq ans, l’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils (OAI) est désormais soumis à certaines obligations imposées par l’Autorité de la concurrence. En 2019, il lui était reproché de mettre à disposition des documents pouvant constituer une atteinte à la concurrence. Retour sur ce dossier. 

C’est une longue procédure qui voit enfin le bout du tunnel. Dans une décision rendue le 25 mars, l’Autorité de la concurrence a accepté et rendu obligatoire une série d’engagements pris par l’OAI pour mettre fin à des préoccupations relatives à la concurrence. Pour mieux comprendre, retour en 2019, lorsque l’ancêtre de l’Autorité de la concurrence, à savoir le Conseil de la concurrence, s’était autosaisi d’une affaire concernant l’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils (OAI). Il reprochait à la corporation de mettre à disposition de ses membres un certain nombre de documents. Rien d’anormal jusque-là. Sauf que certains de ces documents détaillaient notamment les taux horaires facultatifs en régie, mais aussi la méthode de calcul d’honoraires à appliquer lors des marchés publics, pour la construction d’ouvrages publics. Une pratique qui sonnait comme des «décisions d’associations d’entreprises ayant pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence», selon le conseiller instructeur du Conseil de la concurrence.

Ce qui est interdit par la loi luxembourgeoise, mais aussi par l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’UE, et qu’il avait donc rappelé à l’OAI en mars 2021. Ce dernier, de son côté, a défendu sa bonne foi, expliquant dans sa proposition d’engagements que dans l’exercice de ses missions, il mettait en effet à disposition de ses membres, «en toute bonne foi», un certain nombre de documents, dont certains étant «d’une importance majeure pour ses membres».  

En 2023, l’OAI, «soucieux de mettre un terme à la présente procédure dans les meilleurs délais», avait alors proposé une série d’engagements pour répondre aux préoccupations de concurrence soulevées par le conseiller. Proposition qui a été soumise aux acteurs du marché dans le cadre d’une consultation publique en fin d’année 2023. Finalement, l’Autorité de la concurrence a considéré que ces engagements étaient appropriés et nécessaires pour mettre fin aux préoccupations soulevées. Elle a donc décidé de rendre ces engagements obligatoires, dans son avis du 25 mars 2024. 

Les engagements devenus obligatoires

L’OAI dispose désormais d’un mois pour mettre en œuvre ces engagements qu’il avait lui-même formulés, et qui sont ainsi devenus des obligations. La plupart des mesures étant des actes d’abstention, elles ne posent «aucune difficulté pratique», selon l’OAI. Il applique déjà certains de ces engagements, comme concernant la publication des barèmes horaires pour la rémunération des travaux en régie, que l’OAI affirme avoir déjà cessé de publier. Pour autant, si l’OAI joue le jeu dans cette procédure, en aucun cas «ces engagements ne peuvent être interprétés comme une quelconque reconnaissance d’une infraction aux règles de la concurrence», dit-il.  Il s’engage à mettre en œuvre les engagements détaillés ci-dessous «dans les meilleurs délais»:

– Ne plus diffuser les documents contenant des dispositions visant à fixer la rémunération des prestations et des services des professions représentées par l’OAI.

– Cesser la mise à disposition dans leur intégralité des contrats types d’architecte du secteur public ou du secteur communal. Ils devront être purgés de toutes dispositions afférentes aux barèmes indicatifs de référence ou taux de référence des honoraires et méthodes de calcul des honoraires.

– Cesser la mise à disposition dans leur intégralité des contrats types d’ingénieurs-conseils du secteur public ou du secteur communal. Comme pour les documents ci-dessus, ils devront être purgés des dispositions afférentes aux barèmes indicatifs.

– Cesser la mise à disposition dans son intégralité du contrat type des Ponts & Chaussées.

– Cesser la publication sur le site de l’OAI du tableau relatif aux taux horaires d’orientation pour des travaux d’architecture et d’ingénierie en régie pour le secteur public. À noter que ce document est publié par le gouvernement sur .

– Communiquer ces engagements aux membres de l’OAI.

– Adresser une lettre d’information aux membres leur rappelant qu’ils sont libres de négocier leurs propres taux horaires en régie et honoraires avec les maîtres d’ouvrage du secteur public.

– Envoyer une lettre au ministre ayant les travaux publics dans ses attributions pour l’inciter à procéder à la modification des contrats types du secteur public.

– Adresser un courrier identique à celui visé au point précédent, au Syvicol, relativement aux contrats types du secteur communal, à charge pour le syndicat de prendre ensuite les mesures requises à l’égard des communes; au ministre de l’Intérieur; et aux principaux établissements publics tels que le Fonds du logement, le Fonds Belval, le Fonds d’urbanisation et d’aménagement du Kirchberg, Servior, la Société nationale des habitations à bon marché ainsi qu’à l’Administration des bâtiments publics et à l’Administration des ponts & chaussées. 

– Transmettre à l’Autorité de la concurrence, 12 mois après la mise en œuvre des engagements, un rapport détaillé de mise en œuvre. «En effet, en particulier la modification des contrats types en cause, pour en expurger les ‘dispositions tarifaires’, relève des décisions souveraines des pouvoirs adjudicateurs. L’OAI n’a pas davantage d’influence sur le déroulement des procédures de marchés publics, menées sans immixtion aucune de sa part, que ce soit à l’égard des maîtres d’ouvrage publics ou à l’égard de ses membres.»