Dans une série de cinq articles, Paperjam a revu avec Quentin Martin de DSM Avocats à la Cour et Michel Nickels d’Elvinger Hoss Prussen les principales dispositions liées au processus difficile des inventaires d’entrée et de sortie et de la garantie/précaution, des concepts qui sont tous liés entre eux. (Photos: DSM, Shutterstock, Elvinger Hoss Prussen. Montage: Maison Moderne)

Dans une série de cinq articles, Paperjam a revu avec Quentin Martin de DSM Avocats à la Cour et Michel Nickels d’Elvinger Hoss Prussen les principales dispositions liées au processus difficile des inventaires d’entrée et de sortie et de la garantie/précaution, des concepts qui sont tous liés entre eux. (Photos: DSM, Shutterstock, Elvinger Hoss Prussen. Montage: Maison Moderne)

Dans le troisième épisode d’une série de cinq articles, Paperjam a examiné comment les locataires et les propriétaires luxembourgeois peuvent évaluer au mieux l’usure et la vétusté des objets présents dans l’appartement lors de l’état des lieux de sortie.

En préparant cette discussion, Paperjam a noté que guichet.lu définit le concept d’usure et de vétusté normale comme un trou dans le mur pour y accrocher quelque chose. Cela n’est malheureusement pas très utile, comme l’ont montré nos entretiens avec Quentin Martin et Michel Nickels.

Quelles sont les règles en matière d’usure et de  vétusté normale  des objets?

«C’est un sujet de contentieux de masse», a déclaré , avocat chez DSM Avocats à la Cour lors d’un entretien le 22 août 2024. En règle générale, il précise que «tout ce qui relève de l’usure de vétusté normale reste un coût pour le bailleur». Il a rajouté que « conformément aux dispositions du Code civil, S'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf s’il peut rapporter la preuve que les dégradations ne lui sont pas imputables. Par contre, si un état des lieux a été réalisé, celui-ci doit rendre le bien loué tel qu'il l'a reçu, suivant cet état, excepté ce qui a péri ou a été dégradé par vétusté ou force majeure ».

Me Martin a suggéré que la meilleure approche pour  pour appréhender le concept d’usure et de vétusté normale est de revoir la jurisprudence en la matière, une entreprise difficile pour une personne de la rue qui n’a peut-être pas les connaissances juridiques nécessaires.

Pour rendre l’affaire encore plus compliquée et frustrante pour toutes les parties, Me Martin a fait remarquer que «le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation souverain pour déterminer si un dommage relève ou non de l’usure ou de la vétusté normale». Le juge décidera «si le dommage suspecté a pu se produire dans le cadre d’un usage normal».. Le juge peut utiliser la jurisprudence, mais le cas en question aura probablement des caractéristiques différentes.

Quelques exemples: les murs

Me Martin a tenté de donner quelques indications. «Les murs jaunissent, le papier peint se décolle et l’infrastructure technique s’affaiblit....» il est normal que ce ne soit pas la responsabilité du locataire». MMartin et , associé du cabinet Elvinger Hoss Prussen, ont également fait remarquer qu’un juge ne verrait pas les rayures profondes sur le mur de la même manière que les rayures superficielles. M. Nickels a donné un exemple: «Un trou dans le mur pour accrocher un objet de 100 kg n’est pas la même chose qu’un poster». Dans ces cas, le locataire aurait dû demander une autorisation au propriétaire, a déclaré Me Nickels lors d’une interview le 27 août 2024.

D’autre part, l’humidité sur le mur générée principalement par un comportement fautif du locataire (mauvaise aération des locaux, notamment) ne sera pas considéré comme relevant du concept d’usure ou de vétusté normale,  a commenté MMartin. Si par contre l’état du mur résulte à la fois d’un comportement fautif du locataire et d’une altération des matériaux liée à l’écoulement du temps ou à une utilisation normale, «le juge pourra être amené à prononcer un partage de responsabilité entre le locataire et le bailleur».

Me Nickels explique que les cas d’humidité sont un défi même pour le tribunal, car un huissier ou même un expert assermenté peut être appelé à établir la cause (comme un manque de circulation d’air par le locataire ou une structure défectueuse) pour soutenir le juge dans sa décision.

Chaudières à gaz et sols

L’entretien annuel de la chaudière à gaz est à la charge du locataire, tandis que son remplacement est à la charge du propriétaire (à moins qu’elle ne tombe en panne à cause d’un manque d’entretien). Comme les frais d’entretien doivent être payés par le locataire, il est probable que ces frais fassent partie du décompte annuel. Tous les frais d’entretien structurel importants doivent être payés par le propriétaire.

Me Nickels a relevé plusieurs cas de désaccord concernant des rayures sur des planchers en bois, mais ne voit pas d’autre possibilité que de faire intervenir une tierce partie en cas de désaccord persistant. Il insiste cependant sur le fait qu’un plancher en bois présente des rayures lorsqu’on marche dessus. «Il est impossible de ne pas l’avoir usé d’une manière ou d’une autre. Cependant, il ajoute: «un trou sur le sol… ou le fait de marcher systématiquement dessus avec des talons durs, c’est une autre affaire».

Repeindre ou pas

«Les règles en la matière ne se trouvent pas dans la loi mais plutôt dans la jurisprudence», précise Me Nickels. La première étape consiste à vérifier si cela figure dans le contrat. «Une clause du contrat spécifiant que le locataire doit repeindre après un, deux ou trois ans est valable.

Me Martin indique que la jurisprudence a démontré que les contrats de location exigeant une remise en peinture complète de l’appartement ont été acceptés par les tribunaux. Cette obligation est considérée comme faisant partie des frais d’entretien normaux.

Lorsque la clause ne figure pas dans le contrat, le juge doit décider en fonction des circonstances. Les deux avocats précisent que «les travaux de peinture sont également soumis à la règle de l’usure et de vétusté normale».

Les logements vieillissent même lorsqu’ils sont inoccupés

Me Nickels note que la loi de juillet 2024 a introduit la notion d’usure et de vétusté normale sans la définir. Il a admis qu’il n’est pas possible de définir ces concepts car chaque cas est différent.

Il a fait remarquer que le concept d’usure et de vétusté ne s’applique plus lorsqu’un appartement est occupé depuis 30 ans. «Tout doit être rénové… un juge rejettera rapidement une requête du propriétaire demandant au locataire de repeindre les murs.

Une fenêtre installée il y a 20 ans, par exemple, a dépassé sa durée de vie normale, précise Me Nickels. Le locataire ne sera pas tenu pour responsable s’il a la malchance de casser la poignée en l’ouvrant. En revanche, un robinet cassé qui n’a que deux ans d’âge relèverait probablement de la responsabilité du locataire.

Me Martin a fait remarquer que le concept de vétusté normale n’était pas repris expressément dans l’ancienne mouture de la loi du 21 septembre 2006, mais qu’il figurait déjà dans les dispositions du Code civil en matière de bail.

Indemnité d’indisponibilité

En cas de dégradation avérée du bien, le locataire doit non seulement payer les réparations, mais il peut également être tenu d’indemniser le propriétaire pour la perte de jouissance causée par les travaux dans le cas où l’appartement ne peut pas être occupé. «Selon l’ampleur des travaux, l’ancien locataire peut être redevable de cinq ou six mois de pertes locatives», prévient Me Nickels.