1. Qu’est-ce qui a été présenté exactement?
Deux projets de loi ont été dévoilés ce vendredi 7 octobre par (LSAP), ministre de l’Intérieur, (DP), ministre des Finances, et (déi Gréng), ministre du Logement. Le premier reprenant la réforme de l’impôt foncier (IFON), mais aussi la création de deux nouveaux impôts: l’impôt de mobilisation de terrains (IMOB) et l’impôt sur la non-occupation de logements (INOL). Ces derniers sont les véritables éléments-clés de ce texte, afin de lutter contre la crise du logement qui touche le Luxembourg.
Le deuxième projet de loi prévoit, lui, la création d’un registre national des bâtiments et des logements (RNBL).
2. Quels changements au niveau de l’impôt foncier?
L’impôt foncier, sous sa forme actuelle, fait partie des impositions les plus anciennes au Luxembourg. C’est donc une version revue et corrigée de celui-ci qui est prévue, via un changement dans son calcul. Désormais, il ne sera plus qu’une simple multiplication entre une valeur de base qui représentera le potentiel constructible d’une parcelle (et non plus une évaluation datant de 1941 comme c’était le cas) et un taux d’imposition fixé par la commune sur laquelle est situé le terrain (ce dernier devant être fixé dans une fourchette comprise entre 9 et 11%).
On note une autre nouveauté, l’apparition d’un abattement (de 2.000 euros, à valoir sur la valeur de base) pour les personnes propriétaires de leur logement.
![La nouvelle formule de l’impôt foncier présentée ce vendredi. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)](https://assets.paperjam.lu/images/articles/comprendre-reforme-impot-fonci/0.5/0.5/640/426/531519.jpg)
La nouvelle formule de l’impôt foncier présentée ce vendredi. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)
Afin de permettre aux citoyens d’estimer le montant de leur impôt foncier, un simulateur est d’ores et déjà accessible:
3. Le nouvel impôt foncier rapportera-t-il davantage?
«Le but de cette réforme n’est pas de générer des recettes fiscales supplémentaires, mais d’éliminer les injustices fondamentales du système actuel», a expliqué Taina Bofferding, répétant donc ce . Ainsi, selon les projections exposées ce vendredi, les recettes liées à cet impôt foncier devraient passer de 39,1 millions d’euros en 2021 à un montant évalué entre 39 et 47 millions d’euros par an (selon les taux choisis par les communes) une fois la loi approuvée.
Ainsi, l’IFON devrait rester au Luxembourg un potentiel inexploité en matière de recette fiscale. Pour rappel, en 2021, il ne représentait que 0,1% du PIB luxembourgeois. Alors que la moyenne européenne se situait, elle, à 1,5%.
On note que ces recettes reviendront toujours aux communes, l’IFON étant un impôt prélevé par ces dernières pour «toutes les propriétés bâties ou non bâties des personnes morales et physiques, indépendamment de leur capacité contributive, de l’utilisation qui est faite de ces propriétés ou des moyens de financement utilisés pour les acquérir».
4. Combien pourrait coûter l’immobilisation d’un terrain?
L’enjeu principal de cette réforme, outre la révision de l’impôt foncier, est bien de lutter contre la pénurie de logements au Luxembourg. À cet effet, ce projet de loi introduit donc un impôt de mobilisation des terrains (IMOB), dont la mission sera d’inciter à la construction.
Le principe est simple: vous avez cinq ans pour entamer un projet de construction sur votre terrain viabilisé (le délai monte à huit ans si celui-ci ne l’est pas encore). Si vous êtes en défaut, vous devrez alors vous acquitter de l’IMOB.
Ce dernier repose sur le même mode de calcul que l’IFON, la valeur de base de votre terrain étant, cette fois, multipliée par un taux établi mais progressif dans le temps. En pente douce au début, avant de pouvoir monter jusqu’à 900% au bout de 20 ans.
À noter que, là aussi, un abattement forfaitaire est possible par enfant n’ayant pas atteint les 25 ans.
5. Combien pourrait coûter la non-occupation d’un logement?
Si l’impôt de mobilisation des terrains incite donc à la création de logements, le nouvel impôt national sur la non-occupation de logements (INOL) s’occupe, lui, des logements existants mais non habités. Il remplace ainsi la taxe communale sur les logements, introduite en 2008 dans le Pacte logement 1.0 et, dans les faits, très peu utilisée par les communes.
Un logement sera considéré comme non occupé si aucune personne physique n’y est inscrite au registre national des personnes physiques pendant une période de six mois consécutifs. La commune pouvant, de son côté, également vérifier la non-occupation dans certains cas énoncés par le projet de loi.
Concrètement, cet impôt s’élèvera à 3.000 euros par logement pour la première année de non-occupation. Celui-ci augmentant ensuite de 900 euros par an, jusqu’à un plafond fixé à 7.500 euros/an.
6. Les mesures prises sont-elles suffisantes?
Il n’est pas interdit de se poser la question au vu des chiffres cités plus haut, mais aussi de certains exemples concrets donnés lors de la conférence de presse. On pourrait même en venir à se demander si le gouvernement ne s’est peut-être pas trompé de cible. En effet, si les montants évoqués peuvent être de niveau à poser pas mal de soucis aux classes moyennes, ils semblent beaucoup moins dissuasifs pour nombre d’acteurs du marché de l’immobilier luxembourgeois, à commencer par les grands promoteurs du pays.
Interrogés sur le sujet, les ministres ayant présenté le projet de loi expliquaient: «Les montants ne sont pas si élevés, c’est vrai. Mais il faut bien avoir en tête que cette réforme de l’impôt foncier (et les deux nouveaux impôts présentés) ne sont qu’un élément dans une panoplie d’instruments législatifs de plus en plus fournie pour lutter contre la rétention immobilière. Il faut la voir comme une pièce d’un puzzle comprenant aussi , , etc. Et puis, ce sont des instruments contraignants. Alors que jusqu’à présent, aucune obligation n’existait pour un propriétaire qui décidait de ne pas construire ou de laisser un logement inoccupé. C’est donc une donnée très importante.»
7. À qui reviennent les recettes de ces deux nouveaux impôts?
Le Syvicol, le syndicat des villes et des communes, aurait souhaité que les recettes de l’IMOB et de l’INOL reviennent aux communes. Il n’en sera finalement rien. L’État les percevra et, selon les dires de la ministre Bofferding, devrait s’en servir afin de «créer de nouveaux logements».
Selon les simulations présentées, l’IMOB devrait rapporter 4 millions d’euros après cinq ans, 57 après 10 ans, 222 après 15 ans et 273 après deux décennies.
Quant à l’INOL, les recettes devraient être de plus ou moins 14 millions par an.
8. Comment va être mis en place le registre national des bâtiments et des logements?
La perception de l’impôt sur la non-occupation de logements nécessite la création d’un registre national des bâtiments et des logements. Un numéro d’identification unique sera ainsi donné à tous types de bâtiments et à chaque unité de logement.
«Les identifications seront effectuées par le cadastre et les communes», expliquait Henri Kox. Ce dernier ajoutant qu’il tablait sur une période de trois ans pour établir ce registre.
9. À quelles échéances ces deux projets de loi entreront-ils en vigueur?
Le gouvernement espère que ces projets de loi, qui viennent d’être déposés, pourront être votés en 2023. Mais rien n’est moins sûr. Taina Bofferding rappelait ainsi que «celui sur le ‘Baulandvertrag’, qui s’attèle aussi à endiguer la spéculation immobilière, a été déposé par (LSAP) en 2017 et [qu’]il n’est toujours pas voté aujourd’hui». Ce qui pose la question des élections législatives de 2023 et d’un éventuel changement de majorité à la tête du pays…
En attendant, il semble déjà clair qu’après un éventuel vote, il faudrait encore deux ou trois ans avant que ces projets de loi entrent réellement en vigueur. Le temps de tout mettre en place, notamment au niveau des communes.