Au sein des organisations, la fonction compliance n’a sans doute jamais été autant sollicitée que ces derniers temps. Les défis auxquels ont dû s’atteler les responsables de la conformité et leurs équipes se sont en effet accumulés. Que les exigences réglementaires se multiplient n’est certes pas une tendance nouvelle. Au-delà de leur intégration au cœur des modèles de chaque organisation, qui constitue un défi en soi, il a aussi été nécessaire de réagir à l’actualité géopolitique. «Le conflit ukrainien, en raison des sanctions prises par les autorités à l’égard de la Russie, a eu un impact conséquent sur la fonction compliance», commente , directrice de l’Association luxembourgeoise des compliance officers. «Cela illustre bien en quoi le métier constitue un défi permanent, exigeant d’être constamment en alerte et agile, afin de pouvoir rebondir à ces événements, prioriser les enjeux, pour soutenir le métier dans un cadre donné.»
Renforcement des expertises
S’assurer de l’application des sanctions prises à l’encontre de la Russie a exigé de la fonction compliance de se plonger rapidement dans l’ensemble de ces nouvelles exigences qui incluaient de nouvelles mesures restrictives nécessitant une mise en application opérationnelle assez complexe.. Si le métier doit s’adapter en permanence à l’actualité, il est en outre confronté à d’autres défis. «Parmi eux, la mise en œuvre d’un cadre réglementaire européen autour de la thématique ESG, qui implique l’intégration de nombreuses nouvelles exigences et qui va considérablement occuper la fonction à l’avenir, ou encore l’évaluation attendue du GAFI, qui pourrait entraîner certaines adaptations dans la manière d’envisager la fonction», ajoute Marie Grillot.
La diversité des sujets que doit considérer la fonction compliance et leur complexité exigent désormais de développer des expertises.
De toutes ces évolutions découle un besoin grandissant en compétences nouvelles et en ressources dédiées à la compliance. «La diversité des sujets que doit considérer la fonction compliance et leur complexité exigent désormais de développer des expertises», explique la directrice de l’ALCO. «Un compliance officer n’est plus en mesure d’appréhender l’ensemble des problématiques. Au sein des grandes organisations, principalement, les équipes s’étoffent avec l’intégration de spécialistes sur des thématiques particulières: MiFID, ESG, AML, Sanctions/embargos, conformité fiscale…»
Les équipes se dotent aussi de professionnels en gestion de projet, en développement de solutions informatiques ou encore en gestion des données, pour soutenir directement la fonction.
Soutenir le développement de l’activité
La conformité, surtout, devient un enjeu critique pour les organisations et leurs dirigeants. De plus en plus, elle est appelée à jouer un rôle déterminant au service du développement de l’activité. «La fonction compliance, de plus en plus, a un rôle de conseil auprès de la direction», poursuit Marie Grillot. «Ces enjeux réglementaires ont en effet un impact sur la stratégie de l’entreprise, son développement commercial. Selon l’appétit au risque défini ou encore le positionnement des offres, notamment vis-à-vis des enjeux ESG, l’impact du cadre réglementaire aura des incidences plus ou moins importantes sur le développement de l’activité commerciale. Pour soutenir l’entreprise, la fonction compliance doit aussi monter en compétences et être au cœur des discussions stratégiques.»
L’importance de la formation
Pour cela, il faut donc recruter et développer les expertises. «Tout l’enjeu réside aujourd’hui dans la formation, aussi bien au niveau des écoles supérieures et universités, pour apprêter les jeunes vis-à-vis de ces défis, que dans l’apprentissage continu des professionnels de la compliance déjà en place, pour leur permettre de bien appréhender les diverses évolutions du métier», précise Marie Grillot. «Enfin, il faut aller chercher des ressources au sein des autres métiers de l’organisation, en travaillant sur la mobilité interne, pour mieux répondre aux défis qu’impose la transformation du cadre réglementaire.»
L’idée est avant tout de chercher à mutualiser certaines ressources ou de mettre en place des plateformes communes, pour gagner en efficience.
Afin de soutenir les professionnels de la compliance dans cette démarche, l’ALCO a notamment développé plusieurs formations en partenariat avec la House of Training, autour des fondamentaux de la conformité réglementaire ou encore de la mise en place du cadre réglementaire relatif au compliance officer dans le secteur financier. «Notre rôle, en tant qu’association, est en outre de faciliter l’échange autour de nos membres autour des défis qu’ils rencontrent, de soutenir le partage de bonnes pratiques ou de ressources utiles pour bien appréhender les défis du métier ou encore de faciliter les échanges avec le régulateur, explique Marie Grillot. De cette manière, nous entendons accompagner chacun dans l’exercice de son métier.»
Externaliser et mutualiser, un levier d’optimisation
Face à tous ces défis liés à la compliance, l’externalisation ou la mutualisation est aussi une voie explorée par certains acteurs. «C’est une possibilité envisagée avant tout dans une optique d’optimisation des coûts et des processus liés à la fonction, et non en raison de difficultés à trouver les compétences pour la mener à bien, commente Marie Grillot. L’idée est avant tout de chercher à mutualiser certaines ressources ou de mettre en place des plateformes communes, pour gagner en efficience. Toutefois, les projets d’externalisation sont souvent complexes à appréhender, la responsabilité de l’organisation en matière de conformité ne pouvant pas être sous-traitée. In fine, l’entreprise doit pouvoir s’assurer qu’elle garde la maîtrise sur ces enjeux.»