Keith O’Donnell est conseiller fiscal au Luxembourg depuis plus de vingt ans. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

Keith O’Donnell est conseiller fiscal au Luxembourg depuis plus de vingt ans. (Photo: Guy Wolff/Maison Moderne)

L’épaississement des règles est peut-être une bonne chose pour les cabinets de conseil fiscal comme Atoz. Mais Keith O’Donnell estime que la complexité croissante coûte trop cher aux entreprises et rend l’UE moins compétitive.

Lors d’une conférence organisée par l’UEL au début de l’année, vous avez déclaré qu’il y avait un «risque que l’Europe reste coincée dans la roue de hamster des tentatives permanentes de remodelage de l’impôt sur les sociétés». Que vouliez-vous dire par là?

– «Ce que je voulais dire, c’est que ces dernières années, il y a eu une multitude de réformes de l’impôt sur les sociétés. Principalement à l’initiative de l’OCDE. En effet, il y a plus de dix ans, le G20 s’est mis d’accord sur le fait qu’il fallait faire quelque chose en matière de réforme de l’impôt sur les sociétés, car on s’inquiétait de par les pratiques de planification fiscale agressive, la perte de budgets et tout le reste.

Depuis lors, le projet Beps a été lancé, ce qui a donné lieu à une première série de réformes de l’impôt sur les sociétés, qui sont les directives Atad 1 et Atad 2 en Europe. Et puis il y a eu une partie qui a évolué en pilier 1 et pilier 2, et qui a malheureusement généré plus de jargon. Il s’agit d’une initiative de l’OCDE, qui modifie assez profondément le système d’imposition des sociétés, et l’Europe va traduire cela sous forme de directives. Il y a donc déjà eu toute une série de changements de l’impôt sur les sociétés.

Ce que je veux dire, c’est qu’à un moment donné, nous devons cesser d’être obsédés par la réforme de l’impôt sur les sociétés, car, d’une certaine manière, c’est une sorte de loi des rendements décroissants.

On peut toujours en faire plus et rendre les choses de plus en plus complexes, mais à un certain moment, on court après des bénéfices de plus en plus faibles, premièrement.

Ensuite, vous risquez d’augmenter énormément la complexité pour les entreprises européennes. Et enfin, il se peut que cette complexité finisse par contrecarrer vos objectifs initiaux. Je dirais, par une étrange ironie du sort, que ce qui a réellement motivé le lancement du projet Beps, dans une large mesure, c’est le code fiscal américain. Il était incroyablement complexe et créait un grand nombre de failles. Et par conséquent, ces échappatoires ont eu un impact indirect sur le monde entier. Et les grandes multinationales en profitent. On pourrait donc dire que l’ensemble du droit fiscal mondial a été réformé principalement en raison de la complexité du droit fiscal américain.

Nous devons cesser d’être obsédés par la réforme de l’impôt sur les sociétés.
Keith O’Donnell 

Keith O’Donnell Associé gérantAtoz

Le fait est que la complexité est mauvaise en soi, car elle est coûteuse sur le plan administratif. Mais elle comporte aussi le risque de conséquences inattendues. C’est pourquoi je pense qu’il faut s’arrêter à un certain point.

Troisièmement, je pense qu’il n’est pas sain, à partir d’un certain point, de se concentrer sur la déclaration de l’impôt sur les sociétés et la réforme de l’impôt sur les sociétés. On risque de tomber dans une sorte de populisme fiscal. Pourquoi est-ce que je dis cela? Tout d’abord, parce qu’il est facile, en tant que populiste, de s’en prendre aux grandes sociétés et aux entreprises en général et de dire qu’elles ne paient pas leurs impôts, qu’elles ne font pas ce qu’il faut. D’abord, parce qu’elles ne votent pas, donc elles sont une cible simple. Mais deuxièmement, ils sont un peu abstraits. Et le risque est que cela détourne l’attention de réformes plus importantes.

L’impôt sur les sociétés, à l’échelle de l’OCDE, représente généralement pour tout pays environ 7 à 8% de l’assiette fiscale. Si l’on regarde bien les grands problèmes du monde qui peuvent être résolu par l’impôt, et bien sûr que tout ne peut pas être résolus par l’impôt, mais deux des plus grands qui le peuvent sont le climat et l’inégalité..... Si vous affirmez que ces deux grands problèmes doivent être résolus et qu’il y a un angle fiscal, nous ne leur accordons pas beaucoup d’attention.

[Alors que l’OCDEa terminé ses efforts de réforme de l’impôt sur les sociétés,] l’Europe a des pages et des pages de propositions pour réformer davantage l’impôt sur les sociétés. On a l’impression que nous allons continuer à essayer de modifier l’impôt sur les sociétés en Europe avec, je pense, un rendement très faible. Et deuxièmement, il y a un facteur de distraction. Si nous visons à mettre en place une fiscalité paneuropéenne, devrions-nous vraiment nous concentrer sur l’augmentation de l’impôt sur les sociétés – et c’était ma remarque sur la roue de hamster – ou simplement en faire de plus en plus?

Par exemple?

«Un exemple de cela a été Atad 3 ou la directive “unshell”, comme on l’appelle. Elle a été créée comme une sorte de réaction à des articles dans la presse. Il n’y a pas eu beaucoup de travail de réflexion pour savoir si cela était vraiment nécessaire, étant donné toutes les autres réformes fiscales dont nous venons de parler. Et pourtant, on a estimé que c’était politiquement nécessaire. Nous allons créer beaucoup de complexité, générer une énorme charge de travail, probablement détériorer la position concurrentielle de l’Europe dans une certaine mesure par rapport à d’autres régions, mais finalement créer cette énorme distraction dans quelque chose dont la nécessité n’a pas encore été vraiment démontrée.

Les articles de presse, on fait état d’une série de problèmes créés par les sociétés fictives, sans dire, étant donné les réformes fiscales que nous sommes en train de faire, si ces problèmes existaient encore? Ces problèmes fiscaux liés aux sociétés fictives, comme on les appelle, existeraient-ils encore? En tant qu’entreprise, nous avons analysé un certain nombre de problèmes que les journalistes ont mis en évidence; nous disons en gros qu’ils sont résolus. Alors, pourquoi créer une autre directive pour résoudre des problèmes qui ont déjà été résolus?

Ce problème a déjà été résolu par l’accord Beps de l’OCDE?

«Oui, tel que mis en œuvre dans le droit européen. Nous avons donc eu le projet Beps de l’OCDE, puis l’Europe l’a mis en œuvre, essentiellement par le biais d’Atad 1 et Atad 2. Maintenant, nous sommes en train de créer un Atad 3 sur les [sociétés] fictives. Ma question est la suivante: est-ce nécessaire? Et il y a encore d’autres choses que la Commission veut faire.

C’est là que j’ai l’impression que nous sommes dans cette roue de hamster, que nous continuons à faire des réformes fiscales parce que nous pensons que c’est la bonne chose à faire, sans jamais prendre de recul et nous demander si cela aide vraiment à quelque chose? Est-ce que cela va augmenter les revenus de manière significative? C’est douteux. Est-ce que cela va corriger les inégalités? C’est également douteux. Donc, dans une certaine mesure, pourquoi consacrons-nous de plus en plus d’énergie à cela? C’est l’analogie avec la roue de lapin, c’est presque comme une fixation constante. Nous sommes toujours préoccupés par le fait que quelqu’un cache quelque chose. Nous continuons alors, à y consacrer de plus en plus de travail, au lieu de nous intéresser à des choses plus importantes.

Êtes-vous satisfaits de l’accord de l’OCDE tel qu’il a été mis en œuvre dans les différentes directives européennes? Est-il réalisable et réaliste pour vous?

«Pour les deux premiers, Atad 1 et Atad 2, il existe encore des problèmes, mais ils reflètent ce qui a été convenu au niveau de l’OCDE. C’était un compromis. Ce n’était pas un mauvais compromis du tout. Le mérite de l’OCDE est d’avoir produit quelque chose. C’était vraiment comme garder des chats, mais ils y sont parvenus. Je pense donc que ces directives ont du sens. Elles sont applicables, même si elles comportent quelques défauts, mais avec un peu de chance, au fil du temps, elles seront corrigées, ou nous nous habituerons à travailler avec elles. Donc, jusque-là, c’est bien.

Maintenant, nous avons le pilier 1 et le pilier 2, que je trouve bien sur le fond. Ils peuvent fonctionner. Ils sont encore très complexes et j’aimerais qu’ils soient clarifiés. Mais l’idée de base qui les sous-tend est judicieuse.

Le premier pilier concerne la fiscalité numérique, les préoccupations relatives aux grandes entreprises numériques qui ne sont pas nécessairement présentes dans le pays, mais qui y gagnent des sommes considérables. C’était en partie une perception, en partie une réalité. Il fallait faire quelque chose à ce sujet.

Le deuxième pilier est constitué des propositions relatives à l’imposition minimale, c’est-à-dire que les grandes multinationales doivent payer au moins 15% de taux d’imposition effectifs dans un pays donné. C’était un énorme changement. Je veux dire, un changement radical sur le plan politique. Vous savez, je pense que c’était la bonne chose à faire. Elle n’a pas été accueillie universellement. Mais je pense que dans le contexte, c’était la bonne chose à faire. C’était un compromis. C’était une façon équitable de traiter un problème qui était un mélange de perception et de réalité.... en fin de compte, le pilier 2 a du sens. Disons que les grandes multinationales doivent payer un impôt minimum de 15%. Cela met un terme à l’abus du système et, à condition que ce soit fait d’une manière raisonnablement claire, cela ne crée pas trop d’incertitude. Je suis d’accord avec cela.

Il y a des objectifs très valables pour Atad 1 et 2, n’est-ce pas? Les gens veulent à juste titre que les entreprises paient leur juste part d’impôts. Je suppose que vous êtes d’accord?

«Oui.

Dans un monde idéal, l’impôt sur les sociétés devrait être nul.
Keith O’Donnell

Keith O’DonnellAssocié gérantAtoz

Que signifie pour vous une part équitable? Qu’est-ce qu’un taux d’imposition équitable? Que devraient-elles payer?

«Eh bien, je vais vous donner ma réponse la plus pure à ce sujet. Je pense que l’imposition traditionnelle des entreprises c’est-à-dire l’imposition des revenus des sociétés – et je distingue ici les entreprises actives, c’est-à-dire les entreprises qui fournissent des services et créent des biens – est fondamentalement une mauvaise idée. Les économistes diront que c’est une distorsion, que c’est inefficace. Donc, à un niveau fondamental, je dirais que, dans un monde idéal, l’impôt sur les sociétés devrait être nul.

Et pourquoi est-ce que je dis cela? Non pas que je ne crois pas que ces bénéfices ne devraient pas être soumis à l’impôt. Je pense que les taxer dans l’entreprise n’est pas la bonne façon de les taxer. Dans un monde idéal, ils seraient imposés au niveau des actionnaires et des investisseurs qui en bénéficient. Maintenant, c’est un monde idéal. C’est très théorique.

Il y a une raison pour laquelle nous imposons les bénéfices au niveau des entreprises. La première raison est la crainte de l’évasion fiscale, car si vous ne les imposez pas, les investisseurs ne seront peut-être pas imposés sur ces bénéfices, ce qui est une préoccupation très légitime. La deuxième raison est que dans la mesure où une entreprise est active dans un pays, elle utilise des ressources. Par conséquent, elle devrait contribuer à payer les coûts du pays sous forme d’impôts. Je pense que ces deux points sont légitimes. Maintenant, je pense qu’il y aurait au moins théoriquement de meilleures façons de les traiter. Mais fondamentalement, je comprends qu’il s’agit d’une vision puriste.

C’est donc le genre de point de vue puriste qui pourrait aider à comprendre pourquoi, lorsque vous me demandez quel est le niveau d’imposition équitable pour une entreprise, je serais personnellement en faveur de taux bien inférieurs aux taux moyens. Je préférerais qu’il y ait un taux minimum et une fourchette maximum. Parce qu’alors je pense que les entreprises, qui sont en fin de compte des créateurs de richesse, de richesse, d’emploi, de créativité, réinvestiraient davantage dans leurs activités. Et je pense qu’il est tout à fait possible de dire que, lorsqu’elles distribuent leurs bénéfices à leurs investisseurs, vous imposez ces derniers. Mais tant qu’ils continuent à réinvestir, vous voulez que leur facture fiscale reste faible.

Il existe des systèmes fiscaux dans lesquels les pays ont choisi de ne pas imposer les bénéfices des entreprises avant leur distribution. L’Estonie a un système de ce type, par exemple. Ils disent donc qu’ils préfèrent que les entreprises continuent à investir leurs bénéfices. Et on les encourage à le faire en disant qu’on ne les imposera pas tant qu’ils restent dans l’entreprise. Et une fois que vous les aurez versés, oui, alors nous les taxerons. Et cela incite l’entreprise à réinvestir l’argent, au lieu de dire que, si vous êtes une entreprise prospère, dans une certaine mesure, nous allons vous pénaliser pour cela.

Donc ma réponse théorique serait: zéro serait un grand nombre. Maintenant, ma réponse pratique serait 15%. Je pense que toutes les entreprises devraient payer un impôt de 15%. Je précise au préalable que cela concerne les entreprises qui produisent activement des biens ou des services. Il y a beaucoup d’entreprises qui sont beaucoup plus passives, qui sont essentiellement des véhicules d’investissement qui ne font que détenir des actifs [comme les sociétés d’investissement immobilier]. Je n’ai aucun problème à ce que quelqu’un dise que nous allons les imposer à un taux plus élevé.

Vous seriez donc en faveur d’une imposition plus élevée des dividendes? S’agirait-il d’un bon compromis?

«Oui, je pense que l’imposition des dividendes à un taux plus élevé, que ce soit par retenue ou à la réception, serait un bon compromis.

Vous avez parlé de la complexité du système fiscal. C’est une phrase que j’ai beaucoup entendue de la part de nombreuses personnes, mais pouvez-vous la chiffrer ou donner un exemple de ce que cela coûte aux entreprises? Les grandes entreprises ont de toute façon une équipe fiscale et juridique importante, n’est-ce pas? Je veux dire, est-ce vraiment beaucoup plus de travail?

«Eh bien, il y aura toujours un peu de travail, parce que la fiscalité pour les grandes entreprises sera une ligne importante dans leur budget de dépenses, tout d’abord. Elles l’examineront donc de près et engageront des personnes pour l’examiner. Et deuxièmement, elles auront probablement beaucoup d’entités juridiques. Il y a donc un certain degré de complexité inhérente au système.

Cela dit, si nous prenons, par exemple, la proposition Atad 3. Le FMI a publié une estimation. Ils ont dit, par exemple, qu’au Luxembourg, il pourrait y avoir environ 40.000 entités qui pourraient être considérées comme un véhicule à usage spécial. Disons qu’elles doivent remplir une déclaration fiscale chaque année, et nous devons nous en occuper. Et puis notre estimation [Atoz] est la première année, c’est probablement dans la région de 5.000€ par société. Si vous prenez 40.000 entreprises et que vous multipliez par 5.000€, vous voyez que nous sommes déjà dans les centaines de millions.... vous devez vraiment vous demander s’ils ne pourraient pas dépenser cet argent pour quelque chose de mieux.

Notre cabinet et nos activités de conseillers fiscaux se développent plus rapidement que l’économie mondiale depuis plusieurs années. Pour moi, il y a quelque chose qui ne va pas. Nous ne devrions pas croître plus vite que l’économie mondiale, nous devrions croître plus lentement. Parce que le système devrait être plus efficace pour collecter les impôts.

Vous ne devriez pas avoir besoin d’engager une armée d’avocats et de conseillers.
Keith O’Donnell

Keith O’DonnellAssocié gérantAtoz

Les patrons devraient dépenser moins pour des gens comme moi, pas plus. S’ils dépensent plus, cela signifie que la complexité augmente plus vite que le problème. Et ça, pour moi, c’est un problème terrible. Si vous allez jusqu’au bout, dans x années, les entreprises comme la nôtre seront largement surdimensionnées et constitueront un frein à l’économie.

Il y a un juste équilibre. Nous comprenons tous que nous devons payer un montant équitable d’impôts. Mais à un moment donné, vous ne devriez pas avoir besoin d’engager une armée d’avocats et de conseillers pour y voir clair. Et c’est un peu vers cela que nous nous dirigeons en ce moment.

N’est-ce pas une bonne chose pour votre entreprise et pour beaucoup d’entreprises au Luxembourg?

«Comme on dit en français, je ne devrais pas “cracher dans la soupe”. Vous savez, je pourrais dire, ou je devrais être très heureux que l’OCDE et la Commission européenne me créent beaucoup de travail, mais fondamentalement, nous préférons conseiller des clients qui réussissent plutôt que de bénéficier d’un frein effectif à l’économie sous la forme d’honoraires qui nous sont versés.

Nous préférons de loin traiter avec des clients qui réussissent et qui peuvent être plus dynamiques, plus entreprenants, parce qu’ils traitent avec des systèmes beaucoup plus simples, plutôt que de dire, créons des systèmes très complexes, et [ensuite] devons payer, des entreprises comme la nôtre, beaucoup d’argent. Je préférerais de loin que le Luxembourg et l’Europe aient une économie très dynamique et performante.

On s’en sortira toujours bien. Pas besoin de s’inquiéter des avocats fiscalistes au chômage, vous savez, nous nous en sortirons très bien. [Je préférerais] que nous ayons une économie prospère et un petit morceau de celle-ci plutôt qu’un gros morceau d’une économie qui a été ralentie.

Lors de votre intervention à l’UEL, vous avez affirmé que la roue de hamster de la réforme fiscale pourrait nuire à la compétitivité de l’Europe, en particulier avec l’Asie et les États-Unis. Le système fiscal américain est connu pour être incroyablement complexe. Y a-t-il vraiment un risque que le système fiscal européen soit plus compliqué que le système américain? Je suppose que dans certains pays asiatiques, le système pourrait être un peu plus simple, mais je suis un peu sceptique quant au risque concurrentiel.

«Vous avez raison d’être sceptique. Il est vraiment difficile de modéliser cela, car l’une des difficultés de certaines de ces propositions est que lorsque les gens essaient de dire quelles entreprises perdent ou quelles entreprises gagnent, il est pratiquement impossible de modéliser… si vous augmentez la taxe dans le pays A, peut-être que le pays B va augmenter sa taxe de sorte que le pays A ne reçoive pas autant. De la même manière, lorsque vous essayez de déterminer les effets d’entraînement d’une modification des taxes en Europe, il est assez difficile d’être définitif.

Cela dit, fondamentalement, si vous rendez votre pays et votre système plus complexe et plus coûteux, soit vous perdez un avantage concurrentiel, soit quelqu’un d’autre en gagne un par rapport à vous. C’est pourquoi je suis toujours très déterminé à dire: «Avant d’ajouter de la complexité à quelque chose, êtes-vous vraiment sûr que c’est nécessaire?

Si nous commençons à ajouter continuellement trop de complexité, nous finirons par perdre cette compétitivité, et que ce soit par rapport aux États-Unis, au Royaume-Uni ou à l’Asie, je ne peux pas le quantifier, c’est trop difficile.

Le Luxembourg doit-il être compétitif en matière de taux d’imposition?

«Là encore, il est très difficile de le savoir, car beaucoup de gens ont essayé de le déterminer et je pense que certaines études ont dit que le Luxembourg était un perdant net, d’autres que le Luxembourg était un gagnant net. C’est juste en termes budgétaires. Avons-nous besoin d’être compétitifs? Oui, je crois que oui.

Vous savez, si vous regardez le positionnement concurrentiel du Luxembourg, ce qu’il a, c’est une économie très ouverte, très dynamique. Je pense qu’il faut continuellement encourager les entreprises à s’installer ici. Il faut être réaliste, nous ne sommes pas un grand pays, nous n’avons pas la masse critique d’un [grand] marché intérieur.

Nous devons donc, à mon avis, être compétitifs. Nous devons peut-être réduire les taux d’imposition des sociétés. Il faudrait, tout d’abord, voir comment tout cela se stabilise. Mais en fin de compte, je ne l’exclurais pas. Je pense qu’il serait légitime pour le Luxembourg de dire que nous voulons avoir un taux d’imposition des sociétés compétitif, parce que pour l’instant, nous sommes au mieux dans la moyenne. Peut-être qu’à un moment donné, si nous voulons continuer à être un pays favorable aux entreprises, l’une des choses que nous devrons faire sera de réduire le taux nominal d’imposition des sociétés.»

Glossaire rapide

OCDE

L’Organisation de coopération et de développement économiques est un forum politique regroupant 38 pays, pour la plupart riches.

Beps

Le projet de l’OCDE sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices a débuté en 2015, dans le but de combler les failles qui permettaient aux multinationales «d’exploiter les lacunes et les décalages des règles fiscales pour éviter de payer des impôts.» Des règles mondiales ont été définies à l’automne dernier. Au total, 141 pays et territoires, dont le Luxembourg, ont adhéré à ce cadre.

Atad

Les directives antiévasion fiscale de l’UE visent à harmoniser les règles fiscales des États membres, y compris, mais sans s’y limiter, les dispositions du cadre Beps de l’OCDE.

Cette interview a été publiée pour la première fois dans l’édition d’avril 2022 du .

Cette interview a été rédigé par  en anglais, traduite et éditée par Paperjam en français.