La 17e édition de la Journée de l’économie s’est tenue ce mardi 26 mars à la Chambre de commerce sur le sujet de la compétitivité. (Photo: Marie Russillo/Maison Moderne)

La 17e édition de la Journée de l’économie s’est tenue ce mardi 26 mars à la Chambre de commerce sur le sujet de la compétitivité. (Photo: Marie Russillo/Maison Moderne)

Lors de la Journée de l’économie, ce mardi 26 mars, à la Chambre de commerce, le ministre de l’Économie, Lex Delles, le directeur général de la Chambre de commerce, Carlo Thelen, et le directeur général du Statec, Serge Allegrezza, rappellent que la pandémie, l’augmentation des prix de l’énergie et la guerre en Ukraine ont fait que la compétitivité du pays a «pris un coup».

«Je suis heureux d’entendre le ministre dire que la compétitivité est à l’avant-garde du nouveau gouvernement, mais auparavant, elle a été oubliée», a dit, d’emblée, le managing partner de PwC, . La pandémie, la crise énergétique et la guerre en Ukraine ont relégué au second plan cette compétitivité, qui était le sujet de la 17e édition de la Journée de l’économie. Dans le «World Competitiveness Yearbook», publié en juin 2023, le Luxembourg a , la plus forte dégradation. 

«La compétitivité est au cœur de mon action politique», a redit le ministre de l’Économie,  (DP), qui a réitéré l’importance cruciale de la compétitivité pour l’économie, tout en soulignant la nécessité d’une action décisive pour garantir la prospérité économique du pays à long terme.

Le directeur général de la Chambre de commerce, , a exprimé la nécessité d’adopter un nouveau modèle économique en réponse aux récentes crises mondiales: «Notre capacité à soutenir un avenir durable est cruciale. La croissance est essentielle pour maintenir notre bien-être. Le temps est venu de créer un nouveau modèle basé sur une transition énergétique dynamique.» Il a mis en lumière les défis particuliers auxquels le Luxembourg est confronté, notamment la détérioration de sa compétitivité dans le contexte post-pandémique et d’une guerre en Ukraine, une tendance inquiétante par rapport à l’amélioration observée dans les pays voisins. «L’avantage compétitif du Luxembourg s’est détérioré», constate-t-il, en pointant du doigt les faibles dépenses en recherche et développement (R&D) et la stagnation de la productivité du travail.

Le Luxembourg affronte un défi en matière de R&D, moteur de la compétitivité, allouant moins de 1% de son PIB à ce secteur en 2022. Ce faible investissement contraste nettement avec les efforts de pays voisins, comme la Belgique et l’Allemagne, où la R&D représente environ 2% du PIB, soulignant un désavantage compétitif, comme l’indique Carlo Thelen. 

Professeur d’économie à la Solvay Brussels School of Economics and Management-ULB, Michele Cincera explique à ce sujet: «Il y a un manque d’investissement des entreprises en R&D au Luxembourg. Si le gouvernement augmentait ses financements dans ce domaine, le pays pourrait innover en termes de services de meilleure qualité et à forte valeur ajoutée, stimulant ainsi la demande et la performance économique. La R&D est essentielle pour développer de nouveaux produits et services, donnant un avantage compétitif.»

La productivité, «quelque chose qui aide tout le monde»

Lors de la première table ronde de cette journée, les intervenants ont débattu des perspectives de la compétitivité du pays face à une concurrence accrue et des conditions de marché défavorables. Le directeur général du Statec, , a initié la discussion en évoquant le rôle central de la productivité dans la prospérité économique: «C’est quelque chose qui aide tout le monde, augmente la prospérité et le revenu des résidents.» Malgré une position avantageuse, le Luxembourg n’est pas le meilleur, reconnaît Serge Allegrezza, soulignant l’importance de l’attractivité et de la productivité dans le maintien de la compétitivité nationale.

Le CEO de Cargolux, , a adressé un message provocateur aux syndicats: «Regardez ce que vous faites, vous êtes encore à l’époque de Margaret Thatcher! L’Europe deviendra une zone touristique dans 10 ans, car toutes les entreprises déménageront dans d’autres juridictions où c’est moins cher.»

La discussion a également exploré le rôle crucial des travailleurs transfrontaliers dans l’économie luxembourgeoise, représentant 47% de la main-d’œuvre, comme souligné par Richard Forson: «Ils sont payés en argent luxembourgeois. Ce que nous leur donnons, cela retourne dans leur pays, où ils le dépensent.»

Le CEO d’HSBC, , a proposé trois axes pour renforcer l’attractivité du Luxembourg: une vision d’entreprise visant à attirer les professionnels à faire des affaires au Luxembourg, une promotion à l’extérieur axée sur l’éducation pour promouvoir le Luxembourg comme un excellent lieu pour débuter sa carrière professionnelle, et une initiative gouvernementale visant à rendre le pays plus attractif, mettant en avant l’excellent équilibre entre vie professionnelle et personnelle offert par le pays.

Environ 200 personnes, de tous les milieux, étaient présentes lors de la Journée de l’économie 2024. (Photo: Marie Russillo/Maison Moderne)

Environ 200 personnes, de tous les milieux, étaient présentes lors de la Journée de l’économie 2024. (Photo: Marie Russillo/Maison Moderne)

«Le Luxembourg a sa place en tant que pays d’accueil pour l’innovation»

Lors de la deuxième table ronde de cette journée, l’innovation et l’avenir technologique ont été au cœur des discussions, mettant en lumière les défis et les stratégies nécessaires pour maintenir la compétitivité du Luxembourg.

Christophe Timmermans, CEO de Solarcleano, a apporté un témoignage sur l’expérience de son entreprise en matière de soutien financier au Luxembourg. Il a souligné l’importance du soutien étatique pour les start-up innovantes, en particulier dans le secteur de la haute technologie, et évoqué comment Solarcleano a bénéficié de l’aide au financement par des mécanismes tels que ceux proposés par la Société nationale de crédit et d’investissement (SNCI), ce qui a permis à son entreprise de surmonter les obstacles financiers et de soutenir sa croissance rapide, et donc de maintenir une place compétitive dans le marché face à ses adversaires. Il a précisé: «En France, une start-up similaire n'aurait pas accès aux mêmes avantages financiers octroyés par l’État. Ces avantages comprennent des subventions qui facilitent la recherche et développement, nous permettant ainsi de prendre de l’avance sur nos concurrents directs. De plus, nous bénéficions d’un soutien important dans le domaine du commerce, avec des aides financières de la part de la SNCI, ce qui permet à une entreprise en pleine croissance de répondre à tous ses besoins.»

La fondatrice et CEO de Digital Minds, Emilie Allaert, quant à elle, a abordé les défis liés au financement et à la réglementation de l’innovation, en particulier dans le secteur financier, exposant la nécessité d’investissements et l’impact des coûts salariaux élevés qui freinent l’investissement dans les nouvelles technologies. Elle a souligné la lenteur et les complications du soutien à la R&D: «On a mis un an et demi pour avoir du soutien... C’est compliqué quand on débute.»

La discussion a également exploré la manière dont la politique doit s’adapter pour soutenir l’innovation. Les participants ont souligné la nécessité d’une réglementation plus souple et d’un soutien financier plus rapide et plus accessible pour les entreprises innovantes. «C’est difficile de trouver une banque, dès qu’elle voit ‘technologie’ dans le statut, cela pose problème», ajoute Emilie Allaert. Christophe Timmermans a critiqué la lourdeur réglementaire en Europe: «La réglementation nous freine, c’est tellement long... l’entry to market est un parcours du combattant.»