Sur la scène, de gauche à droite: Sundhevy Debrand, membre de l’Association luxembourgeoise des compliance officers (ALCO) et Chief compliance officer chez Quilvest Luxembourg Services sa; Azaratou Sondo, Directrice générale adjointe en charge du Réseau à la Faîtière des caisses populaires du Burkina (FCPB); et Luc Vandeweerd, membre du Conseil d’administration de ADA. (Photo: Olivier Minaire)

Sur la scène, de gauche à droite: Sundhevy Debrand, membre de l’Association luxembourgeoise des compliance officers (ALCO) et Chief compliance officer chez Quilvest Luxembourg Services sa; Azaratou Sondo, Directrice générale adjointe en charge du Réseau à la Faîtière des caisses populaires du Burkina (FCPB); et Luc Vandeweerd, membre du Conseil d’administration de ADA. (Photo: Olivier Minaire)

Le Luxembourg fortement réglementé pour l’envoi des fonds

«Clients, investisseurs, personnes avec qui on a une relation d’affaires… il faut bien savoir avec qui l’on travaille avant de pouvoir effectuer des transactions». C’est ainsi que Sundhevy Debrand, membre de l’ALCO et Compliance officer au sein de la banque d’investissement Quilvest Luxembourg Services Sa, pose le contexte. L’envoi de fonds depuis le Luxembourg vers différents pays est fortement réglementé par des directives européennes anti-blanchiment transposées au Luxembourg, sur lesquelles figurent également la liste des pays à haut risque classifiés par le Groupe d’action financière (GAFI), un organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Mme Debrand poursuit: «Face à cette liste, le gouvernement luxembourgeois n’a pas pris position; il appartient à chaque professionnel du secteur financier de faire sa propre approche basée sur les risques, en fonction de sa propre connaissance du cadre légal et réglementaire du pays avec lequel il va travailler. Or on sait bien qu’en finance, le risque zéro n’existe pas. Il est cependant possible de réduire le risque au bout de deux ou trois années de travail avec un pays, lorsque l’on connaît bien ses spécificités locales. Notre rôle en tant que compliance officer consiste à contrôler l’envoi des fonds vers ces pays, or ce contrôle passe avant tout par la connaissance du client».

Des règlementations applicables sur le terrain, mais à quel prix?

«Comment sont perçues ces règlementations du côté du Burkina?» demande Luc Vandeweerd, le modérateur du débat, en s’adressant à Azaratou Sondo, directrice adjointe en charge du Réseau à la Faîtière des caisses populaires du Burkina (FCPB). «Depuis la création de notre Faîtière en 1972 jusqu’à ce jour, la réglementation a connu une grande évolution. Nous sommes aujourd’hui soumis à des instructions au niveau de la Banque Centrale et il devient de plus en plus difficile de faire des transactions de gros volumes. Nous avons obligation de déclarer toute transaction supérieure à 5 millions de francs CFA – soit environ 7.600€ –. Ce contrôle permanent peut déstabiliser le client et même nuire à notre réputation».

Si l’aspect contraignant de la compliance est souligné en termes administratifs, son coût ne facilite pas non plus sa mise en place. «Le coût de la compliance est cher», assure Madame Debrand. Alors à qui cela incombe-t-il? «Une visite sur le terrain se fait aux frais de l’institution et peut vite atteindre des sommes conséquentes en fonction du coût de l’inspection et des sanctions financières appliquées, s’il y en a», poursuit Madame Debrand. «Personnellement, nous sommes obligés de faire avec, réplique Azaratou Sondo. Supporter le coût de la compliance implique de mettre en place des structures pour absorber ces frais, car on ne peut pas facturer cela à nos membres».

La finance digitale comme alternative face au terrorisme

Face au terrorisme qui sévit dans le Nord-est du Burkina, l’insécurité règne et les agents de crédit ne peuvent même plus se déplacer dans les villages pour rencontrer les membres. Alors, comment continuer à offrir des services dans ces zones fragiles? «La solution, c’est la finance digitale, assure, Madame Sondo. Une stratégie nationale est en cours d’élaboration pour nous permettre de transférer l’argent de façon sécurisée, tout en poursuivant notre mission d’éradication de la pauvreté. J’ai bon espoir».

Renforcer la coopération Nord-Sud et le dialogue

Le mot de la fin est donné à Raymond Schadeck, Président de Investing for Development SICAV, un fonds d’investissement en microfinance basé au Luxembourg. Si pour lui le respect des législations européennes et luxembourgeoises est très important, il ne résout évidemment pas tous les problèmes sur le terrain. «Il faut faire une bonne évaluation entre le risque et ce qu’on cherche à atteindre, ajoute-t-il.Et surtout, il faut s’entourer de partenaires qui connaissent bien le marché et qui ont les moyens de faire le travail. LMDF opère avec ADA depuis 9 ans. Ils ont créé ensemble 115 partenariats dans 26 pays. C’est via un partenariat fort qu’on arrivera non pas à éviter le problème, mais du moins à le prévenir».

Selon Mr Schadeck, il faut que les instances de microfinance investissent encore plus d’argent, pour informer davantage le public et leurs investisseurs sur l’impact qu’ils créent. «Parler de risque, c’est important; mais il faut contrebalancer tout ça; en 9 ans, LMDF a déboursé 150.000 prêts, c’est-à-dire qu’ils ont changé la vie de 150.000 foyers!»