David Demulier, Dr Mohammed Kroessin (Islamic Relief Worldwide) et Fadoua Boudiba (Triodos). (Photo: ADA / Olivier Minaire)

David Demulier, Dr Mohammed Kroessin (Islamic Relief Worldwide) et Fadoua Boudiba (Triodos). (Photo: ADA / Olivier Minaire)

Lors du 37e Midi de la microfinance, organisé à la Banque de Luxembourg par Ada et le réseau InFiNe.lu, les experts de la microfinance islamique, Mohammed Kroessin, chef de l’Unité mondiale de microfinance islamique à l’ONG Islamic Relief Worldwide, et Fadoua Boudiba, chargée d’investissement senior de la région MENA et Afrique à la banque Triodos, ont expliqué les enjeux du développement de ce secteur dans le monde. La discussion a été modérée par David Demulier.

Le financement conforme à la charia est unique et diffère sensiblement de la microfinance conventionnelle. Le secteur cherche à fournir un outil d’autonomisation économique aux pauvres ou aux personnes défavorisées sur la base de méthodes de financement conforme à la charia qui évitent les intérêts en raison de la proposition de valeur éthique de l’économie islamique. L’interdiction de l’usure par la religion musulmane a permis de développer une autre forme de la finance et de la microfinance.

De nombreuses idées ont été mises en place pour contourner ces interdits, en se basant sur un principe de partenariat entre investisseur et client. Les deux forment finalement un couple qui gagne ou qui perd ensemble. «Une sorte de mariage qui assume tous les risques, tant des profits que de pertes», explique Fadoua Boudiba.

Différents produits sont constamment développés dans ce secteur pour répondre aux nombreux besoins, mais lors du Midi, un accent a été mis sur deux produits les plus utilisés: Salam et Murabaha:

  • le premier consiste en un accord entre l’institution de microfinance (IMF) et l’entrepreneur, qui vend un produit livré à une date ultérieure pour un prix spécifique payé à l’avance. En d’autres termes, il s’agit d’une vente à terme anticipée, utilisée surtout dans le secteur agricole;
  • le deuxième produit, utilisé 70% du temps, fait référence à un profit fait par l’IMF, résultant d’une transaction de vente d’une marchandise pour un prix donné plus une certaine marge de profit convenue entre l’IMF et le client. La marge bénéficiaire peut être soit un pourcentage du prix d’achat, soit un montant forfaitaire.

Mohammed Kroessin explique «qu’il s’agit de la mise en pratique des anciens principes de finance coopérative de la société musulmane, retransmise dans la société actuelle».

Fadoua Boudiba, de la Banque Triodos, a également souligné que dans de nombreux pays où la finance islamique est pratiquée, on observe une demande de ces services financiers également de la part de non-musulmans, qui préfèrent ce type de partenariat avec le partage de risque qu’une simple dette avec des taux d’intérêt. Ainsi, en Malaisie, la moitié des clients de banques islamiques sont non musulmans!

Malgré le développement croissant, avec des nouveaux marchés qui s’ouvrent également à ce besoin, comme le Tadjikistan et les pays du Moyen-Orient, le secteur rencontre de nombreux défis, de par le manque de régulation. Paradoxalement, les pays comme l’Arabie Saoudite ne reconnaissent pas encore les produits de la finance islamique.

Mais tout comme la microfinance classique a connu des débuts difficiles en termes d’attractivité envers les investisseurs, le secteur de la finance conforme à la charia devra également être patient avant de se développer grâce aux investisseurs internationaux.  

En conclusion, Gilles Franck, membre du conseil d’administration d’Ada, a insisté sur les objectifs communs de ces deux types de microfinance: créer un bénéfice social et réduire de la pauvreté. Par ailleurs, ils peuvent parfaitement cohabiter afin de laisser le choix aux clients du monde entier entre ces différents pratiques et produits.