Wim Piot, associé et tax leader chez PwC Luxembourg (Photo: PwC)

Wim Piot, associé et tax leader chez PwC Luxembourg (Photo: PwC)

L’OCDE a publié hier les dispositions finales relatives au premier volet de sa réforme fiscale visant à enrayer l'érosion de l'assiette fiscale et le transfert de bénéfices (BEPS). La réforme BEPS, engagée sur une durée de deux ans, a débuté l’année dernière et regroupe 15 points d’action principaux. Les recommandations finales publiées hier portent sur les cinq actions que sont l’économie digitale, le modèle de déclaration pays par pays, la neutralisation des effets des montages hybrides, la prévention de l’utilisation abusive des conventions fiscales et les prix de transfert se rapportant aux biens incorporels.

En outre, deux rapports n’ayant pas fait l’objet d’un exposé-sondage préalable ont également été publiés par l’OCDE. Ces derniers traitent des pratiques fiscales dommageables et de la mise en place d’un instrument multilatéral visant à accélérer la modification des conventions fiscales envisagées dans le cadre de la réforme BEPS.

Ces rapports devront être ratifiés par les ministres des finances du G20 lors de leur réunion qui se tiendra ce weekend à Cairns en Australie.

«Avec le projet BEPS, la fiscalité internationale connaîtra la transformation la plus importante de son histoire récente. Les réformes annoncées hier auront un impact considérable sur les entreprises internationales, que ce soit en matière de conformité réglementaire ou de structure opérationnelle. Malgré les concessions attendues afin de parvenir à un consensus, le premier volet du projet BEPS a été livré dans les délais et sans aucun amendement. L’étendue et la portée des transformations dépassent largement les anticipations initiales du marché.

«Ce résultat a été rendu possible grâce aux consultations de l’OCDE menées au cours de l’année passée et grâce à sa démarche consensuelle auprès des administrations fiscales des différents pays. En ce qui concerne le Luxembourg, l’OCDE a notamment relevé que les fonds d’investissement bénéficient d’un statut spécifique au regard de la fiscalité internationale et que ce dernier doit être reconnu et protégé.

«Dans son rapport relatif aux pratiques fiscales dommageables, l’OCDE a fait part de son intention de passer en revue dès 2015 les pratiques de ses membres en matière de rescrit fiscal. En revanche, le Luxembourg peut se féliciter que l’OCDE ait approuvé les règles fiscales applicables aux sociétés d'investissement en capital à risque (SICAR) et aux sociétés de gestion de patrimoine familial (SPF). Cependant, le rapport indique également que le régime d’exemption fiscale en matière de propriété intellectuelle au Luxembourg (comme au Royaume-Uni) pourrait être revu et restreint considérablement. Le sujet est brûlant et engendrera certainement de longues discussions avant que la décision finale ne soit prise. Les détails du nouveau rapport montre que le Royaume-Uni et l’Espagne ne peuvent pas accepter toutes les propositions », analyse Wim Piot, associé et Tax Leader chez PwC Luxembourg.

L’incidence de ces réformes sur les entreprises dépendra en partie de la manière dont les règles sont transposées par les différentes administrations fiscales. Certaines structures pourraient être affectées qu’elles aient ou non un objectif d’optimisation fiscale. La modification des règles entrainera nécessairement des litiges entre les entreprises et les administrations fiscales, notamment dans les cas où l’administration avait auparavant validé ces structures. Les travaux de l’OCDE visant à améliorer les mécanismes de résolution des litiges seront une composante cruciale du projet BEPS afin d’assurer le bon déroulement des réformes.

«Les entreprises multinationales ne seront pas surprises des recommandations de l’OCDE relatives au modèle de déclaration pays par pays. Pour elles, la question principale est de savoir comment les administrations fiscales pourront partager ces informations tout en garantissant leur confidentialité. L’OCDE doit clairement apporter des réponses à ce sujet. L’augmentation des demandes d’information soumises par les diverses administrations fiscales, venant alourdir les coûts administratifs, est aussi une préoccupation majeure pour ces entreprises», souligne Caroline Goemaere, associée et BEPS Leader chez PwC Luxembourg.

Bien qu’il ne faille pas sous-estimer la portée des mesures adoptées par l’OCDE, la mise en œuvre à proprement parler du projet BEPS sera vraisemblablement plus compliquée, car les administrations fiscales auront très certainement des points de vue assez divergents sur ce qui peut être admissible ou non. De même, un engagement de longue haleine des gouvernements, des administrations fiscales et des entreprises sera nécessaire pour raviver la confiance dans le système fiscal international et soutenir le commerce international et la croissance mondiale.