Michael Ferguson, responsable du département Fonds réglementés de la région EMEIA chez EY ainsi qu’à la tête du département Wealth & Asset Management chez EY Luxembourg. (Photo: Luc Deflorenne / archives)

Michael Ferguson, responsable du département Fonds réglementés de la région EMEIA chez EY ainsi qu’à la tête du département Wealth & Asset Management chez EY Luxembourg. (Photo: Luc Deflorenne / archives)

Les gestionnaires de hedge funds sont confrontés aux retombées des nouvelles réglementations bancaires et celles applicables aux courtiers principaux, à l’heure même où ces hedge funds font face à une augmentation des frais sur les transactions ainsi qu’à des changements substantiels en matière de relations commerciales. Cette dynamique exerce davantage de pression encore sur les marges et amène les principaux gestionnaires à rechercher de nouvelles stratégies de croissance, selon l’édition 2015 de l’étude publiée par EY au sujet du marché mondial des hedge funds et intitulée The evolving dynamics of the hedge fund industry.

Des règlementations telles que Bâle III, la directive AIFM ou bien encore Dodd-Frank ont amené les banques et leurs métiers de courtage à porter plus d’attention à la liquidité, au potentiel bilantaire et à la capacité de financement, entraînant un changement de données économiques pour les gestionnaires de fonds finançant les transactions par l’intermédiaire des courtiers principaux. 29% des sondés indiquent une augmentation des commissions de courtage au cours de l’année écoulée et 22% d’entre eux tablent sur leur augmentation au cours de l’année à venir.

Les gestionnaires de fonds utilisant des stratégies liées aux crédits en souffrance, aux revenus fixes ou bien encore sur la «Global macro», pouvant toutes se révéler fastidieuses au niveau bilantaire du point de vue du courtier, sont les mêmes gestionnaires qui ont été confrontés à la hausse des prix la plus importante. Les sondés s’attendent désormais à une hausse des prix et à des restrictions des courtiers qui les amèneront à modifier la manière dont ils conduisent leurs affaires, incluant la tendance grandissante à l’exécution des opérations sur base de swaps, à la réduction du financement en repo ainsi qu’à celle du niveau général de l’effet de levier.

Michael Ferguson, responsable du département Fonds réglementés de la région EMEIA chez EY ainsi qu’à la tête du département Wealth & Asset Management chez EY Luxembourg, commente:

«Cette dynamique est le changement le plus récent auquel cette industrie, qui doit déjà composer avec une compression des marges, une concurrence accrue en termes de croissance des actifs et d’exigences actuelles en matière d’investissements technologiques, est confrontée. Toutes les formes de financement sont devenues plus onéreuses pour une majorité de gestionnaires, et ces coûts ont des conséquences directes sur le métier des transactions au sens large. Les investisseurs seront indirectement touchés par cette hausse des coûts et devront se baser uniquement sur les communications du gestionnaire afin d’en comprendre toutes les conséquences sur la performance du fonds.»

Les hedge funds développent leurs relations avec leurs courtiers principaux

Les changements induits par la réglementation ont transformé la relation commerciale entre les courtiers principaux et les gestionnaires de hedge funds. Les courtiers principaux ont suggéré une concentration accrue des affaires réalisées avec eux par les gestionnaires de hedge funds, en dépit du fait que 60% d’entre eux affectés par le réajustement des prix ont dans les faits rajouté davantage de relations avec différents courtiers principaux. 12% seulement des sondés ayant connu des réajustements de prix ont réduit leurs relations avec des courtiers principaux.

De nombreux courtiers principaux deviennent réticents à l’idée de détenir des liquidités pour le compte de hedge funds en raison de la manière dont ces soldes doivent figurer dans les réserves en capital des banques selon les nouvelles règlementations. Par conséquent, 58% des gestionnaires de hedge funds ont transféré des liquidités chez les dépositaires alors que 35% ont fait l’acquisition de titres très liquides en guise de solution alternative à des liquidités.

Michael Ferguson poursuit: «De nombreux gestionnaires de hedge funds sont toujours plus grands et plus complexes, avec des besoins accrus de financement. Étant donné que de nombreux courtiers principaux ont moins de capacités à offrir que par le passé, les gestionnaires de hedge funds augmentent leur nombre de relations afin de réduire la capacité de risque des contreparties. Nous assistons également à la nécessité, pour les hedge funds, d’allouer des professionnels en charge de la gestion du risque de contrepartie, de la fonction de gestion des garanties et de la fonction trésorerie. Cette nécessité résulte de la mutation de la dynamique de cette industrie.»

Les gestionnaires recherchent des sources de financement autres que traditionnelles

Les gestionnaires de hedge funds commencent à rechercher des sources de financement autres que traditionnelles à l’exception des courtiers principaux. 13% des sondés recherchent des sources de financement autres que traditionnelles ou comptent le faire au cours des deux années à venir, que ce soit auprès d’investisseurs institutionnels ou de fonds souverains, de dépositaires ou bien encore d’autres hedge funds.

La croissance des actifs occupe toujours le premier rang des priorités stratégiques

Arriver à accroître les actifs pour contrecarrer la pression sur les marges occupe le premier rang des priorités stratégiques pour 57% des gestionnaires sondés. De nouvelles méthodes de croissance incluent notamment l’ajout de nouvelles stratégies pour les hedge funds, l’identification de nouvelles catégories d’investisseurs et l’augmentation des parts de marchés auprès des investisseurs existants.

Le lancement de nouveaux produits, qui constituait la principale méthode de croissance selon l’étude réalisée l’an dernier, a baissé de 20% cette année. Les nouveaux produits ont représenté des opportunités pour les gestionnaires, mais ont également apporté leur lot de défis, 24% des gestionnaires ayant indiqué l’incidence négative de ces nouveaux produits sur les marges d’exploitation.

Michael Ferguson commente: «À l’heure où les activités de hedge funds évoluent, une concurrence accrue ainsi qu’un durcissement des exigences de la part des investisseurs et des organes de règlementation ont compressé les marges, notamment via le double resserrement induit par la baisse des résultats bruts et l’augmentation des dépenses. L’accroissement des actifs en vue d’atteindre une masse critique dans des délais plus courts est essentiel pour des gestionnaires qui souhaitent augmenter la rentabilité de leurs organisations. Les produits d’actifs alternatifs liquides utilisant la plateforme OPCVM dans des domiciles tels que le Luxembourg continuent à être une préoccupation essentielle pour les gestionnaires de hedge funds au cours des prochaines années.»

L’impact de la directive AIFM et du RAIF à Luxembourg

Les conséquences de la directive AIFM continuent d’être suivies attentivement et dans l’optique d’une Europe considérée comme un marché cible de distribution, le lancement de produits européens dans des domiciles tels que le Luxembourg pour cette distribution est nécessaire. En outre, l’opinion selon laquelle l’élaboration d’une stratégie durable de distribution à l’échelle de l’UE en matière de reverse solicitation et/ou d’utilisation des régimes nationaux de placement privés n’est pas réaliste est de plus en plus répandue. Ceux ne souhaitant pas adopter la directive AIFM se tournent désormais vers des produits d’actifs alternatifs liquides utilisant la plateforme OPCVM du Luxembourg. Les coûts et la conformité induits par la directive AIFM continuent d’alimenter les discussions, mais devraient être considérablement réduits par l’introduction au Luxembourg d’un nouvel instrument de fonds d’investissement – le fonds d’investissement alternatif réservé ou «Reserved Alternative Investment Fund» («RAIF»). Ce fonds, dont la mise en œuvre est attendue au cours du premier trimestre 2016, est une structure de fonds extrêmement flexible devant être gérée par un gestionnaire d’AIF agréé et pourra bénéficier du «passeport AIFM». Le temps de commercialisation pour le lancement du RAIF sera uniquement du ressort de l’organe de gouvernance et des prestataires de service du RAIF (par exemple, conseil d’administration, avocats, etc.), étant donné que le régulateur luxembourgeois ne sera impliqué ni dans sa création ni dans sa supervision.

Les investissements technologiques indispensables au changement transformationnel

Les sondés ont l’intention de consacrer 12,4% de leur budget total à des dépenses importantes en matière de technologie au cours des trois à cinq prochaines années, montant similaire à celui budgété pour les dépenses au cours des deux dernières années alors que les gestionnaires ont l’ambition de développer de solides infrastructures capables de gérer des hedge funds plus importants et complexes. 70% des gestionnaires tablent sur d’importants investissements technologiques au cours des deux prochaines années, notamment en matière de gestion d’investissements et d’activité commerciale, d’infrastructure d’entreprise et de systèmes de gestion du risque.

Michael Ferguson conclut: «Nous assistons à une mutation rapide de l’environnement technologique actuel qui a une conséquence sur le marché des affaires. Les gestionnaires investissent dans le développement d’outils permettant une transmission fluide des données du front-office vers le back-office ainsi que des reporting plus rapides et adaptés à divers constituants tout en gérant les préoccupations actuelles en matière de cybersécurité. L’importance stratégique de ces investissements n’a jamais été aussi primordiale.»