Paperjam.lu

 

En date du 10 décembre 2010, le Conseil de la concurrence a adopté la décision N° 2010-FO-02 dans laquelle il évalue la situation concurrentielle sur le marché de la câblodistribution. Cette décision trouve son origine dans de nombreuses réclamations de consommateurs concernant les pratiques d’un câblo-opérateur actif au Luxembourg (s.à r.l. Coditel) qui avaient été adressées au cours des années 2005 et 2006 à différentes autorités. L’Inspection de la concurrence a mené une enquête sur base de ces réclamations, et d’une plainte qui lui a été adressée en cours de procédure par un producteur de programmes.

A la fin de l’enquête, l’Inspection de la concurrence a reproché à l’entreprise certains comportements relevant de l’abus de position dominante, à savoir le fait de facturer sans justification des frais d’abonnement pour les prises au-delà de la première prise (pratique de prix excessifs) et le fait d’obliger ses abonnés d’acheter les décodeurs (set top box) commercialisés par elle, sans leur laisser le choix de s’en procurer ailleurs (pratique de vente liée).

Pour vérifier si l’entreprise occupe une position dominante, le Conseil de la concurrence délimite dans un premier temps le marché pertinent en estimant que les services de câblodistribution se trouvent en concurrence avec la diffusion de programmes de télévision par satellite et par DSL. En l’absence de toute concurrence actuelle ou potentielle entre les différents câblo-opérateurs qui opèrent au Luxembourg, le Conseil considère ensuite que le marché pertinent d’un point de vue géographique est restreint à la partie du territoire desservie par le réseau câblé de l’entreprise concernée. Sur ce marché, cette entreprise occupe une position dominante, en raison de sa forte part de marché (entre 70% et 80%) et des barrières financières et techniques qui rendent difficile l’entrée de nouveaux concurrents.

Dans un deuxième temps, le Conseil examine les différents comportements reprochés à l’entreprise. Concernant la question de la facturation injustifiée, le Conseil retient que l’entreprise n’a pas fourni d’éléments qui établissent l’existence de frais réels qui peuvent justifier la facturation de ces frais d’abonnement. L’entreprise a partant enfreint le droit de la concurrence en exploitant directement les consommateurs.

Concernant le reproche de vente liée, le Conseil distingue entre d’une part la vente liée entre l’abonnement et le décodeur (set top box) et d’autre part la vente liée entre différentes fonctions intégrées dans le décodeur. Sur le premier aspect, le Conseil constate que l’entreprise oblige effectivement ses abonnés à acheter les appareils qu’elle commercialise elle-même, alors qu’il est techniquement et commercialement possible d’en utiliser d’autres. L’entreprise viole ainsi le droit de la concurrence en écartant du marché certains fabricants de décodeurs et en limitant de façon injustifiée les possibilités de choix des consommateurs.

Sur le deuxième aspect, le Conseil constate de même que l’entreprise ne commercialise librement que des modèles de décodeur dans lesquels sont intégrés certaines fonctions dont les abonnés ne sont pas nécessairement demandeurs (tels que le guide des programmes, la Video on demand et l’accès à Internet), alors qu’elle dispose d’un modèle dans lequel ces fonctions ne sont pas intégrées. L’entreprise viole ainsi le droit de la concurrence en limitant le choix des consommateurs et en les obligeant à financer l’acquisition de fonctionnalités qu’ils ne veulent pas utiliser.

Pour apporter un remède aux problèmes constatés, le Conseil ordonne à l’entreprise d’y mettre fin et de modifier ses pratiques commerciales, notamment en supprimant la facturation des frais d’abonnement injustifiées, en permettant aux abonnés de se procurer un décodeur ailleurs que chez elle et en offrant à la commercialisation tous ses modèles de décodeurs. L’entreprise doit informer le Conseil de la concurrence de la réalisation des mesures correctives qui lui sont imposées.