Marc Saluzzi, président de l’Alfi (Photo : Julien Becker / archives)

Marc Saluzzi, président de l’Alfi (Photo : Julien Becker / archives)

L’ALFI, l’Association luxembourgeoise des fonds d’investissement, rejette la «Proposition de la Commission Européenne pour une Directive du Conseil mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la taxe sur les transactions financières » publiée le 14 février 2013.

L’ALFI estime que la taxe sur les transactions financières (TTF), qui s’imposera finalement à tous les Etats Membres qu’ils aient opté ou pas pour cette taxe, n’atteindra pas ces principaux objectifs.

En effet, par le biais de cette taxe, la Commission entend « faire en sorte que les établissements financiers contribuent de manière équitable et substantielle à la couverture du coût de la récente crise ».

Première erreur de conception, selon l’ALFI.

Comme démontré par les calculs d’EFAMA, l’association européenne des fonds d’investissement, la taxe ne sera pas en fin de compte payée par les institutions financières, mais par les épargnants et investisseurs qui souscrivent des parts ou actions dans des fonds d’investissement européens. La taxe risque ainsi d’entraver l’accès des petits épargnants européens à des produits d’épargne de qualité et gérés de manière professionnelle. En définitive, toute l’épargne à long-terme des ressortissants de l’Union européenne, dont les fonds de pension, seront impactés de manière très négative. Pour cette raison, selon Marc Saluzzi, Président de l’ALFI, « les fonds d’investissement, n’ayant ni causé, ni exacerbé la crise, n’ont même pas lieu d’être inclus dans le périmètre d’application de la taxe sur les transactions financières ».

Toujours selon le texte proposé par la Commission, la TTF est supposée « mettre en place les mesures appropriées pour décourager les transactions qui n’améliorent pas l’efficience des marchés financiers » ou, dans d’autres termes, éradiquer la spéculation.

Deuxième erreur de conception ! prétend l’ALFI.

Les fonds monétaires par exemple, qui représentent au 31 décembre 2012 près de 16% des encours de l’industrie européenne de la gestion des fonds d’investissement, ou EUR 1050 milliards, ne correspondent pas du tout aux instruments financiers spéculatifs qu’une TTF est censée circonscrire. Au contraire, les actifs des fonds monétaires sont investis dans des titres à risque modéré, tels que les bons de trésor ou les obligations à courte échéance. C’est pour cette raison qu’ils représentent un produit d’épargne très courant, aussi bien pour une clientèle institutionnelle que de détail. De manière plus générale, la TTF risque de nuire aux fonds d’investissement en actions, obligations ou mixtes et aurait ainsi un effet dévastateur sur le financement à long terme de l’économie européenne.

La Commission ainsi que les 11 pays engagés dans la voie de la coopération renforcée imaginent pourtant recouvrer des dizaines de milliards d’Euro grâce à cette taxe.

Il s’agit là d’une troisième erreur de conception, selon l’ALFI.

La TTF ne permettra pas de récolter les recettes fiscales escomptées. L’introduction, dans le passé, de taxes similaires en Suède ou en en Australie l’ont démontré : la taxe sera contournée et toute activité dans le champ d’application se déplacera, ce qui entraînera ainsi une disparition de la base taxable. Pour reprendre l’exemple des fonds monétaires : ceux-ci sont contraints à investir et désinvestir de manière continue dans l’intérêt de l’investisseur. Ils seront donc taxés continuellement et ne seront plus capables de générer un rendement positif. Ils disparaîtront aussitôt, tout comme l’emploi et l’activité y associés, et avec eux une partie importante des recettes fiscales escomptées.

Au vu de ces arguments, Marc Saluzzi estime « qu’une TTF, dans sa mouture actuelle, est inacceptable et indésirable. Elle aurait un effet désastreux sur les épargnants, les investisseurs et l’économie en général. »

D’aucuns estiment que le Luxembourg, dans l’intérêt des finances publiques, devrait rejoindre les 11 pays participant au mécanisme de coopération renforcée et à appliquer la taxe. L’ALFI met en garde contre cette erreur d’appréciation supplémentaire : le Luxembourg, en tant que deuxième centre mondial des fonds d’investissement serait l’Etat membre qui contribuerait le plus à la TTF après le Royaume Uni. Du simple fait des montants en jeu, l’introduction de la taxe ferait planer une menace mortelle sur ce pilier indispensable de notre place financière.

En plus de nos fonds monétaires irrémédiablement condamnés par cette taxe, au moins 30 % des fonds d’investissement luxembourgeois sont des fonds investis et distribués hors Europe. Bénéficiant d’une excellente réputation, ils sont entre temps devenus des produits de prédilection en Asie, en Amérique latine et au Moyen Orient. Dans le cas d’une introduction de la TTF au Luxembourg, pourquoi un investisseur asiatique investissant aux Etats-Unis par le biais d’un fonds luxembourgeois serait-il prêt à acquitter cette taxe ?

Ces arguments ne valent d’ailleurs pas que pour le Luxembourg, mais pour l’Europe dans son ensemble.L’application extraterritoriale de la TTF entraînera très certainement une délocalisation massive en dehors de l’Europe des OPCVM orientés vers l’international et marquera la fin du modèle d’exportation d’un produit financier européen de qualité.

L’industrie luxembourgeoise des fonds d’investissement, principale victime de cette taxe, contribue déjà directement ou indirectement EUR 1 milliard au budget de l’Etat luxembourgeois, soit 10%. C’est déjà beaucoup. Laisser travailler et croître cette industrie ne sera que bénéfique dans le contexte économique national. Introduire la TTF à Luxembourg sera au contraire extrêmement contreproductif et détruira l’industrie à terme. 13 000 emplois disparaîtront à Luxembourg et des millions d’investisseurs à travers le monde paieront les pots cassés.