Paperjam.lu

 

Pour l'ALFI, ce projet traduit la volonté du gouvernement belge de gêner la commercialisation des organismes de placement collectif (OPC) étrangers en Belgique et constitue une atteinte à la libre prestation des services et à la libre circulation des capitaux garanties par le Traité CE. L'association luxembourgeoise demande à la Commission d'intervenir auprès du gouvernement belge pour faire abandonner ce projet, et, si celui-ci était néanmoins adopté, d'intenter une action en manquement contre le Royaume de Belgique.

En pratique, l'adoption du projet de loi belge signifierait que tout OPC étranger dont les parts peuvent être placées en Belgique serait soumis à cette taxe en raison du seul fait qu'il a des actionnaires ou porteurs de parts résidant en Belgique, sans qu'il ne soit requis que l'OPC exerce une activité en Belgique. Aux yeux de l'ALFI, ceci constitue une violation du principe de la libre circulation des capitaux à deux égards: d'une part, les résidents en Belgique investissant dans un OPC étranger commercialisé en Belgique subissent un désavantage financier; d'un autre côté, le fait qu'une partie de ses parts serait placée en Belgique imposerait ainsi à un fonds d'investissement étranger des coûts supplémentaires qui en principe seraient à charge de l'ensemble des participants de l'OPC.

Les autres participants de l'OPC seraient par là désavantagés par rapport à la situation où l'OPC n'aurait pas d'actionnaires ou de porteurs de parts en Belgique. Un OPC étranger soucieux de protéger les intérêts de ses participants résidant dans les autres pays ne pourra dès lors plus commercialiser ses parts en Belgique. La création d'une classe de parts réservée aux résidents belges ne constituerait d'ailleurs pas une solution au problème en ce sens qu'elle entraînerait un surcoût excessif pour ces investisseurs et accorderait un avantage commercial certain aux OPC belges.

L'ALFI souligne également que le projet de taxation belge serait très difficile à mettre en oeuvre pratiquement. Elle cite en exemple le fait que les OPC reçoivent souvent des souscriptions globales de banques ou d'entreprises d'investissement et n'ont aucun moyen d'identifier les clients de ces institutions. Le plus souvent ces parts sont détenues en compte auprès de l'établissement qui, pour l'OPC, est le souscripteur. Un système qui taxerait les OPC selon la répartition géographique du lieu de placement serait ainsi illusoire.

Il semble avoir été affirmé par les autorités belges qu'il existerait un régime fiscal similaire au Luxembourg, parce que la loi luxembourgeoise sur les OPC se réfère, dans l'article qui prévoit la perception de la taxe d'abonnement (article 108(1) de la loi du 30 mars 1988 et article 129(1) de la loi du 20 décembre 2002), aux "organismes de placement collectif visés par la présente loi" et que la loi réglemente également l'accès au marché luxembourgeois des OPC étrangers. Toutefois il s'agit d'une interprétation erronée de la loi luxembourgeoise et la taxe n'a jamais été appliquée à un OPC étranger habilité à commercialiser ses parts au Luxembourg. Le Luxembourg ne prélève pas la taxe d'abonnement sur des entités juridiques établies en dehors du Luxembourg sauf dans le cas où une partie de l'activité de cette entité est exercée au Luxembourg par l'intermédiaire d'un établissement stable.

De même la législation luxembourgeoise exonère une entité luxembourgeoise soumise à la taxe d'abonnement dans la mesure où l'activité est exercée en dehors du Luxembourg par un établissement stable. En pratique cette disposition ne s'applique jamais aux OPC, car ceux-ci n'ont aucun besoin opérationnel pour créer un établissement stable en dehors du pays du siège. En conséquence les OPC luxembourgeois sont soumis à la taxe d'abonnement au Luxembourg, alors que les OPC étrangers sont exonérés même en cas de placement de parts au Luxembourg.

Le critère, en apparence neutre, que le même régime fiscal s'appliquerait aux OPC étrangers et aux OPC belges est à rejeter également, la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes disant clairement que « traiter de manière identique des situations différentes » constitue une discrimination. Dans le cas d'espèce, ce traitement identique serait donné par la méconnaissance de la nationalité et du lieu d'établissement de l'OPC étranger, c'est-à-dire de son lien de rattachement avec l'ordre juridique d'un autre Etat membre qui en principe dispose du droit d'imposition.

L'ALFI rappelle dans ce contexte que le Traité CE s'oppose également à toute mesure nationale « qui, même sans discrimination relative à la nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice par des ressortissants communautaires des libertés garanties par le traité » : Si la mesure prévue par le gouvernement belge s'applique à tous les OPC peu importe l'Etat de leur établissement, elle entraîne nécessairement une double imposition des OPC non-belges de nature à gêner les activités des OPC établis à l'étranger et constitue par là pour le moins une mesure indirectement discriminatoire.

Enfin, l'Etat belge ne saurait justifier son projet de taxe par l'absence d'harmonisation des impôts indirects dans la Communauté ou par la nécessité de combattre l'évasion fiscale. De tels arguments ont itérativement été écartés par la jurisprudence de la Cour de Justice selon laquelle l'absence d'une harmonisation des dispositions législatives des Etats membres en matière d'impôt sur les sociétés ne peut pas justifier une différence de traitement.