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Une quatrième entreprise, Brasserie de Luxembourg (filiale d'Interbrew), ne s'est pas vue infliger d'amende, parce qu'elle a dénoncé l'entente à la Commission. Les brasseries sont convenues de garantir les accords d'achat exclusif que chacune d'elles avait conclu avec les clients du secteur horeca luxembourgeois, et elles ont pris des mesures en vue de restreindre la pénétration de ce secteur par des brasseries étrangères. L'entente est restée en vigueur d'octobre 1985 à février 2000.

À l'issue d'une enquête lancée en février 2000, la Commission européenne a établi que quatre brasseries luxembourgeoises ont participé à une entente de partage de marché portant sur le secteur horeca au Luxembourg. Les entreprises concernées sont les suivantes: Brasserie de Luxembourg Mousel-Diekirch SA; SA Brasserie Nationale-Bofferding; Brasserie de Wiltz et Brasserie Battin.

L'entente consistait en une convention signée en 1985 en vertu de laquelle chaque partie convenait de ne pas fournir de bière aux clients horeca (hôtel, restaurants, cafés et grossistes de bière) liés à une autre partie par un accord d'achat exclusif ou «clause de bière». Cette garantie s'étendait à des clauses de brasserie qui étaient invalides ou inopposables en droit, ainsi qu'à des relations de fourniture où les brasseries se bornaient à investir dans un débit de boissons sans conclure de contrat d'achat exclusif. Ainsi, protégeait-elle la clientèle de chaque partie. La garantie des clauses de bière était renforcée par un dispositif de consultation qui obligeait les parties à vérifier s'il existait une clause de bière en faveur de l'un de leurs co-signataires avant d'approvisionner un nouveau client, ainsi que par des pénalités financières en cas de non-respect.

L'accord contenait également des dispositions visant à entraver la pénétration du secteur horeca luxembourgeois par des brasseries étrangères. Il existait tout d'abord un dispositif de défense commune en vertu duquel les parties convenaient de se consulter lorsqu'une brasserie étrangère tentait de négocier un contrat de fourniture avec un débit de boissons qui était lié à l'une d'entre elles. La priorité était alors accordée à l'une des parties pour tâcher de conserver le débit concerné comme client. Si la brasserie désignée arrivait à négocier un nouveau contrat avec le débit en question, elle était obligée de compenser la partie ayant perdu le contrat en lui transférant un débit équivalent. Ensuite, d'autres dispositions permettait d'exclure du cartel toute partie qui coopérait avec une brasserie étrangère ou distribuait sa bière.

L'accord avait été signé pour une durée illimitée et imposait un préavis écrit de douze mois en cas de résiliation. Aucune partie n'a résilié l'accord avant qu'Interbrew, la société mère de Brasserie de Luxembourg Mousel-Diekirch, ne dénonce l'entente à la Commission en février 2000. Interbrew a fait cette révélation dans le cadre de l'enquête de la Commission sur le cartel dans le secteur de la bière en Belgique. La Commission a également recueilli des preuves de la mise en oeuvre de l'accord jusqu'en 1998.

Les amendes

La Commission a infligé les amendes suivantes: SA Brasserie Nationale-Bofferding: 400.000 euros; Brasserie de Wiltz: 24.000 euros; Brasserie Battin: 24.000 euros.

Pour fixer le montant des amendes, la Commission tient compte de la gravité de l'infraction, de sa durée, de toute circonstance aggravante ou atténuante, ainsi que de la coopération éventuelle de l'entreprise concernée à l'enquête. Elle tient également compte de la part détenue par l'entreprise dans le secteur en cause et de sa taille globale. L'amende ne peut excéder 10% du chiffre d'affaires total de l'entreprise.

L'entente en question constituait une forme de répartition du marché et comportait des mesures destinées à entraver le commerce entre le Luxembourg et d'autres États membres. La répartition du marché fait partie des infractions les plus graves aux règles de concurrence de la Communauté. Dans le cas présent, l'entente s'est cependant limitée au secteur horeca luxembourgeois, qui est relativement restreint, et n'a pas été intégralement mise en oeuvre. La Commission a par conséquent considéré qu'il s'agissait d'une infraction grave.

Pour fixer le montant de base de l'amende en fonction de la gravité de l'infraction, la Commission a pris en considération le fait que Bofferding, Wiltz et Battin sont des petites ou moyennes entreprises dont les activités se concentrent essentiellement au Luxembourg et dont le chiffre d'affaires total est limité en conséquence. En revanche, Brasserie de Luxembourg est une filiale du groupe Interbrew, deuxième brasserie mondiale. L'entente a duré plus de 14 ans. Cette circonstance a amené la Commission à doubler le montant infligé au titre de la gravité de l'infraction.

La Commission a retenu comme circonstance atténuante qu'une insécurité juridique régnait quant à la validité des clauses de bière au Luxembourg au moment où l'accord a été signé, et que les parties ont pu avoir des doutes quant au caractère infractionnel de certaines de ses dispositions. Elle a considéré que cette circonstance justifiait une réduction des amendes de 20 %.

Brasserie de Luxembourg Mousel-Diekirch a bénéficié d'une exemption totale de l'amende substantielle qui lui aurait été infligée, parce qu'elle a été la première à informer la Commission de l'existence de l'entente, qu'elle a communiqué des éléments de preuve déterminants et qu'elle a fait preuve d'une coopération totale tout au long de l'enquête.

Destination des amendes

Les entreprises disposent de trois mois pour payer l'amende. Les amendes sont inscrites au budget général de l'Union européenne dès qu'elles acquièrent un caractère définitif. Le budget global de l'Union étant prédéterminé, toute recette imprévue est déduite des contributions des États membres au budget communautaire, ce qui bénéficie, en fin de compte, au contribuable européen.