Xavier Bettel et Pascal Saint-Amans (Photo: Chambre des députés)

Xavier Bettel et Pascal Saint-Amans (Photo: Chambre des députés)

Dans le cadre de la présidence luxembourgeoise du Conseil de l’Union européenne, la Chambre des députés a organisé les 9 et 10 novembre 2015 à Luxembourg une conférence interparlementaire sur la stabilité, la coordination économique et la gouvernance au sein de l’Union européenne qui est prévue par l’article 13 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). La croissance et l’Union économique et monétaire (UEM) ont été au cœur du quatrième panel de la conférence.

Le Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel a souligné que la croissance «n’est pas une fin en soi», mais qu’elle sert à créer de l’emploi et à réduire le chômage. Selon lui, «l’économie et le social vont ensemble». «Si l’économie va bien, la politique sociale va bien. Si l’économie va mal, il va falloir faire des choix», a poursuivi Xavier Bettel. Pour le Premier ministre, la croissance doit être inclusive et ne peut être durable que si elle est sociale.

Quant au Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS ou EFSI), Xavier Bettel a estimé que la politique doit soutenir toute initiative qui permet de relancer l’économie. Il a souligné la nécessité pour un gouvernement d’investir, en mettant en garde contre les répercussions d’une réduction des investissements sur le social. Le Premier ministre s’est félicité de la création du plan d’investissement Juncker qui vise à mobiliser 315 milliards d’euros d’investissements sur trois ans.

«En Europe, on a tendance à être très frileux pour investir en tant que privé si on n’a pas de garantie», a poursuivi Xavier Bettel. Tandis qu’aux États-Unis, un entrepreneur peut échouer et se relancer, il sera «marqué comme un perdant» en Europe, a critiqué le Premier ministre, en saluant les entrepreneurs qui osent prendre un risque et investir et en regrettant qu’il n’y ait pas cette tendance à investir en Europe.

Le Premier ministre est finalement revenu sur la transparence en matière des rescrits fiscaux (rulings), demandée par la Commission européenne. Il a appelé tous les États membres à y participer et a insisté sur la nécessité d’avoir des règles communes, en rappelant que le Luxembourg a supprimé le secret bancaire.

Le déficit d’investissement et la nécessité d’une croissance inclusive

Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales à l’OCDE, a fait état d’un «problème d’investissement» en Europe, notamment de l’investissement public, qui est en partie responsable d’une révision à la baisse par l’OCDE de ses prévisions de la croissance pour la zone euro (1,8% pour 2017, 1,9% pour 2018). La zone euro «va faire mieux» en raison de certains facteurs comme la baisse du prix de pétrole, mais «elle ne fait pas assez bien», a résumé Pascal Saint-Amans.

Le responsable de l’OCDE a ensuite insisté sur la nécessité d’une croissance inclusive. «La croissance seule qui n’aurait pas d’impact sur la réduction des inégalités serait une contre-performance sociale et économique, car les inégalités minent les potentiels de croissance», a-t-il affirmé. Il a encore souligné la nécessité de réformes structurelles en matière d’éducation et de redistribution, puisque «nous avons atteint des niveaux d’inégalités qui nécessitent une action ferme et immédiate». Le rôle de l’OCDE au niveau du G20 consiste à identifier dans les stratégies nationales les mesures susceptibles à réduire les inégalités et à favoriser une croissance plus inclusive.

Pascal Saint-Amans est ensuite revenu sur l’initiative Beps (de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices) de l’OCDE, adopté par les ministres des Finances du G20 le 8 octobre 2015. «Si on veut assurer un environnement absolument sain, il faut mettre fin à une compétition fiscale dommageable, qui était acceptée par tous, mais pour laquelle il n’y a plus de tolérance», a déclaré le responsable de l’OCDE. «Les règles du jeu, le ‘level playing field’, doivent être les mêmes pour tous», a-t-il insisté.

Pascal Saint-Amans a souligné le rôle clé de l’Europe pour favoriser la numérisation de l’économie et des systèmes fiscaux des pays et pour «éviter qu’elle ne devienne une zone de non-droit, en particulier de non-droit fiscal». L’expert a jugé que les entreprises multinationales doivent payer leur part de l’impôt sur les sociétés. «On ne peut avoir des impôts sur les personnes physiques, si on n’a pas d’impôt sur les sociétés», a-t-il ajouté.

Le responsable de l’OCDE a finalement remercié le Luxembourg d’avoir soutenu avec détermination le projet Beps. «Sans votre soutien, ce projet n’aurait pas été possible», a affirmé Pascal Saint-Amans. Quant à la lutte contre le secret bancaire et l’échange de renseignements, il s’est félicité des «progrès majeurs» du Luxembourg, ce qui a été «reconnu par l’ensemble de la communauté internationale».

Des projets approuvés par la BEI qui devraient générer des investissements à hauteur de 37 milliards d’euros

Ambroise Fayolle, vice-président de la BEI et responsable du Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), a présenté un premier bilan des projets approuvés par la BEI dans le cadre du FEIS.

Il s’agit d’un côté de projets dans le domaine des infrastructures et de l’innovation (gérés par la Banque européenne d’investissement), de l’autre côté de projets concernant les PME (gérés par la BEI et le Fonds européen d’investissement).

Quant au premier volet, Ambroise Fayolle a évoqué 27 opérations qui «ont les qualités d’avoir une garantie européenne». Ces opérations viennent de 13 pays, couvrent huit secteurs et devraient générer des investissements de 20 milliards d’euros (pour un montant en prêts de 4 milliards d’euros). Quant aux PME, les projets approuvés pour un prêt de 2 milliards d’euros devraient générer 17 milliards d’investissement, a expliqué le responsable du FEIS.

Outi Slotboom, chef d’unité, Direction politique, stratégie et coordination de la DG ECFIN à la Commission européenne, a constaté que l’Europe «sort de la crise». Selon elle, l’UE se trouve dans une position de départ pour approfondir l’UEM. La responsable européenne s’est félicitée de «premiers signes» d’une relance de la croissance. «Si aujourd’hui, un État membre a des problèmes, plus personne ne met en question la stabilité de la zone euro», a-t-elle dit.