Les établissements de crédit doivent informer sur les actifs de leurs clients décédés à des fins de perception de l'impôt des successions.  (Photo: Olivier Minaire)

Les établissements de crédit doivent informer sur les actifs de leurs clients décédés à des fins de perception de l'impôt des successions.  (Photo: Olivier Minaire)

L’enjeu: un institut de crédit peut-il invoquer, envers les autorités fiscales de son pays, le secret bancaire applicable à une de ses succursales établie dans un autre État membre?

La Sparkasse Allgäu (caisse d’épargne d’Allgäu) est un institut de crédit allemand qui possède de nombreuses succursales, dont notamment une en Autriche. Lors du décès d’une personne titulaire d’un compte dans son établissement, la Sparkasse Allgäu n’a pas déclaré aux autorités fiscales allemandes en charge des droits de succession les actifs et créances que cette personne détenait dans la succursale autrichienne. La Sparkasse Allgäu estime qu’elle n’avait pas à fournir cette information en vertu de la liberté d’établissement: en effet, l’Autriche ne connaît pas d’obligation de déclaration comparable à celle requise en Allemagne et les instituts de crédit situés en Autriche (comme notamment la succursale de la Sparkasse allemande) sont soumis à un secret bancaire protégé par des sanctions pénales. La juridiction suprême allemande en matière de contentieux fiscal (Bundesfinanzhof) demande à la Cour de justice des éclaircissements à ce sujet.

Dans ses conclusions de ce jour, l’avocat général Maciej Szpunar propose à la Cour de répondre que la liberté d’établissement ne s’oppose pas à la fourniture de l’information requise par les autorités allemandes, sous réserve que l’obligation de fournir une telle information n’aille pas au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour garantir l’efficacité des contrôles fiscaux.

Dans un premier temps, l’avocat général estime que la réglementation allemande constitue une restriction à la liberté d’établissement, car elle impose aux établissements de crédit allemands exerçant des activités dans un autre État membre (Autriche) des obligations supplémentaires qui ne résultent pas de la législation de cet État (d’autant plus que l’obligation de fournir les informations ne s’applique, selon le droit allemand, qu’aux succursales et non aux filiales). Il s’ensuit que la réglementation allemande peut empêcher l’exercice d’activités transfrontalières sous la forme d’une succursale et, de ce fait, rendre l’exercice de la liberté d’établissement non rentable économiquement.

L’avocat général poursuit en indiquant que cette restriction à la liberté d’établissement semble justifiée, étant donné que l’obligation d’information imposée aux établissements de crédit allemands répond à la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux: les informations concernées permettent ainsi aux autorités fiscales de vérifier les données qui leur sont fournies (ou qui ne leur ont pas été fournies) par les contribuables dans les déclarations fiscales. En outre, l’avocat général estime que la réglementation allemande ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire, étant donné que, d’une part, les autorités fiscales ne peuvent pas obtenir ces informations de manière aussi fiable et complète auprès d’autres sources et que, d’autre part, les informations demandées ne concernent que des clients résidant en Allemagne.

En résumé, l’avocat général propose à la Cour de répondre qu’un institut de crédit ne peut pas opposer le secret bancaire applicable à une de ses succursales établie dans un autre État membre, dès lors que les informations à fournir par cet institut servent à garantir l’efficacité des contrôles fiscaux.