François Biltgen, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, confirme avec fermeté la position du Luxembourg. (Photo : Etienne Delorme / archives)

François Biltgen, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, confirme avec fermeté la position du Luxembourg. (Photo : Etienne Delorme / archives)

Ce lundi 27 février 2012, la Commission européenne a notifié au Grand-Duché de Luxembourg un « avis motivé » dans le dossier des aides financières de l’État pour études supérieures, dossier dans lequel la Commission européenne soutient qu’il y aurait discrimination indirecte fondée sur une condition de résidence, ce qui contreviendrait au principe de la libre circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne. Cet « avis motivé » fait suite à la « mise en demeure » que la Commission européenne avait signifiée au Grand-Duché le 6 avril 2011 et à laquelle le Luxembourg a répondu le 26 mai 2011. Le Luxembourg a désormais deux mois pour donner suite au courrier de la Commission européenne, avant que cette dernière ne décide, le cas échéant, d’introduire un recours en manquement devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Par ailleurs, le Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg vient de saisir cette même Cour de justice de l’Union européenne d’une demande de décision préjudicielle dans les recours intentés par des travailleurs frontaliers dans le contexte de l’aide financière de l’État pour études supérieures. La question de savoir si la législation luxembourgeoise en matière d’aides financières de l’État pour études supérieures respecte le droit européen sera donc de toute façon soumise à l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne.

Sans préjudice quant à la réponse formelle et circonstanciée que le gouvernement fera parvenir à la Commission dans les délais impartis, François Biltgen, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, confirme avec fermeté la position du Luxembourg. Les aides financières de l’État pour études supérieures sont une mesure de politique nationale en matière d’enseignement supérieur, mesure destinée, d’une part à conforter une politique d’enseignement supérieur basée essentiellement sur la mobilité et la formation des étudiants à l’étranger, et d’autre part à augmenter à 40 % d’ici 2020 le taux de résidents diplômés de l’enseignement supérieur, et ce conformément à l’Agenda 2020 de la Commission européenne.

Pour le ministre, la politique luxembourgeoise en matière d’aides financières de l’État pour études supérieures est une politique en faveur du citoyen européen pour que celui-ci puisse exercer son droit à l’éducation de façon autonome et conformément aux principes du Processus de Bologne. Pour les autorités luxembourgeoises l’aide financière de l’État pour études supérieures est un droit personnel pour l’étudiant destiné à l’émanciper des contraintes financières et sociales de sa famille et de lui conférer une garantie d’autonomie dans le choix de son avenir. Or, la Commission européenne, de par sa position, considère l’étudiant, quelque soit son âge, comme un « enfant » de travailleur ; ce principe constitue une infantilisation de l’étudiant majeur.

Le ministre rappelle qu’en vertu des traités qui régissent le fonctionnement de l’Union européenne, les politiques ayant trait à l’enseignement en général et à l’enseignement supérieur en particulier, sont essentiellement de la compétence des États membres. D’ailleurs, tout comme le Luxembourg, la grande majorité des États membres lient l’attribution d’une aide financière pour études supérieures à la résidence du requérant sur leur territoire, de sorte qu’une mise en cause de la législation luxembourgeoise par la Commission européenne devrait entraîner également la mise en cause des législations d’autres États membres. La clause de résidence luxembourgeoise, qui existait bien avant la modification de la loi en 2010, n’a d’ailleurs jamais auparavant été mise en cause par la Commission.

Quant aux conclusions présentées le 16 février dernier par l’avocat général Mme Eléonor Sharpston dans l’affaire qui oppose la Commission européenne aux Pays-Bas, soutenus dans ce dossier par l’Allemagne et la Belgique entre autres, François Biltgen précise que celle-ci ne s’est pas opposée en principe à une clause de résidence mais a conclu que « bien que cette disposition puisse, en principe, être justifiée sous l’angle de son objectif social, les Pays-Bas n’ont pas démontré que la condition de résidence est un moyen approprié et proportionné d’atteindre cet objectif » (Voir à ce sujet le communiqué de presse de la Cour de justice européenne du 16 février 2012). Ces conclusions n’ébranlent donc nullement la position luxembourgeoise. En effet, au vu des différences notoires qui existent entre les systèmes d’aides financières néerlandaise et luxembourgeoise, il est prématuré, voire irréaliste de vouloir en tirer des conclusions pour le dossier luxembourgeois.

L’aide financière luxembourgeoise pour études supérieures mise sur la portabilité des bourses et des prêts et promeut ainsi la mobilité traditionnelle des étudiants luxembourgeois. La procédure d’infraction lancée par la Commission européenne, et surtout l’argumentaire de la Commission, portent atteinte à ce principe historique et fondamental de portabilité et donc de mobilité de l’étudiant. Une attribution des aides financières également aux étudiants non résidents serait, conformément aux conclusions de l’avocat général dans l’affaire citée ci-dessus, « une charge déraisonnable susceptible d’avoir des conséquences sur le niveau global de l’aide octroyée ». Elle serait par ailleurs difficilement applicable sans générer p.ex. des discriminations à rebours et devra donc aboutir à une abrogation de la législation. Aucune autre solution praticable pour faire perdurer la politique traditionnelle du Luxembourg n’est proposée par la Commission.

François Biltgen rappelle dans ce contexte que, contrairement à ce qui se passe au Luxembourg, les aides financières de la plupart des autres Etats membres ne peuvent être exportées de façon générale dans un autre Etat membre. Il rappelle encore que, du fait de la compétence essentiellement nationale des États membres pour l’enseignement supérieur, des obstacles d’accès directs et indirects continuent à exister dans d’autres États membres à l’égard des étudiants non résidents ou non nationaux.

Voilà pourquoi le ministre insiste pour que les aides financières pour études supérieures soient considérées, non pas comme un élément de politique sociale, mais comme un élément de la politique de l’enseignement supérieur. Il plaide en faveur d’un espace européen de l’enseignement supérieur sans obstacles dans lequel chaque État membre allouerait à ses résidents des aides financières portables et dans lequel les restrictions d’accès aux universités en raison de la nationalité des étudiants seraient abolies. Le ministre soutient que c’est uniquement dans un tel cadre que les clauses de résidence pratiquées presque universellement pourraient être rediscutées.