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Après une année 2000 caractérisée par une croissance exceptionnelle, l'économie luxembourgeoise, dont l'évolution a encore été assez favorable au premier semestre 2001, ne sera pas épargnée par la stagnation, voire le recul de l'activité au 3e et au 4e trimestre 2001 dans plusieurs zones économiques du monde.

Un ralentissement plus prononcé, voire une récession économique, pourraient avoir des répercussions sur la réalisation prévisible du budget proposé, qui a été établi en juillet, lorsque les indicateurs économiques étaient encore satisfaisants. Dans ce cas, le Gouvernement devra effectuer, à la fin de l'année, les ajustements qui s'imposent par la voie d'amendements budgétaires.

L'évolution économique de l'année 2002 dépendra en définitive du moment et de la vigueur de la reprise économique, qui devra, semble-t-il, à nouveau provenir des Etats-Unis. Autant d'incertitudes et de points d'interrogation qui rendent difficile une appréciation des perspectives économiques sur lesquelles reposent les chiffres budgétaires pour l'année 2002, mais qui soulignent l'importance d'une vigilance accrue, d'une réactivité élevée et d'une approche proactive de la part des autorités publiques, visant à créer des fondements solides aux actions politiques futures.

Les traits essentiels de la politique budgétaire

Le projet de budget de l'Etat pour l'exercice 2002 présente un total des recettes de € 5.977,40 millions et des dépenses totales de € 5.968,18 millions. Il en résulte un excédent budgétaire symbolique de € 9,21 millions. Les dépenses totales augmentent de 9,6%, c'est-à-dire de € 522,77 millions, par rapport au budget définitif de 2001, alors que l'accroissement des recettes s'élève à 9,74%, c'est-à-dire à € 530,69 millions.

Le projet de budget pour l'exercice 2002 se caractérise notamment par la deuxième étape de la diminution de l'imposition des agents économiques. Celle-ci prévoit la poursuite de la baisse entamée en 2001 de la fiscalité des personnes physiques, ainsi qu'une réduction de la charge fiscale des collectivités. L'allégement en découlant de la charge fiscale devrait s'élever à € 590 millions pour l'année d'imposition 2002 par rapport à l'année 2001.

Malgré ces moins-values de recettes fiscales, le projet de budget se présente à nouveau en équilibre et en conformité avec les prescriptions du pacte de stabilité de l'Union européenne, même si la capacité de financement du secteur public exprimé en pourcentage du PIB diminue entre 2000 et 2001 de 5,3% à 3,6%. Cette tendance à la baisse de l'excédent de financement des administrations publiques devrait se poursuivre en 2002, pour atteindre 3,0% du PIB. Les auteurs du projet de budget expliquent ce recul par le ralentissement de l'économie et par la baisse de la ponction fiscale.

A l'instar des exercices budgétaires précédents, le projet du budget pour l'an 2002 ne prévoit pas d'emprunt dans l'intérêt du financement des dépenses de l'Etat. Le Gouvernement ne procédera pas non plus à l'émission d'emprunts nouveaux en 2002 pour le financement des dépenses du Fonds des routes.

La dette publique, exprimée en % du PIB, tombe de 5,3% en 2000 à 5,0% en 2001, tendance qui devrait se poursuivre du fait qu'aucun emprunt nouveau n'est prévu pour l'exercice 2002.

La situation favorable des finances publiques luxembourgeoises permet des dépenses d'investissements élevées, qui sont nécessaires pour adapter et moderniser constamment les infrastructures publiques, en vue de créer les bases d'une croissance économique et démographique soutenable à long terme.

Moment propice pour la réforme fiscale

La Chambre de Commerce accueille favorablement la plupart des mesures d'allégements fiscaux en faveur des ménages et des entreprises. Le moment est propice pour l'introduction de ces mesures. En effet, la réduction de la ponction fiscale devrait avoir un effet stimulateur pour les agents économiques, même si toute redynamisation fiscale au sein de l'économie luxembourgeoise est caractérisée par un certain effet d'éviction du fait que la progression de la demande interne va engendrer une hausse des importations. Toujours est-il que cette réforme fiscale pourra avoir un véritable effet dynamique sur la demande de toute la Grande Région, ce qui confirmera le rôle du Grand-Duché en tant que locomotive et en tant que centre d'attraction.

Les mesures en faveur des collectivités

Les entreprises vont bénéficier de la baisse fiscale indépendamment de leur forme juridique. Ainsi, les entreprises exploitées à titre individuel et les sociétés de personnes vont bénéficier des adaptations tarifaires de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, alors que les collectivités vont bénéficier d'une réduction du taux de l'impôt sur le revenu des collectivités. Par ailleurs, toutes les entreprises passibles de l'impôt commercial communal, quel que soit leur statut juridique, vont également profiter de la réduction proposée du taux d'assiette de l'impôt commercial communal, qui sera donc maintenu, contrairement aux plans initiaux du Gouvernement.

- Le Gouvernement propose de diminuer le taux de l'impôt sur le revenu des collectivités (IRC) de 30% actuellement à 22%, tout en supprimant la déductibilité de l'impôt commercial communal (ICC) de la base d'imposition de l'impôt sur le revenu des collectivités.

La Chambre de Commerce approuve cette baisse de l'IRC qui n'est pas accompagnée d'un élargissement concomitant de la base imposable. La réduction s'est imposée afin de maintenir et d'afficher un taux compétitif au niveau international, apte à renforcer la compétitivité des entreprises luxembourgeoises et à consolider la position du Luxembourg comme lieu d'extension d'activités existantes et lieu de localisation d'activités nouvelles. Cependant, les bienfaits de la réduction du taux de l'IRC sont réduits par le fait que l'ICC ne sera plus déductible ni de sa propre base d'imposition, ni de celle de l'IRC.

Les autorités proposent une réduction du taux de la base d'assiette de 4% à 3% de l'ICC sur le bénéfice d'exploitation. En admettant un taux communal de 250%, à appliquer au produit résultant de l'application du taux d'assiette de 3% au bénéfice d'exploitation et du fait que l'ICC ne sera plus déductible de sa propre base d'imposition au niveau des collectivités, la charge de l'ICC passera pour les collectivités de 9,09% actuellement à 7,5% après l'entrée en vigueur de la réforme.

La Chambre de Commerce prend note que le taux d'imposition effectif, càd. l'IRC de 22% et l'IRC de 7,5%, passera de ce fait à 29,5%, d'un niveau actuel de quelque 36,36%. La charge fiscale globale, incluant l'impôt de solidarité, passera ainsi de 37,45% actuellement à 30,38% après la réforme projetée.

La baisse de la charge fiscale en faveur des collectivités devrait se traduire par un allégement de la charge fiscale des collectivités de quelque € 335 millions pour l'année d'imposition 2002 par rapport à l'année d'imposition 2001. La majeure partie est à attribuer à la baisse des taux de l'IRC (€ 247,89 millions) et de l'ICC (€ 86,76 millions).

Finalement, la Chambre de Commerce aurait souhaité que la réforme fiscale conduise à un taux d'imposition global se situant en dessous de 30%, ce qui est important d'un point de vue psychologique pour les investisseurs. Un moyen pour y arriver serait par exemple de baisser l'impôt de solidarité de 4% actuellement à 2%. En cas de besoin, le déchet fiscal (s'élevant au titre du projet de budget 2002 à € 22,5 millions) découlant de cet abaissement pour le Fonds pour l'emploi pourrait être compensé par une alimentation supplémentaire du Fonds par les plus-values de recettes.

Un autre moyen pour arriver à un taux global inférieur à 30% serait un effort plus prononcé des autorités communales. Même si un effort supplémentaire pourrait entraîner à court terme des sacrifices au niveau des budgets des collectivités locales et des finances communales en général, l'effet stimulateur sur le niveau de l'activité économique engendrerait à terme des recettes fiscales supplémentaires, permettant aux communes de faire face aux besoins accrus en matière d'infrastructures et de services à une population croissante.

La réforme fiscale telle que proposée conduit certainement à une amélioration de la situation compétitive des entreprises luxembourgeoises et la Chambre de Commerce l'approuve expressément. Les autorités gouvernementales doivent néanmoins surveiller constamment les évolutions des dispositions fiscales au niveau international et garder une marge de manoeuvre budgétaire suffisante pour réagir rapidement afin de prévenir le risque de perte de compétitivité de l'économie grand-ducale.

- Dans le cadre des mesures horizontales et de droit commun d'incitation à l'investissement, la bonification d'impôt à l'investissement devient accessible à certains investissements intangibles ou immatériels. D'autres modifications ponctuelles sont apportées à cette mesure, notamment une clarification de la notion de premier établissement.

La Chambre de Commerce approuve ces améliorations. Elle rappelle que le régime des bonifications d'impôt pour investissement prévu par l'article 152bis LIR constitue un soutien efficace à l'investissement opéré par les entreprises tous secteurs économiques confondus.

Elle regrette d'autant plus que l'extension de l'accessibilité de la bonification aux investissements intangibles ne soit trop restrictive. La mesure est en effet réservée aux brevets et logiciels, qui sont directement intégrés dans le processus de production ou de distribution d'une entreprise, et qui, au sein des prestataires de services (banques, assurances), sont directement affectés à l'activité proprement dite de la prestation de services.

Pour être efficace, l'accessibilité de la bonification devra être étendue à la recherche-développement. Par ailleurs, l'extension doit permettre au secteur des services en général et au secteur financier en particulier de promouvoir le développement de nouveaux produits et créneaux d'activités porteurs (cf. commerce électronique, nouvelles technologies d'information et de communication, ...).

De même, la Chambre de Commerce ne peut pas approuver la diminution de 30% des taux de bonification d'impôt pour investissement qui est justifiée par les auteurs du projet de réforme fiscale par la non-réalisation du partage de l'impact de la bonification d'impôt entre les communes et l'Etat.

Ainsi, le taux de la bonification d'impôt pour investissement complémentaire passe de 12% à 8,4%, et les taux de la bonification d'impôt globale sont réduits de 8%, 6%, 4% et 2% à respectivement 5,6%, 4,2%, 2,8% et 1,4%. Cette baisse des taux est une mesure anti-économique, qui diminue la propension des entreprises à investir et qui les incite plutôt à distribuer leurs bénéfices. Ceci est inacceptable aux yeux de la Chambre de Commerce, alors que le maintien à un niveau élevé des investissements est une condition nécessaire pour mettre en oeuvre une croissance et un développement soutenu à long terme.

- En matière de l'impôt sur la fortune, les autorités proposent de remplacer la mesure d'imputation de l'impôt sur la fortune sur l'impôt sur le revenu des collectivités, visée à l'article 174bis LIR actuel par un mécanisme similaire, mais plus favorable réduisant la charge de l'impôt sur la fortune.

La Chambre de Commerce reste d'avis qu'à terme, il faut viser l'abolition pure et simple de l'impôt sur la fortune pesant sur les entreprises. Elle est d'avis que les bénéfices en matière de simplification administrative et d'attractivité du site d'investissement luxembourgeois compenseront largement le déchet budgétaire afférent, qui par ailleurs va en s'amenuisant.

- Au niveau des impôts indirects, le taux actuel de 0,06% de la taxe d'abonnement annuelle est ramené à 0,05%. La Chambre de Commerce salue cette proposition, qui devrait contribuer au maintien de la compétitivité des fonds d'investissement, secteur important de notre économie. L'objectif, à terme, devra être l'abolition de cette taxe que le Luxembourg est un des seuls pays à connaître et qui constitue un frein certain au développement de l'industrie des OPC. L'abolition progressive pourrait être contrebalancée par un nouveau mécanisme, qui reste à définir.

Les mesures en faveur des personnes physiques

A côté du nouveau système en place pour l'année fiscale 2001, le Gouvernement propose un nouveau tarif applicable à partir du 1er janvier 2002 qui est plus favorable pour les contribuables que celui initialement prévu. Ainsi, le taux d'imposition minimal est de 8%, et non pas de 10%, alors que le taux marginal maximal est maintenu à 38%, plus 2,5% au titre de l'impôt de solidarité. La Chambre de Commerce salue par ailleurs que la conversion en euro se fait en faveur du contribuable.

La Chambre de Commerce maintient sa demande pour l'introduction d'un abattement forfaitaire pour spécialistes étrangers, même si la baisse du taux maximal marginal à 38% est un pas important pour atteindre l'objectif poursuivi par un tel régime spécifique. Vu le manque de spécialistes étrangers hautement qualifiés au Luxembourg, il est nécessaire de créer un environnement fiscal attrayant pour cette catégorie de travailleurs et de se référer à ce titre aux exemples appliqués à l'étranger.

La Chambre de Commerce note qu'après l'analyse critique des abattements annoncée par le Gouvernement avant la réforme fiscale, ceux-ci seront tous maintenus, sauf un, du fait de leur caractère d'orientation important et nécessaire. Tel n'est pas le cas, selon les autorités gouvernementales, pour l'abattement pour les investissements mobiliers (cf. article 129c LIR, loi Rau) dont elles proposent une élimination progressive sur plusieurs années (phasing out) et concertée avec les différents acteurs économiques concernés.

La Chambre de Commerce aurait souhaité le maintien à terme de cette mesure et une adaptation à la réglementation communautaire de façon échelonnée et progressive, afin d'encourager à travers cet instrument modifié l'épargne mobilière et le capital à risque. Ainsi, l'échange pendant une période de transition des actions investies en SICAVs loi Rau contre des actions provenant de nouvelles augmentations de capital, à émettre par des sociétés de capitaux résidentes pleinement imposables contribuerait à maintenir la Bourse de Luxembourg intéressante pour les épargnants et les entreprises du Grand-Duché.

La Chambre de Commerce invite le Gouvernement à réfléchir au traitement fiscal des revenus de l'épargne de toute sorte, aussi bien quant à l'imposition de ces revenus que quant à la structure des abattements en fonction de différents objectifs, y compris à l'institution d'un abattement d'épargne plus global.

Une discussion sur les moyens de favoriser une épargne sous forme d'actions est nécessaire au regard des mesures prises dans d'autres pays de l'Union européenne. Le report d'une année du «phasing out» de la loi Rau laisserait plus de temps à tous les acteurs économiques du pays pour participer à cette discussion.

La Chambre de Commerce peut souscrire au réagencement de la prévoyance-vieillesse qui pourrait compenser en partie le retrait progressif de l'abattement à l'investissement mobilier. La Chambre de Commerce espère que les nouvelles dispositions vont contribuer à promouvoir définitivement l'initiative privée de la prévoyance-vieillesse et de renforcer le troisième pilier de l'assurance pension, à côté du premier pilier (régime légal de l'assurance pension) et du deuxième pilier (régimes professionnels de retraite patronale).

Les dépenses de l'Etat

- La Chambre de Commerce note avec satisfaction que les dépenses d'investissements de l'Etat continuent à évoluer favorablement. Au projet de budget 2002, le total des investissements prévus s'élève à € 725,26 millions, contre € 555,98 millions au budget voté pour l'exercice 2001. Ce montant représente 12,2% du total des dépenses de l'Etat ainsi que 3,0% du PIB (version SEC). 72% de ces dépenses d'investissements (ou € 522,32 millions) sont effectués par l'intermédiaire des principaux fonds d'investissements.

En vue de permettre aux entreprises luxembourgeoises d'organiser judicieusement leurs travaux et afin d'éviter en conséquence une surchauffe de l'économie par une stimulation trop importante de la demande provenant de l'investissement public, les autorités doivent veiller à répartir les projets dans le temps et selon leur degré de priorité.

- Les transferts de l'Etat aux entreprises ne présentent pas de nouveaux accents, si ce n'est que la forte progression des dépenses en faveur de la recherche-développement.

Le projet de budget de l'Etat pour l'exercice 2002 prévoit globalement des dépenses en faveur de la recherche publique de l'ordre de € 35 millions, ce qui correspond à une augmentation de 33,4% par rapport au budget voté de l'exercice 2001. Malgré cette hausse considérable des dépenses budgétaires affectées à la recherche publique, celles-ci ne représentent que 0,58% du total des dépenses publiques et seulement 0,15% du PIB.

Si le Gouvernement veut atteindre l'objectif fixé d'un niveau d'investissement dans la R&D publique équivalent à 0,3% du PIB en 2004, les fonds consacrés à la recherche doivent continuer à progresser à un rythme élevé au cours des prochains exercices, tout en rendant parallèlement l'environnement économique plus propice au développement de programmes de R&D au niveau des entreprises par des actions ciblées.

En ce qui concerne les transferts de capitaux aux entreprises, un montant de € 10 millions est prévu au titre de la loi du 22 décembre 2000 ayant pour objet le développement économique de certaines régions du pays. Il s'agit d'un crédit destiné aux subventions en capital à l'investissement et à la création d'emplois. La Chambre de Commerce salue que ce crédit est en augmentation de 15% par rapport à 2001.

- Les transferts de l'Etat à la sécurité sociale sont marquées par l'introduction de charges supplémentaires. Ces transferts ne cessent d'augmenter fortement, au-delà des taux de croissance annuelles des budgets.

Le poste de transferts de revenus le plus important en volume et en progression concerne la participation de l'Etat au financement des allocations familiales au titre de l'article 22 de la loi modifiée du 19 juin 1985 concernant les allocations familiales et portant création de la caisse nationale des prestations familiales (article 12.5.42.007). Les crédits afférents augmentent de 53% entre 2001 et 2002, pour atteindre € 184,3 millions, principalement sous l'effet du relèvement des allocations familiales de € 24,79 par enfant et par mois.

La Chambre de Commerce note que l'allocation d'un forfait d'éducation de l'ordre de 3.000 Luf par mois et par enfant aux mères ne bénéficiant pas d'une pension, également une mesure décidée à la table ronde sur les pensions, est inscrite à un nouvel article 12.0.42.000 avec un montant de € 22,5 millions, en attendant que soient arrêtées définitivement les critères d'attribution de cette nouvelle prestation, qui est censée entrer en vigueur le 1er juillet 2002.

La Chambre de Commerce voudrait à nouveau attirer l'attention du Gouvernement sur le problème des transferts de revenus à la sécurité sociale, qui constituent un véritable détonateur latent des finances publiques. Il est d'autant plus dangereux d'introduire de nouvelles prestations, qui viennent se greffer sur un système déjà très généreux, mais dont le financement est difficilement soutenable à long terme. Il s'agit de mieux cibler les transferts sociaux pour canaliser les moyens financiers aux actions sociales en faveur des personnes nécessiteuses ou poursuivant un objectif déterminé.

- La Chambre de Commerce regrette que le projet de budget 2002, tout comme ses prédécesseurs, ne contienne pas de nouveaux accents pour la mise en oeuvre de la réforme administrative, si ce n'est que l'importante hausse des crédits destinés au Centre Informatique de l'Etat et à l'Institut National d'Administration Publique.

Les fonds d'investissements et les fonds spéciaux: niveau élevé des dépenses

Les fonds d'investissements et les fonds spéciaux constituent un élément important pour l'analyse de la situation financière de l'Etat. Dans ce contexte, une partie très importante des recettes additionnelles de l'exercice 2000 provenant de la bonne évolution de la conjoncture économique a été affectée à l'augmentation des dotations des principaux fonds spéciaux, ce que la Chambre de Commerce approuve.

Ces plus-values se sont établies à un niveau record de € 871,6 millions. Quelque 74% de ces plus-values, c'est-à-dire € 648 millions, ont été transférées aux fonds spéciaux sous forme d'alimentations supplémentaires. Celles-ci ont à nouveau conduit à une contribution positive des fonds spéciaux au solde financier net.

La Chambre de Commerce demande aux autorités gouvernementales de limiter dans la mesure du possible les dépassements des dépenses annuelles des fonds spéciaux, même si l'objectif de la technique des fonds est de permettre une plus grande flexibilité au niveau des recettes et des dépenses. Le fait de calquer les dépassements des dépenses sur les anticipations de réalisation de plus-values de recettes est dangereux au regard des aléas potentiels de la croissance économique du pays, découlant de la vulnérabilité des structures économiques et de l'environnement conjoncturel instable.

Par ailleurs, la Chambre de Commerce note que les exercices ultérieurs des fonds d'investissements représentent encore des engagements substantiels, qui devront être couverts au cours des années budgétaires à venir. Le Fonds d'investissements publics administratifs, le Fonds d'investissements publics scolaires, le Fonds des routes et le Fonds pour la loi de garantie, qui renseignent sur leurs dépenses ultérieures, font état d'engagements à couvrir au cours des prochains exercices d'un montant global considérable de € 4,153 milliards. Les avoirs de tous les fonds spéciaux devraient s'élever, d'après les chiffres du projet de budget, à € 1,574 milliards en fin d'anée 2002.

La croissance économique à long terme, une nécessité vitale

Dans le contexte actuel de ralentissement économique et d'incertitude quant au moment et à l'ampleur de la reprise économique, la Chambre de Commerce voudrait, dans cette quatrième partie, faire un plaidoyer pour la nécessité d'une croissance économique à long terme et exposer quelques réflexions au sujet du cadre à créer pour soutenir une telle croissance.

Sans avoir la prétention d'être exhaustive et dans l'impossibilité d'aborder tous les éléments inhérents à ce sujet vaste et complexe, la Chambre de Commerce entend émettre quelques réflexions en vue d'une première contribution au débat public actuel. Elle se permettra d'approfondir ses réflexions à un stade ultérieur et se propose de participer activement dans des futures discussions à ce sujet au niveau national. L'axe principal de ces réflexions concerne les actions politiques nécessaires et opportunes pour créer les bases et le cadre permettant une croissance économique et démographique continue et soutenable à long terme.

Les enseignements de l'étude du BIT

L'étude «Evaluation actuarielle et financière du régime général d'assurance pension du Grand-Duché de Luxembourg», réalisée par le Bureau International du Travail (BIT), s'est basée sur une simulation de deux scénarios de croissance économique et sur différentes projections démographiques et de l'emploi en découlant.

L'étude du BIT a certainement ignoré de nombreux paramètres et des interrelations entre différentes variables, ce qui est inévitable dans le contexte d'une simulation de scénarios à long terme qui reste toujours une simplification de la réalité. La croissance du PIB réel a été considérée comme résultant uniquement du total multiplicatif de la productivité par heure effectuée, du nombre de personnes pourvues d'un emploi et du nombre d'heures effectuées par personne pourvue d'un emploi, par année.

Or la croissance dépend aussi du progrès technologique, de la recherche et de l'innovation des entreprises, du stock de capital matériel et immatériel, de l'investissement dans ce stock, du système éducatif, etc. Par ailleurs, dans les deux scénarios, le salaire brut par heure travaillée, donc le coût salarial unitaire, est supposé rester constant sur toute la période sous revue, ce qui est peu réaliste. En effet, les entreprises essaient constamment d'améliorer leur compétitivité-coût dans un contexte concurrentiel accru. Dans l'analyse des recommandations dégagées de l'étude BIT par ses auteurs, il faut donc être conscient des faiblesses inhérentes au modèle utilisé et à la méthodologie appliquée pour faire les simulations.

Aux yeux de la Chambre de Commerce, il importe peu de porter une appréciation sur le degré de probabilité que revêtent les simulations adoptés par les experts du BIT quant aux performances futures de l'économie au cours de la période analysée. Il est par contre indispensable de tirer les justes enseignements des tendances lourdes qui sont communes aux deux scénarios. L'étude met en effet en évidence la nécessité d'accumuler d'importants excédents de recettes sous forme de réserves au cours des deux premières décennies de la période d'observation. Celles-ci, à condition d'atteindre les niveaux relatés par les experts, sont seules capables de financer - à législation constante et dans une hypothèse d'une évolution extrêmement favorable du niveau de l'emploi - les charges, qui ne manqueront pas de s'amplifier et de grever lourdement le régime général de l'assurance pension lorsqu'il arrivera à maturité.

Les décisions de la table ronde sur les pensions et la position de la Chambre de Commerce

Contrairement aux recommandations de l'étude du BIT, la table ronde sur les pensions a décidé d'introduire des augmentations généralisées et substantielles des prestations à charge du système d'assurance pension, ce qui augmente sa précarité et ce qui hypothèque davantage son financement à long terme.

Les mesures décidées  ne modifient pas, du moins à court terme, la participation de l'Etat dans le financement de l'assurance pension. Cependant, le surcoût annuel, estimé à € 128,9 millions, grèvera les caisses de pension à l'avenir. Les réserves des caisses de pension seront rapidement épuisées et le financement budgétaire de l'assurance pension et les taux de cotisation devront partant être relevés.

La Chambre de Commerce regrette tout particulièrement que lors des discussions à la table ronde sur les pensions, les conclusions de l'étude du BIT ont été complètement ignorées et que les mesures retenues ne peuvent pas être qualifiées de soutenables à long terme. En effet, au lieu d'adopter des mesures opportunes, bien ciblées et ponctuelles, comme un relèvement sensible des pensions dites de misère, les acteurs politiques et les représentants syndicaux ont retenu, dans une optique purement électorale, une multitude de mesures générales, très coûteuses pour le système et peu efficaces d'un point de vue social.

Les augmentations des prestations dans l'immédiat ne manqueront pas d'avoir pour conséquence de mettre en péril la pérennité du système et son niveau élevé de prestations au détriment des générations futures de pensionnés.

Les implications des mesures décidées sur la croissance

Les décisions retenues à la table ronde sur les pensions engendrent une certaine pression sur les acteurs publics et privés dans le sens qu'une croissance économique continue très forte devra être réalisée, afin d'assurer à long terme la viabilité du système de protection sociale et en particulier le système légal d'assurance pension.

Le taux de croissance de 4%, avancé par l'étude BIT en vue d'assurer l'équilibre du système de l'assurance pension au cours des 50 prochaines années, est une performance élevée d'un point de vue socio-économique, réaliste d'un point de vue statistique, et difficilement imitable d'un point de vue historique, compte tenu des événements chanceux et des hasards de l'histoire qui avaient joué en faveur du développement du Luxembourg, dont les structures économiques restent vulnérables et dépendantes de l'extérieur (que ce soit de la conjoncture internationale ou de la tendance à une harmonisation accrue au niveau européen).

Indépendamment des facteurs sur lesquels les acteurs politiques et économiques n'ont guère d'emprise, les aspects démographiques garderont, comme par le passé, une importance primordiale pour le futur développement économique du Luxembourg.

A l'avenir, les autorités publiques doivent veiller à assurer la disponibilité de main-d'oeuvre, pour éviter une hausse démesurée des salaires et un frein au développement économique du pays. Les facteurs influençant la disponibilité suffisante de main-d'oeuvre à l'avenir, à un taux de croissance donnée, sont principalement:

- la politique d'emploi (cf. augmentation du taux d'emploi au sein de la population active luxembourgeoise, augmentation de l'âge moyen des travailleurs autochtones, augmentation du taux d'emploi féminin ),

- la politique d'immigration et d'intégration des étrangers (cf. nécessité d'une modification de la législation en matière de l'immigration, en vue d'abolir les contradictions actuelles entre l'attribution de permis de séjour et de permis de travail),

- la politique de formation initiale et continue,

- l'évolution socio-économique et démographique dans la Grande Région,

- les mutations dans l'organisation du travail (cf. télétravail, ...),

- les efforts des entreprises en vue d'améliorer constamment la productivité de leur outil de production,

- la recherche publique et privée et l'innovation au sein des entreprises,

- les mutations des structures économiques du pays (cf. niches d'activités nécessitant quantitativement moins de main-d'oeuvre, mais qui est plus spécialisée),

- l'attrait du pays pour convaincre la main-d'oeuvre étrangère à s'installer au Luxembourg.

Toujours est-il qu'à court terme, plusieurs secteurs d'activité sont confrontés à un manque de main-d'oeuvre, principalement qualifiée. Ainsi, la Chambre de Commerce invite les autorités gouvernementales à poursuivre leurs analyses, avec les secteurs concernés, des besoins spécifiques et des opportunités se présentant dans le contexte de l'élargissement de l'Union européenne.

Aux yeux de la Chambre de Commerce, il faut surtout veiller à organiser l'afflux de travailleurs étrangers d'une manière ordonnée et éviter d'instituer des nouveaux «droits acquis» dans le domaine social, qui risqueraient de créer des graves problèmes sociaux et des tensions entre résidents nationaux et non nationaux en cas de ralentissement prononcé de l'économie.

Les facteurs à la base d'une croissance continue: la valorisation des ressources humaines

Indépendamment de la problématique concernant le maintien de l'équilibre de l'assurance pension qui complique considérablement la donne, la Chambre de Commerce estime qu'il faut créer les bases, se donner les moyens et réunir les conditions, afin que notre économie pourra continuer à croître et à se développer. La croissance économique à long terme doit rester le dénominateur commun de toutes les actions politiques futures. Même si la croissance ne se décrète pas, elle est cependant nécessaire pour créer de la richesse, des emplois et de la valeur ajoutée et pour assurer la prospérité et le bien-être de la population et le développement de la société.

La Chambre de Commerce constate que la structure diversifiée actuelle de l'économie luxembourgeoise peut se prêter parfaitement à l'éclosion de nouvelles activités et au développement des activités existantes. Cette structure se caractérise par la prédominance de trois grands centres ou pôles stratégiques, avec au centre le secteur de la finance et des services marchands aux entreprises (place financière, avec tous les secteurs dépendant), à l'est le secteur des télécommunications (opérateur de satellites, nouvelles technologies d'information et de communication), au sud le secteur industriel (sidérurgie, centres de recherche, friches industrielles, Pôle européen de développement).

Dans cette optique, il n'est pas tenu compte de la région nord, qui revêt cependant aussi un intérêt stratégique par la présence d'une multitude de grandes entreprises, de PME et de PMI de tous les secteurs. Par ailleurs, cette région du pays se prête parfaitement au développement des activités touristiques et d'entreprises familiales.

Ces centres stratégiques se sont développés tout au long des dernières années et sont devenus des véritables centres de compétence, autour desquels se