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Les conclusions du « Rentendësch »

Dans leur avis commun, les deux chambres rappellent d'abord leur désapprobation concernant le déroulement des discussions à la table ronde sur les pensions qui se sont distinguées par le fait que les partis politiques et les syndicats présents ont réussi à se dépasser quant aux revendications et demandes d'augmentation des prestations-vieillesse. La Chambre de Commerce et la Chambre des Métiers regrettent que l'accord final du 16 juillet 2001 prévoie des hausses générales de toutes les pensions et l'introduction ou l'augmentation d'autres prestations, qui n'ont aucun lien avec l'assurance pension, ce qui hypothèquera davantage le financement à long terme du système des pensions.

Les augmentations se traduisent notamment par un relèvement des majorations forfaitaires, des majorations forfaitaires spéciales, des majorations proportionnelles, des majorations proportionnelles spéciales et des pensions minima et par l'introduction d'une allocation de fin d'année. Le coût total annuel de ces mesures, à charge des caisses de pension, est estimé par les auteurs du projet de loi à 123,4 millions d'euros au nombre indice 603,15.

La Chambre de Commerce et la Chambre des Métiers sont d'avis que cette charge supplémentaire est démesurée par rapport à la marge de man'uvre dont dispose le système d'assurance pension, et qui a été estimée, sous certaines hypothèses, à 24,79 millions d'euros dans l'étude du BIT. Ainsi, le renchérissement du système atteint presque 10%, alors que les experts du BIT avaient évalué la marge de man'uvre au maximum à 4%.

En ce qui concerne précisément l'étude du BIT, les deux chambres patronales estiment qu'elle a le mérite d'établir des projections et des simulations sur base de différentes prémisses. Les conclusions et recommandations en dégagées sont valables et parfaitement taillées sur la situation luxembourgeoise. Aussi les deux chambres professionnelles regrettent-elles que l'étude n'a pas été considérée, alors qu'elle était justement commanditée pour faire des propositions concrètes pour assurer la viabilité financière à long terme du système actuel. Contrairement aux recommandations de l'étude du BIT, la table ronde sur les pensions, à l'exception des représentants des employeurs, a ainsi décidé d'introduire des augmentations généralisées et substantielles des prestations à charge du système d'assurance pension, ce qui augmente sa précarité et ce qui hypothèque davantage son financement à long terme.

Au lieu d'adopter des mesures opportunes, bien ciblées et ponctuelles, comme un relèvement sensible des pensions dites de misère, les acteurs politiques et les représentants syndicaux ont retenu, dans une optique purement électorale, une multitude de mesures générales, très coûteuses pour le système et peu efficaces d'un point de vue social.

Nécessité d'une croissance économique élevée

Les décisions retenues à la table ronde et proposées par le projet de loi engendrent une pression certaine sur les acteurs publics et privés pour réaliser une croissance économique continue très forte, afin d'assurer à long terme la viabilité du système de protection sociale et en particulier le système légal d'assurance pension. Il est clair que cette obligation de résultat en termes de croissance moyenne (càd. +4% par année), nécessaire pour sauvegarder l'équilibre de l'assurance pension, constitue un véritable défi pour les acteurs économiques, lorsqu'on analyse les séries statistiques du PIB et les facteurs explicatifs de l'évolution socio-économique du Grand-Duché du dernier siècle.

La réalisation d'une telle performance de croissance dépendra d'une multitude de facteurs exogènes, sur lesquels les autorités publiques et les acteurs privés du Luxembourg n'auront guère de main-mise. Tout au plus pourront-ils optimiser le cadre, sur lequel ils ont une influence, pour permettre le déploiement de nouvelles activités économiques et le développement des activités existantes.

Les propositions de la Chambre de Commerce et de la Chambre des Métiers

- De manière générale, les deux chambres invitent les autorités gouvernementales à repenser le fonctionnement du système de protection sociale actuel, en concentrant les mesures sur les actions sociales nécessaires, efficaces, opportunes et ciblées découlant d'objectifs politiques et sociaux bien déterminés. Par ailleurs, il faut que les prestations et les allocations accordées n'excèdent pas le niveau des recettes collectées ou anticipées à moyen terme pour pouvoir assurer leur financement et, par-là, leur pérennité à long terme.

L'ambition de toute politique responsable en la matière ne peut partant consister qu'à oeuvrer pour préserver le niveau exceptionnel des prestations actuelles au bénéfice des générations de pensionnés futurs, qui par leur activité et leurs cotisations génèrent les excédents et permettent aux pensionnés d'aujourd'hui de bénéficier de ce niveau élevé des prestations.

- Les deux chambres proposent de faire procéder au recalcul, à des intervalles très rapprochés, de la marge de manoeuvre pour concéder des augmentations ponctuelles des pensions à caractère réversible et de réajuster le niveau des prestations au regard de l'évolution économique.

- Au-delà, la Chambre de Commerce et la Chambre des Métiers plaident en faveur de la transposition dans notre droit positif des recommandations des experts du BIT concernant le recul de l'âge d'entrée en retraite et tendant à assainir le régime à terme. L'introduction de pareilles mesures à ce stade peut paraître prématurée au regard de la situation financière actuelle.

Il n'en reste pas moins qu'elle ne constitue qu'un moyen efficace - et le seul par ailleurs - pour éviter la situation financière désastreuse (le déficit de financement serait de l'ordre de 12 fois les dépenses annuelles en 2049) préfigurée par les experts dans une vision moins optimiste de l'évolution de l'économie et du niveau de l'emploi et à condition qu'il soit mis à profit du régime dans l'immédiat.

- Les deux chambres plaident pour un cadre légal plus favorable à l'égard des prestations complémentaires de retraite (2e et 3e piliers de la structure générale de prévoyance contre la vieillesse, plus l'introduction d'éléments de capitalisation) afin de leur conférer un très large taux de pénétration parmi la population. Ces prestations introduiraient en effet dans l'architecture générale de la prévoyance contre la vieillesse un complément de capitalisation rendant la structure globale moins vulnérable à l'égard notamment des aléas conjoncturels et démographiques.

Le forfait d'éducation

La Chambre de Commerce et la Chambre des Métiers ne voient pas de justification matérielle, sinon purement politique, pour introduire un forfait d'éducation. La mesure incriminée vise en premier lieu à soutenir le parent qui a éduqué l'enfant. Elle prend dès lors le caractère d'une « surprime » d'éducation, mais ne peut être caractérisée ni de mesure familiale, ni de mesure renforçant les « rentes dites faibles ».

Par ailleurs, les dispositions définissant le forfait d'éducation ainsi que ses modalités d'application sont lacunaires. De nombreuses questions en rapport avec le régime d'imposition ou le traitement fiscal du forfait restent ouvertes.

La Chambre de Commerce et la Chambre des Métiers se doivent de critiquer la façon de procéder du Gouvernement, qui n'a pas tenu d'attendre les conclusions des groupes techniques proposés au moment de la clôture de la table ronde sur les pensions. Ainsi, il propose d'introduire, pour des raisons purement électorales, un forfait au profit d'une seule couche de la population, sans que ce forfait ne puisse être mis en relation directe ou indirecte avec la solution à rechercher par rapport aux problèmes liés aux rentes de faible niveau, voire à une individualisation éventuelle des droits de pension au Luxembourg.

Dès lors, la Chambre de Commerce et la Chambre des Métiers s'opposent à l'introduction du forfait d'éducation, considéré comme une mesure coûteuse mais peu efficace d'un point de vue social. Elles plaident pour un meilleur agencement des situations de précarité en rapport avec certaines catégories de pensions.

La révision des dispositions concernant les baby years

En révisant les dispositions concernant les baby years, les auteurs du projet de loi veulent assurer une plus grande cohérence avec le forfait d'éducation à introduire.

Actuellement, la mise en compte des baby years est subordonnée à l'accomplissement d'une période d'assurance minimale d'une année au cours des trois années précédant la naissance ou l'adoption de l'enfant. Le projet de loi prévoit qu'en vue d'atténuer cette condition, la période de référence de trois ans peut être étendue à raison des périodes d'éducation d'enfants.

La mise en compte des baby years pour les enfants nés avant le 1er janvier 1988 avait déjà été discuté dans le passé et ne trouve pas l'assentiment de la Chambre de Commerce et de la Chambre des Métiers. Elles mettent le Gouvernement en garde contre le coût élevé que cette mesure va entraîner avec toutes les implications, surtout à long terme, pour le budget de l'Etat (majorations proportionnelles) et les caisses de pensions.

La modification de la loi modifiée du 29 avril 1999 portant création d'un droit à un revenu minimum garanti

En ce qui concerne les mesures proposées concernant le revenu minimum garanti (RMG), les deux chambres exigent que le gouvernement réalise une analyse approfondie des seuils du RMG et des modes d'attribution des prestations liées au RMG avec d'autres paramètres et prestations sociales définis dans d'autres cadres légaux. Une comparaison entre les seuils du RMG et ceux du salaire social minimum démontre le problème fondamental des disparités et décalages entre divers instruments de protection sociale.

L'augmentation du taux d'immunisation des revenus professionnels et des revenus de remplacement à 30% au lieu de 20% du revenu garanti à la communauté domestique va accroître davantage les écarts au niveau des avantages financiers qu'apporte le RMG par rapport à d'autres mesures ou allocations destinées à des personnes poursuivant une activité professionnelle régulière.

En guise de conclusion, la Chambre de Commerce et la Chambre des Métiers s'opposent aux dispositions du projet de loi qui consistent à relever le niveau général des prestations dans la mesure où ces adaptations vont compromettre l'équilibre fragile du système et l'anéantiront dans l'hypothèse d'un environnement économique futur moins favorable. Les autres dispositions "introduction d'un forfait d'éducation, révisions des modalités concernant les baby years, adaptations concernant le RMG " sont critiquables du fait que la plupart d'entre elles entraînent un coût financier supplémentaire pour le budget de l'Etat, sans apporter ni une valeur ajoutée d'un point de vue social, ni un soutien financier efficace aux plus démunis.