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 (Photo: © 2013 SIP)

L’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 20 juin 2013 dans l’affaire C-20/12 a remis en cause le principe de la condition de résidence prévu dans la Loi du 26 juillet 2010 concernant les aides financières de l’Etat pour études supérieures.

Ce vendredi 28 juin 2013, le LCGB a rencontré Madame Martine HANSEN, Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche pour évoquer avec elle les conséquences de cet arrêt ainsi que les modifications envisagées quant au contenu de la loi en cause.

En effet, pour le LCGB, l’arrêt de la CJUE impose une révision de la position du Gouvernement dans ce dossier afin de garantir à la fois le maintien d’un système compétitif d’aides financières et d’autre part, la garantie d’un traitement équitable de tous les salariés, résidents ou non.

Lors de la rencontre, le LCGB a tenu à aborder 5 points :

1/ Les pistes proposées par la Ministre de l’Enseignement supérieur suite à l’arrêt de la CJUE ;
2/ Le timing envisagé pour la révision de la loi ;
3/ Présentation de la position du LCGB ;
4/ Le financement du système ;
5/ Le traitement des dossiers en suspens pour les années 2010 à 2013.

1/ Les pistes proposées par la Ministre de l’Enseignement supérieur

La Ministre a confirmé que, pour le futur, une modification de la loi sur les aides financières pour études supérieures aura bien lieu étant donné que l’arrêt de la CJUE a jugé la condition de résidence non-conforme au droit communautaire. L’Etat n’ira donc pas en appel.

La Ministre a présenté sa position par rapport aux nouveaux critères d’octroi des aides qu’elle souhaite introduire dès la prochaine rentrée de septembre dont :

1/ Une clause de minimum 5 années de travail ininterrompus au Grand-Duché pour un des deux parents frontaliers (au moment de la demande) serait ajoutée aux critères d’octroi.

 Le LCGB estime que cette clause est assez disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi par la loi et risque de poser d’autres problèmes.

Par exemple : Que se passera-t-il si le frontalier a temporairement perdu son emploi au Grand-Duché et s’est retrouvé quelques mois au chômage dans son pays de résidence ? De même, quid des salariés intérimaires ? Seront-ils exclus du système ?

2/ Des dispositions anti-cumul en cas de bourse ou d’aide du même type dans le pays de résidence seront mises en place. Cela implique un système de différentiel (comme cela existe pour les allocations familiales) qui tiendrait compte des aides éventuelles reçues dans le pays de résidence.

 Le LCGB réclame à ce niveau une analyse approfondie et préalable des prestations étrangères pouvant être qualifiées comme étant de même nature que les aides et qui rentreraient dans ce calcul.

Avant toute décision définitive quant aux nouveaux critères, le LCGB a demandé un examen approfondi de ceux-ci.

Dans le cadre de la réforme à venir, le LCGB a par ailleurs obtenu la mise en place d’un groupe de travail qui associe les syndicats et les associations d’étudiants.

2/ Le timing envisagé pour la révision de la loi

La Ministre de l’Enseignement supérieur a annoncé que la loi serait rapidement modifiée. La Ministre envisage une réforme en deux étapes :

- Une première réforme, d’ici la rentrée, permettant de se mettre en conformité par rapport au jugement de la CJUE en introduisant un certain nombre de nouveaux critères d’octroi des aides (cf. point 1 ci-dessus) ;
- Une seconde étape, ultérieure, après évaluation du système.

Donc, pour la prochaine rentrée scolaire, les anciennes modalités et montants devraient être encore d’application mais moyennant ces adaptations.

Le LCGB a insisté lourdement pour que le Gouvernement ne décide plus une loi dans la précipitation comme ce fut le cas en 2010, mais prenne le temps nécessaire à l’examen de toutes les conséquences de ses décisions.

3/ Présentation de la position du LCGB : « Pour un système compétitif et socialement équitable »

Dès le mois de juin 2010, le LCGB avait rendu le Gouvernement attentif quant à l’inégalité de traitement entre les travailleurs résidents et frontaliers qui était instaurée par cette loi, mais aussi quant aux risques importants de mise à mal de la cohésion sociale dans la société en général et dans les entreprises en particulier.

Pour le LCGB, le Gouvernement porte toute la responsabilité de la situation actuelle et de ses conséquences politique, sociale et financière.

Pour le futur, le LCGB revendique un modèle qui soit compétitif, équitable et socialement juste.

- D’abord, le LCGB pense qu’il est important de conserver un système qui reste basé sur le principe d’autonomie de l’étudiant.

- Ensuite, le LCGB demande le maintien du niveau des aides financières pour études supérieures et insiste pour que les responsables politiques ne profitent pas de l’occasion pour mettre à mal le système de bourses parce qu’il ne remplirait pas l’objectif d’économie budgétaire (?) qui était visé par la réforme de 2010.

- Enfin, le LCGB réclame la prise en compte de certains critères sociaux. Le LCGB avait alerté le Gouvernement (dès juin 2010) sur le caractère discriminatoire de la loi et sur les risques évidents de condamnation par la CJUE. Le LCGB demande, en plus de la suppression de la discrimination des enfants des frontaliers, que le nouveau système tienne aussi compte de la situation particulière de certains étudiants issus de milieux plus défavorisés ou encore de critères comme le degré d’éloignement de l’université, le montant des frais d’inscription ...

C’est pourquoi, le LCGB estime qu’il faudrait mettre en place un système qui repose sur :
- Une aide financière de base (montant principal) accordée à l’ensemble des étudiants et incluant le boni pour enfant ;

- Un complément à cette aide financière qui tienne compte de certains critères sociaux de l’étudiant ;

- Une possibilité d’un prêt à taux réduit qui serait accordé à la demande de l’étudiant.

4/ Le financement du système

La Ministre de l’Enseignement supérieur a indiqué que si on laisse le système inchangé, son élargissement aux enfants des travailleurs frontaliers pourrait avoir pour conséquence que son coût annuel pourrait passer de 100 à 200 millions d’euros et ainsi faire doubler le budget.

Cependant, le LCGB tient à nuancer quelque peu car :

- Compte tenu que près de 80% des étudiants du Grand-Duché suivent leurs études à l’étranger, l’Etat luxembourgeois réalise déjà une économie substantielle à ce niveau ;

- Il s’agit d’un investissement dans la formation de notre jeunesse et, que ce soient des enfants de résidents ou de frontaliers, il profitera à l’économie du Grand-Duché et de la Grande-Région, les deux étant étroitement liées ;

- Les économies réalisées par la suppression des allocations familiales sont substantielles (le LCGB les estime à environ 90 millions d’euros). Cet élément est à prendre en compte.

Tenant compte de ces éléments, le LCGB estime que le système des aides financières doit rester d’un niveau sensiblement équivalent à celui existant pour l’instant.

5/ Le traitement des dossiers en suspens pour les années 2010 à 2013

Le LCGB a demandé à la Ministre de clarifier la situation par rapport aux 3 cas de figure qui peuvent se présenter :

1/ Les personnes qui ont demandé l’aide, ont reçu un refus du CEDIES et ont contesté la décision de refus devant le Tribunal administratif

L’arrêt de la CJUE va permettre au Tribunal de trancher l’ensemble des dossiers de recours qui y ont été introduits contre les décisions du CEDIES (plus de 1000 au total dont environ 400 pour le LCGB).

A l’heure actuelle, nous ne savons pas si chaque recours donnera lieu à un jugement individuel du Tribunal ou l’Etat va accepter de réexaminer tous des dossiers qui se trouvent en attente au Tribunal.

2/ Les personnes qui ont demandé l’aide, ont reçu un refus du CEDIES et n’ont pas contesté la décision de refus devant le Tribunal administratif

A ce niveau, le LCGB a demandé à la Ministre un réexamen de toutes les demandes introduites au CEDIES (que le refus ait été contesté ou non devant le Tribunal administratif).

Le LCGB examine actuellement avec ses avocats les possibilités juridiques (pour ces cas précis) d’entamer une action en responsabilité contre l’Etat.

3/ Les personnes qui n’ont pas demandé l’aide

La Ministre a annoncé qu’elle n’envisageait pas d’effet automatique rétroactif et a maintenu que seuls les recours devant le Tribunal administratif seront examinés et donneront lieu à indemnisation.