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Un des plus importants défis de l'Europe dans les prochaines années est sans doute d'atteindre l'objectif de Lisbonne qui veut que l'Union européenne devienne l'espace économique basé sur la connaissance le plus dynamique et le plus compétitif, capable de réaliser une croissance soutenable avec des emplois stables et une plus grande cohésion sociale.

Les entreprises sont les acteurs-clés de cette stratégie, lancée par le conseil européen de Lisbonne en mars 2000. Eurochambres, le réseau européen de 1.500 Chambres de Commerce dans 37 pays et représentant les intérêts de 15 millions d'entreprises, contribue activement à cet objectif et se positionne à l'égard de ce dernier.

Le but de l'enquête est de faire entendre la voix des entrepreneurs européens au niveau des autorités communautaires et d'illustrer la situation actuelle des entreprises en Europe, leurs besoins et leurs attentes de demain en ce qui concerne la main-d?oeuvre et ses qualifications.

Les résultats au niveau européen

Les résultats de l'enquête (2) révèlent à plusieurs égards un appel pour des actions émanant aussi bien du réseau des Chambres de Commerce et des autorités gouvernementales que des entreprises elles-mêmes. De manière générale, ces actions doivent viser une flexibilité accrue du marché du travail, une amélioration de la disponibilité de la main-d?oeuvre qualifiée et un accès plus facile à la formation professionnelle continue.

- En ce qui concerne les compétences des travailleurs, l'enquête révèle que 62% des entreprises ont déjà rencontré des situations où des postes de travail sont restés vacants pendant plus de trois mois. La cause principale des difficultés de recrutement est le manque de main-d?oeuvre qualifiée sur les marchés du travail européens (49% des réponses). Le manque de demandeurs d'emploi ayant une expérience professionnelle appropriée est la deuxième raison invoquée par les participants à l'enquête (23% des réponses).

Le manque de travailleurs qualifiés est le plus prononcé pour les postes dans le domaine marketing et commercial (30% des réponses) et dans le domaine IT/informatique (11% des réponses). Ce sont là les domaines pour lesquels les besoins en compétence seront les plus marqués au cours des trois prochaines années.

Pour cette raison, les Chambres de Commerce appellent à l'instauration d'un lien plus fort et direct entre les systèmes d'éducation et les marchés du travail, afin dârriver à une meilleure transparence et à un équilibre entre l'offre et la demande de main-d?oeuvre.

- En ce qui concerne la mobilité des travailleurs, l'enquête indique que 59% des entreprises des pays de l'Union européenne emploient des travailleurs venant d'autres pays, alors que ce pourcentage est seulement de 21% pour les entreprises des pays hors de l'Union européenne. 46% de ces entreprises veulent engager plus d'étrangers, mais l'existence d'obstacles, comme les problèmes linguisitiques, les permis de travail et d'autres complications, les empêche d'aller plus loin dans cette direction.

54% des entreprises en provenance des pays UE estiment que l'élargissement de l'Union n'aura pas d'impact sur l'offre de travail, alors que ce taux est de 47% pour les réponses des pays hors UE. Par contre, 44% de tous les participants à l'enquête s'attendent à un impact positif ou très positif de l'élargissement sur l'offre de travail.

L'avènement de l'élargissement nécessite une stimulation adéquate de la mobilité des travailleurs au sein de l'espace européen et la mise en place d'une assistance efficace des employeurs qui veulent intégrer dans leur entreprise des travailleurs non-résidents.

- Quant à la formation professionnelle, celle-ci a été reconnue comme étant le facteur-clé de la compétitivité des entreprises européennes. Elle est essentielle en vue d'aider les entreprises à relever le défi du maintien de la compétitivité.

La moitié des entreprises affirment que la formation de leurs travailleurs fait partie de leur stratégie globale. 36% des entreprises européennes forment leur personnel dans le cadre de cours à l'extérieur de l'entreprise. Les formations durent moins que 5 jours par année pour 35% des entreprises et entre 6 et 10 jours par année pour 33% des entreprises.

Les Chambres de Commerce européennes considèrent la formation professionnelle comme étant cruciale et soutiennent une amélioration de la qualité et de l'efficacité des actions de formation en vue de les rendre plus flexibles et de les adapter aux besoins changeants des entreprises.

Eurochambres fait ainsi un appel pour un soutien au développement de l'offre de formations professionnelles et pour des mesures fiscales en faveur des entreprises et des individus qui s'engagent davantage dans ces activités.

Le Grand-Duché doit miser sur la formation professionnelle pour pallier le manque de manque de main-d?oeuvre qualifiée.

Les résultats au niveau luxembourgeois

Au Luxembourg, la Chambre de Commerce a coordonné l'enquête EBP. Les résultats luxembourgeois ne se distinguent pas fondamentalement de ceux des autres pays européens. Cependant, il existe plusieurs spécificités au niveau du marché du travail luxembourgeois qui expliquent les différences identifiées à plusieurs niveaux.

- Par exemple au sujet des compétences de la main-d?oeuvre, l'enquête relève que 75% (62% au niveau européen) des entreprises éprouvent parfois ou constamment des difficultés de recrutement de personnel (càd. des postes sont restés vacants depuis plus de trois mois). Ce résultat montre que le marché de l'emploi luxembourgeois, même s'il s'étend sur toute la Grande Région, atteint rapidement ses limites en cas de bonne conjoncture. Historiquement, l'économie luxembourgeoise a depuis toujours dû faire face à un manque endémique de main-d?oeuvre.

Pour 57,9% (49% au niveau européen) des entreprises, la raison principale des difficultés de recrutement est le manque de personnes adéquatement qualifiées sur le marché du travail. Par contre, les entreprises luxembourgeoises invoquent moins le manque d'expérience ou l'expérience inapppropriée que les entreprises européennes (13,2% pour les premières contre 23% pour les secondes). Ceci peut s'expliquer par le dynamisme élevé du marché de l'emploi luxembourgeois, résultant des bonnes performances économiques. Ce dynamisme engendre une rotation élevée des demandeurs d'emploi. La conséquence en est que la majorité des demandeurs d'emploi ne sont pas écartés longtemps du marché du travail, ce qui se répercute favorablement sur l'expérience de la main-d?oeuvre.

Une autre raison invoquée pour expliquer les difficultés de recrutement est pour 7,9% des entreprises luxembourgeoises la forte compétition de la part d'autres employeurs. Ce résultat se distingue de celui enregistré parmi les autres pays européens, où seulement 4% des entreprises ont répondu ainsi. Une telle situation est largement répandue dans les espaces économiques fort dynamiques tels que le Luxembourg, où règne le plein emploi et où la demande pour des personnes hautement qualifiés et spécialisés est élevée.

Les difficultés de recrutement sont le plus prononcées pour les postes " marketing et commercial " (28,6% des entreprises), pour les postes " ingénierie / recherche-développement / Technique " (20% des entreprises) et pour les postes " IT / informatique " (17,1% des entreprises). C'est par ailleurs pour ces postes que les entreprises prévoient un manque particulier de compétences et de qualifications dans les trois années à venir.

Le niveau d'éducation pour lequel les difficultés de recrutement sont le plus prononcées est le niveau tertiaire (pour 50% des entreprises), c'est-à-dire le niveau universitaire, post-secondaire, etc. Des difficultés de recrutement existent également pour les postes du niveau primaire ou des compétences de base (pour 15,6% des entreprises) et pour les postes du niveau secondaire (pour 31,3% des entreprises).

- En ce qui concerne la mobilité des travailleurs, les réponses des entreprises luxembourgeoises reflètent la grande ouverture du marché du travail luxembourgeois sur les trois pays voisins et l'attraction élevée que ce marché exerce sur la main-d?oeuvre étrangère. En effet, 67,2% (27% au niveau européen) des entreprises affirment qu'elles emploient des travailleurs venant d'un pays de l'Union européenne, alors que 9,4% (14% au niveau européen) des entreprises ont recours à de la main-d?oeuvre provenant d'un pays candidat à l'Union européenne. 15,6% comptent parmi leurs effectifs des travailleurs venant d'autres pays hors UE et 7,8% occupent uniquement des nationaux. Pour les entreprises européennes, ce dernier pourcentage atteint 41%.

Ces résultats montrent que les entreprises luxembourgeoises ont largement recours à de la main-d?oeuvre étrangère ; 74,5% des entreprises affirment même vouloir engager davantage de travailleurs étrangers. Par contre, le recours à des travailleurs provenant des pays candidat à l'Union européenne est moins prononcé au Grand-Duché que dans les autres pays européens.

Aux yeux des entrepreneurs luxembourgeois, le principal obstacle pour engager plus de travailleurs étrangers est la méconnaissance des langues (pour 57,9%) et la problématique des permis de travail (pour 21,1%). Ces deux obstacles semblent poser plus de problèmes aux entreprises luxembourgeoises qu'à leurs consoeurs européennes. Ceci peut expliquer pourquoi les premières sont moins optimistes que les secondes quant à l'impact de l'élargissement de l'Union européenne sur l'offre de travail.

En effet, seulement 36,2% (44% au niveau européen) des entrepreneurs luxembourgeois s'attendent à un impact positif ou très positif de cet élargissement sur la disponibilité des compétences et des qualifications sur le marché du travail.

- Pour ce qui est de la formation, 42,7% des entreprises luxembourgeoises indiquent que leurs travailleurs sont formés de façon informelle par leurs collègues de travail. 36,6% des entreprises envoient leurs travailleurs dans des stages de formation externes. 12,2% des entrepreneurs affirment que leurs salariés sont formés dans l'entreprise par un consultant extérieur. Ces réponses des entreprises luxembourgeoises suivent de près les tendances enregistrées au niveau européen.

Des différences apparaissent quant à la raison principale pour laquelle les entreprises forment leurs salariés. Si 74,5% des entreprises luxembourgeoises le font pour développer des compétences spécifiquement liées au poste de travail, ce taux n'est que de 49% au niveau européen. 23,4% des entreprises luxembourgeoises forment leur personnel pour des raisons stratégiques de l'entreprise, alors que ce taux est de 40% au niveau européen.

L'importance attribuée à la formation professionnelle formelle par les entreprises luxembourgeoises est fort prononcée ; 54,2% affirment qu'elle fait partie de la stratégie de l'entreprise et 28,8% sont d'avis qu'elle contribue à développer l'esprit d'entreprise et à augmenter le moral des travailleurs. Les taux respectifs sont de 47% et de 20% au niveau européen.

A la question " combien de jours par an formez-vous un employé en moyenne ", 40,4% des entreprises luxembourgeoises ont répondu par " entre 0 et 5 ". Ce taux est de 35% au niveau européen. Pour 31,9% (33% au niveau européen) des entreprises luxembourgeoises, la durée de formation du personnel se situe entre 6 et 10 jours en moyenne par année. 17% (16% au niveau européen) des entreprises forment leur personnel pendant une durée se situant entre 11 et 20 jours et 10,6% (16% au niveau européen) prévoient plus de 20 jours de formation par année.

Au sujet du financement de la formation professionnelle, toutes les entreprises luxembourgeoises ont répondu qu'elles financent ces formations par leurs propres moyens financiers. Ce taux est de 91% au niveau européen, où 6% des entreprises indiquent que les employés financent les formations et 1% des entreprises estime que ces formations sont financées par des fonds publics.

63,8% (58% au niveau européen) des entreprises luxembourgeoises forment leurs salariés principalement durant les heures de travail et 34% (18% au niveau européen) le font uniquement pendant les heures de travail, ce qui prouve qu'au Grand-Duché, les entreprises mettent un accent particulier sur la formation professionnelle de leur personnel.

Cependant, au Luxembourg comme au niveau européen, les autorités doivent, par les moyens appropriés (infrastructures, mesures fiscales, ?), soutenir davantage les entreprises dans leurs efforts visant une amélioration constante de la qualité de la formation professionnelle.

La Chambre de Commerce se tient à la disposition des entreprises pour toute question relative aux instruments existant en matière de formation professionnelle et rappelle qu'elle offre également une vaste panoplie de cours en cette matière (http://www.cc.lu).

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(1) L'European Business Panel (EBP) est une initiative menée en collaboration avec les Chambres de Commerce européennes et coordonnée par Eurochambres, l'association des Chambres de Commerce et d'Industrie européennes. Cette initiative vise la mise en place d'un panel permanent de 30.000 entreprises européennes. A travers des enquêtes d'opinion auprès de ce panel, l'objectif de l'EBP est d'améliorer l'influence des entreprises et des Chambres de Commerce européennes lors des prises de décisions politiques européennes.

(2) L'enquête de l'EBP sur les compétences, la mobilité et la formation professionnelle a été effectuée entre le 2 et le 31 mai 2002. Le total des réponses valides a été de 1.219 en provenance des pays suivants: Autriche, Belgique, Croatie, République Tchèque, Danemark, Allemagne, Grèce, Chypre, Hongrie, Islande, Italie, Luxembourg, Portugal, Roumanie, Slovénie, Turquie et Royaume Uni. Au Grand-Duché, quelque 50 entreprises ont répondu au questionnaire online, ce qui correspond à un taux de réponse de plus de 10% par rapport à l'échantillon initial.