Le chemin sera encore long pour connaître la Commission qui sortira des urnes des élections européennes qui se tiendront du 6 au 9 juin 2024. Élections à l’issue desquelles il reviendra aux Vingt-Sept États membres de désigner à la majorité qualifiée le nouveau président de l’exécutif européen. Désignation que devra entériner le Parlement Européen à la majorité absolue.
Outre le président de la Commission, les Vingt-Sept devront aussi désigner le Président du Conseil Européen – poste actuellement occupé par le Belge Charles Michel – et le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (HRAEPS) – poste occupé par l’espagnol Josep Borrell, également vice-président de la Commission –. Nominations qui donnent lieu à d’intenses marchandages. Marchandages qui s’étendront cette année au secrétariat général de l’OTAN – poste actuellement occupé par le Norvégien Jens Stoltenberg – dont le remplacement est programmé à l’automne, et à la direction générale du Fonds monétaire international, dont le mandat de l’actuelle directrice générale, la Bulgare Kristalina Georgieva, arrivera à son terme le 1er octobre 2024.
Également pourvu à l’automne 2019, le poste de président de la BCE, dont la durée de mandat est de huit ans, ne sera pas concerné dans cette grande tractation.
Un bilan à défendre…
En attendant, c’est devant les chrétiens-démocrates de la CDU – parti dont elle est issue – que l’intéressée a officiellement présenté sa candidature.
Si, en vertu des traités, les Vingt-Sept doivent tenir compte du résultat des élections pour choisir le nouveau président de la Commission, tout candidat doit présenter une «équation personnelle» susceptible de lui permettre de réunir les voix sous son nom aussi bien devant le Conseil que devant le Parlement. Et là, Ursula von der Leyen peut se prévaloir de son bilan. Dans une période marquée par la pandémie de covid-19 et la guerre en Ukraine, elle a su faire face: l’achat groupé de vaccins, le soutien à l’Ukraine, la naissance de l’Europe géopolitique, le Pacte vert qui doit conduire l’UE à la neutralité carbone en 2050, les législations sur la transition numérique, le plan de relance Next Generation EU de 800 milliards d’euros, de nouveaux instruments de défense commerciale, la naissance d’une Union de la Santé ainsi que le travail législatif important pour rééquilibrer les droits entre les hommes et les femmes sont autant de points à mettre à son actif. Sans oublier la gestion opérationnelle du Brexit. Un bémol cependant, sa propension à prendre rapidement des positions diplomatiques sans attendre la position du Conseil. Citons son soutien à Israël après l’attaque du Hamas en octobre dernier.
… et des gages à donner
Ce bilan ne dispensera pas Ursula von der Leyen de devoir donner des gages aux États membres.
Le soutien de l’Allemagne, dont le Chancelier Olaf Scholz est socialiste, semble acquis. Le soutien de Paris par contre ne n’est pas et une hypothèse Mario Draghi n’est pas exclue. Pour son soutien, la France demanderait un titre de vice-président exécutif pour son prochain commissaire et un portefeuille conséquent pour faciliter l’émergence d’une industrie européenne puissante dans les technologies d’avenir et la construction d’une Europe de la défense. La montée en puissance de l’industrie de défense européenne et sa consolidation est d’ailleurs un de ces chevaux de bataille et elle se dit favorable à l’idée de créer un poste de commissaire européen à la Défense.
Ursula von der Leyen s’est également rapprochée de l’Italie dont la présidente du Conseil, Giorgia Meloni est la tête de file du groupe ECR (Conservateurs et réformistes européens). Il semble acquis que et Giorgia Meloni, qui cherche à asseoir son influence dans le jeu européen, pourrait être une alliée au moins «objective» au Parlement. Le groupe ECR pourrait bien dépasser dans l’hémicycle européen les Verts et les libéraux de Renew. Renew qui avec le PPE et les sociaux-démocrates (S&D) constitue la coalition sur laquelle s’appuie Ursula von der Leyen. Une Ursula von der Leyen qui sait s’adapter aux évolutions de sa majorité. On l’a vu avec le Pacte vert, une de ses priorités, dont elle a réduit la voilure sous la pression du PPE.