Nicolas Henckes, directeur de la clc, et Jean-Marie In, Head of Retail & Industrial BeLux d’INOWAI Montage: Maison Moderne

Nicolas Henckes, directeur de la clc, et Jean-Marie In, Head of Retail & Industrial BeLux d’INOWAI Montage: Maison Moderne

Deux mois après la réouverture des commerces, Nicolas Henckes, directeur de la clc, et Jean-Marie In, Head of Retail & Industrial BeLux d’INOWAI, dressent un premier bilan de la situation. Ils nous livrent leur regard sur l’impact de la crise sanitaire sur le secteur et les facteurs qui seront cruciaux pour la relance.

Après plusieurs semaines de fermeture forcée, tous les commerces ont pu à nouveau ouvrir leurs portes le 11 mai. «La reprise n’a pas été aussi rapide que ce que l’on espérait, notamment à cause de la poursuite de la pratique du télétravail dans de nombreuses entreprises. Nous ne sommes donc pas encore revenus au niveau d’avant-crise, mais la relance est suffisante pour faire renaître un peu d’espoir», commente Nicolas Henckes, directeur de la Confédération luxembourgeoise du commerce (clc), organisation patronale représentant fédérations et entrepreneurs issus des secteurs du commerce, du transport et des services.

L’organisation des soldes aux dates habituelles au Luxembourg ainsi que leur report dans nos pays contribuent à cette relance. «La clc a prôné pour ce maintien des soldes. C’est rassurant de voir aujourd’hui que ce calcul était bon», confie le directeur de la clc, qui, en tant qu’organe de représentation auprès des décideurs et des pouvoirs publics, négocie avec le gouvernement des mesures dans l’intérêt de ses membres. «Cette décision permet en effet d’attirer le chaland frontalier. Pour de nombreux commerçants, c’est une vraie bouffée d’air frais. Et jusqu’à présent, les chiffres chez certains sont meilleurs qu’en 2019, on voit un petit effet de rattrapage», précise Jean-Marie In, responsable de la branche Retail & Industrial BeLux d’INOWAI, qui s’appuie sur une équipe de terrain observant le marché et cherchant à anticiper les tendances à venir afin de pouvoir conseiller au mieux propriétaires et commerçants. Ainsi, la mission d’INOWAI Retail ne se limite pas à présenter un bien disponible à un locataire, mais à concrétiser un accord gagnant-gagnant entre bailleur et locataire.

Des comportements modifiés

Dans cette situation, certains commerces s’en sortent mieux que d’autres. Les produits et services proposés par l’enseigne jouent un rôle important, tout comme la localisation. «De manière générale, les commerces situés en ville et certains centres commerciaux souffrent davantage. Pour éviter de se retrouver en contact avec le coronavirus, les consommateurs privilégient les sites plus petits, moins fréquentés. Face à la crise, le comportement d’achat du consommateur se trouve modifié», constate Jean-Marie In. «Certaines villes voient par exemple les clients locaux les soutenir davantage, mais c’est toujours le pouvoir d’achat qui guidera le consommateur in fine», estime Nicolas Henckes.

L’importance du multicanal

Si l’on revient sur l’Histoire, on constate en effet que les pandémies précédentes n’ont pas modifié la face du monde mais qu’elles ont simplement permis d’accélérer des transformations déjà initiées.

L’e-commerce, par exemple, existait déjà avant l’arrivée du coronavirus. Ce dernier n’a fait qu’accroître son déploiement. «Le magasin physique ne va pas disparaître pour autant. Mais plus que jamais, les enseignes se doivent d’être phygitales’», souligne l’expert d’INOWAI. «Les enseignes qui s’en tirent vraiment sont, en effet, celles qui privilégient le multicanal, celles qui ont su développer une histoire autour de leurs produits et services, créer une communauté de clients», renchérit le directeur de la clc. «Pour les commerçants qui attendent le client, de manière passive, cela risque d’être beaucoup plus compliqué.»

Les enseignes qui s’en tirent vraiment sont celles qui privilégient le multicanal, celles qui ont su développer une histoire autour de leurs produits et services, créer une communauté de clients.

Nicolas Henckesdirecteurclc

Disparition d’enseignes dans la capitale?

La crise sanitaire devrait aussi recomposer, en partie, le paysage commercial luxembourgeois et modifier les loyers. Face aux avantages qu’ils trouvent dans l’e-commerce, de grands groupes envisagent des restructurations. Ces décisions devraient libérer des espaces commerciaux en centre-ville dans les prochains mois. «L’offre sera plus importante. Les prix, qui avaient atteint un pic ces dernières années, devraient donc baisser en fonction de la réalité économique. De là à dire que ces géants internationaux laisseront leur place à des acteurs plus locaux, on en est loin tant les loyers sont élevés aujourd’hui à Luxembourg-ville. Une correction des loyers est toutefois inévitable. Elle sera la conséquence de la corrélation entre le chiffre d’affaires et le coût locatif, ce que l’on appelle dans le jargon professionnel le taux d’effort», confie Jean-Marie In.

L’espoir d’une réduction des loyers

Pour soutenir les commerçants durant cette période difficile, le gouvernement a mis sur la table une série de mesures: chômage partiel, délais de paiement, avances remboursables et aides non remboursables, crédits garantis par l’État, etc. Des communes, des propriétaires privés et des centres commerciaux ont également fait un geste important en renonçant, reportant ou réduisant les loyers de leurs baux pour permettre aux enseignes de souffler un peu lors des mois de confinement.

Pour l’instant, ces décisions sont prises au bon vouloir de chaque propriétaire. «Chacun doit y mettre un peu du sien, tout le monde est dans le même bateau et doit participer à la relance économique», considère Jean-Marie In. Le gouvernement envisage d’introduire un abattement fiscal pour encourager les bailleurs à réduire leurs loyers. Cet avantage fiscal correspondrait au double du montant de la diminution de loyer accordée, jusqu’à hauteur de 15.000 euros. «Cette mesure a été annoncée mais n’est toujours pas officialisée à l’heure actuelle», déplore Nicolas Henckes. «Nous espérons qu’elle pourra entrer en vigueur rapidement et que la limite des 15.000 euros sera fixée par bien commercial et non pas par contribuable, auquel cas cette mesure n’incitera pas à accorder des remises

Tant que le virus sera présent, on doit s’attendre à ce que le ‘ fun shopping ’ soit remplacé par du ‘ run shopping ’.

Jean-Marie InHead of Retail & Industrial BeLuxINOWAI

Une confiance à préserver

Le comportement du consommateur et la conjoncture économique joueront eux aussi un rôle clé à dans la relance. «Tant que le virus sera présent, on doit s’attendre à ce que le fun shopping soit remplacé par du run shopping’», indique Jean-Marie In. «Le client sait ce dont il a besoin avant d’entrer dans le magasin, il l’achète et ressort. Il ne se laisse pas tenter, ses achats sont ciblés. Mais cette attitude ne sera que temporaire.» 

En revanche, «si l’on assiste à une vague de chômage importante, l’indice de confiance du consommateur risque d’être affecté plus durablement et, par conséquent, la consommation moins importante», analyse Nicolas Henckes. «Le premier moment de vérité sera en octobre, quand les commerçants feront le bilan de la rentrée. Le second sera en janvier, après les fêtes, période pendant laquelle certains commerçants réalisent près de la moitié de leur chiffre d’affaires.» Le Luxembourg semble néanmoins avoir les reins solides pour faire face à cette situation.

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