Le responsable des infrastructures de recharge, Charel Schmit, passe la majorité de son temps dans le garage. La société a multiplié les fournisseurs de solutions électriques pour gagner plus vite en expérience. Un défi de tous les jours. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Le responsable des infrastructures de recharge, Charel Schmit, passe la majorité de son temps dans le garage. La société a multiplié les fournisseurs de solutions électriques pour gagner plus vite en expérience. Un défi de tous les jours. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

20 ans après le lancement du service et en pleine Semaine de la mobilité, Voyages Emile Weber transformera, à partir de vendredi, les Nightlifebus en bus électriques. Pour Paperjam, le groupe a ouvert son site de Canach, où le passage à l’électrique, casse-tête logistique, se poursuit à la vitesse grand V.

L’endroit est presque plus silencieux qu’une cathédrale. «Ne vous y fiez pas, le soir, c’est un Tetris géant», s’amuse celui qui est en charge du marketing et de la communication des solutions de mobilité du groupe, Cyrille Horper. Leur journée terminée, les chauffeurs rentrent au dépôt pour que leurs bus soient rechargés et entretenus.

En trois ans, Voyages Emile Weber a multiplié le nombre de bus électriques par 12, de sept en 2018 à bientôt 80. La flotte des 700 véhicules du groupe compte 120 à 130 véhicules électriques aujourd’hui. Et comme si charger et gérer le niveau des batteries de ces bus, comprises grosso modo entre 140 et 300 kilomètres, ne suffisait pas, l’entreprise a décidé de les acheter à sept constructeurs différents, a multiplié les fournisseurs de bornes de recharge et de câbles. «Nous voulions gagner le plus vite en expérience», explique-t-il, préférant positiver par rapport aux difficultés nées des logiciels du bus et de la borne qui ne parlent pas le même langage. 

Dans l’entrepôt, sur lequel Charel Schmit «règne» en maître (lui, l’ancien étudiant venu en stage en 2018, au moment où la stratégie entrait dans une phase concrète), chaque bus connaît la ligne de chargement sur laquelle il doit se garer et dans quel ordre, selon le départ du lendemain et le niveau de charge à atteindre pour ne pas tomber en panne dans la pampa luxembourgeoise. Parmi les subtilités des constructeurs, Voyages Emile Weber a découvert que tous les bus ne se rechargent pas du même endroit. À droite pour les uns, à gauche pour les autres, à l’arrière du bus. Depuis le plafond pendent donc des câbles, montés sur des ressorts, qui permettent d’aller chercher la bonne zone de chaque bus, quelles que soient ses caractéristiques. 

Seulement, à mesure que le nombre de bus électriques a augmenté, l’entreprise s’est retrouvée face à un nouveau défi: comment éviter de faire sauter les plombs et à les recharger quasiment en même temps? Il a fallu que Creos déploie sa solution de smart grid pour offrir au voyagiste la possibilité de passer d’une consommation de 2MW à 3MW. «C’est 50% de plus», explique M. Horper. «L’idée est qu’au lieu de devoir tirer une deuxième ligne à haute tension depuis Contern avec ces poteaux qui passent dans la nature, nous puissions utiliser les capacités inutilisées du réseau.» Au quart d’heure près, Creos permet donc d’ajouter des capacités, et l’entreprise de mobilité a développé, en interne, un outil de planification, à partir des analyses des années précédentes.

Premier à passer à l’hybride en 2008, premier au monde en 2015 à utiliser un bus à double articulation hybride, Voyages Emile Weber est aussi le premier à utiliser une nouvelle passerelle d’entretien des bus construite au Luxembourg. Depuis un mois, ce «pont» métallique auquel les mécatroniciens accèdent par un escalier-ascenseur facilite l’entretien des batteries, souvent au-dessus du bus en même temps que l’entretien mécanique sous le bus. Les 21 mètres de longueur du double pont peuvent accueillir tous les types de bus.

4,5 millions d’euros investis dans l’infrastructure électrique

«Depuis le début de notre stratégie Empowering Mobility, nous avons investi 4,5 millions d’euros dans les infrastructures de recharge et celles de maintenance», explique encore le responsable de la communication et du marketing. Avec 7 millions de kilomètres parcourus, l’entreprise a déjà une belle expérience.

Vendredi, les bus qui circuleront sur les 487 kilomètres du réseau Nightlifebus – une initiative qui a 20 ans – seront tous électriques. Un changement en une fois sur les 12 lignes qui desservent 21 communes, et qui aurait dû avoir lieu l’an dernier, mais a été décalé, Covid oblige, et coïncide avec la Semaine européenne de la mobilité. «Même les usagers qui ne prendront pas ces bus en profiteront», plaisante M. Horper. «Ils émettent jusqu’à 30 décibels de moins!»

Au four et au moulin, Charel Schmit, officiellement le responsable des infrastructures de recharge, papillonne de l’un à l’autre pour guider les mécatroniciens et «en retirer du feed-back», aussi, explique le jeune ingénieur. Car la technicité a imposé des formations en continu à ces nouvelles technologies. Les chauffeurs ont même une tablette qui leur demande de se «logger» quand ils démarrent pour qu’ils sachent tout du parcours qu’ils s’apprêtent à emprunter. L’été, leur bus est refroidi avant qu’ils en prennent possession; l’hiver, il est réchauffé. Directement au dépôt, pour ne pas que cette énergie soit puisée dans celle avec laquelle ils doivent aller d’un point A à un point B.

Si le groupe va poursuivre ses efforts, il doit prendre en compte deux données: l’évolution de la technologie électrique (par exemple, les batteries offrent une autonomie de plus en plus grande) et l’évolution des technologies, et notamment de l’hydrogène, une possibilité offerte par les plans gouvernementaux. «Mais il faudra avoir au moins une station de recharge avant de pouvoir adopter cette technologie», font comprendre les deux hommes.