À force d’être nourrie, l’intelligence artificielle de Tetrao est capable de réconcilier et d’actualiser en temps réel la moitié des fonds d’investissement luxembourgeois. Un gain de sécurité, de temps… et de personnel. (Photo: Shutterstock)

À force d’être nourrie, l’intelligence artificielle de Tetrao est capable de réconcilier et d’actualiser en temps réel la moitié des fonds d’investissement luxembourgeois. Un gain de sécurité, de temps… et de personnel. (Photo: Shutterstock)

Tetrao a annoncé, jeudi, le lancement de son produit phare, capable de réconcilier la douzaine de documents officiels des fonds d’investissement. Après deux ans de R&D, l’intelligence artificielle a déjà «avalé» 40.000 des 85.000 fonds luxembourgeois.

Christian Gillot n’a plus rien dit depuis deux ans. Vainqueur du hackathon de BNP Paribas en 2017, repéré dans le HotTech 50 2018 dans la catégorie fintech, le CEO de Tetrao a retroussé ses manches et mis la pression sur ses 12 salariés répartis sur trois sites, Luxembourg, Verdun et Barcelone.

«Il fallait arrêter de discuter et être capables de montrer un produit», confie-t-il à l’entame de cette semaine décisive pour la start-up spécialisée dans l’intelligence artificielle à destination des fonds d’investissement. «On se lance, on est prêts pour le marché!», explique-t-il .

Tetrao réconcilie – regroupe – toutes les informations disponibles sur 40.000 des 85.000 fonds d’investissement luxembourgeois sur une plate-forme ergonomique. «Notre place est ici. Il fallait commencer par l’Europe pour être utile à la Place. En janvier, nous étions à 4.000 fonds et encore à 12.000 en août», explique le jeune entrepreneur de 37 ans.

2,6 millions de données

L’intelligence artificielle de la plate-forme va chercher les 12 types de documents qui peuvent exister sur chaque fond et qui disent parfois des choses contradictoires et les réunit pour avoir une vision globale de toute la documentation officielle. Le moindre changement est instantanément pris en compte dans la totalité des documents, au lieu de devoir être fait et surveillé manuellement.

Quand un conflit entre deux documents surgit, un «warning» se déclenche et oblige à décider quelle est la bonne ou la mauvaise information sur le fonds. La procédure demande une intervention humaine d’un «annoteur» de Tetrao, capable de traiter jusqu’à 400 annotations par heure pour les tâches simples, et 50 par heure pour les tâches compliquées.

Leurs réponses ont nourri l’intelligence artificielle, qui comporte aujourd’hui 2,6 millions de données et a un taux de réussite de 98,5%. «On a une mesure de confiance, qui rapporte la probabilité d’une erreur à un chiffre plus faible que ce que serait capable de faire l’humain. Et non seulement notre intervention permet de trancher entre ce que dit l’intelligence artificielle de deux documents, mais nous conservons une traçabilité historique des documents étudiés.» Autrement dit, si un document n’avait pas été mis à jour à temps, la plate-forme va le montrer.

Un triple avantage pour les gestionnaires

Quel est l’intérêt pour les fonds d’investissement? «Déjà, diminuer le risque. Un fonds doit présenter des documents, mais aussi les actualiser, y compris auprès de ses distributeurs et ce n’est pas toujours si évident. Il y a le cas récent d’un investisseur qui avait perdu beaucoup d’argent sur un placement à risque parce que le document auquel il se référait ne mentionnait pas un tel niveau de risque», raconte l’entrepreneur. «Il a fini par gagner devant la justice parce que ses avocats avaient démontré qu’il existait deux documents qui disaient le contraire…»

«Ensuite, cela permet de contrôler complètement sa distribution. Même certains gros distributeurs ne sont pas capables d’agréger autant d’informations… Enfin, cela lui donne une vue complète sur le marché. On voit par exemple monter des tendances comme la RSE. On peut avoir des professionnels qui veulent investir dans des produits responsables et cela permet de mieux placer son fonds par rapport aux autres.»

Fondée et développée avec moins de 500.000 euros, Tetrao entend au minimum doubler son chiffre d’affaires à plus d’un million d’euros l’an prochain. «Nous avons beaucoup de contacts avec l’industrie et nous verrons comment cela évoluera. D’un autre côté, j’ai suivi les conseils de mon mentor de la Chambre de commerce et nous n’avons pas encore levé de fonds pour accélérer notre développement.» Accélérer, cela voudra dire augmenter le nombre de fonds intégrés à la plate-forme parmi les 250.000 fonds européens, avant de rêver embrasser ceux du continent asiatique.

Avec une conséquence: permettre aux gestionnaires de fonds d’être plus efficaces en employant beaucoup moins de personnes dans leur «back-office». Une rupture pour le secteur.