Marc Giorgetti, Julien Ghata et Amaury Evrard (en visioconférence) s’expriment sur les tendances 2021 de l’immobilier. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Marc Giorgetti, Julien Ghata et Amaury Evrard (en visioconférence) s’expriment sur les tendances 2021 de l’immobilier. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

L’immobilier doit faire face à de nouveaux défis imposés par la pandémie que nous subissons actuellement. Quelles tendances se dessinent alors pour les investisseurs dans les mois à venir? PwC a réalisé une étude qui présente quelques pistes et des analyses commentées en neuf points par Amaury Evrard (PwC Luxembourg), Julien Ghata (PwC Luxembourg) et Marc Giorgetti (Félix Giorgetti).

, livre un condensé d’informations utiles pour les investisseurs en immobilier et des indicateurs permettant de mieux appréhender la période de perturbation que nous traversons. Cette étude a été réalisée suite à la consultation de 995 professionnels de l’immobilier en Europe, qu’il s’agisse d’investisseurs, de développeurs, de prêteurs ou de conseillers, entre juin et octobre 2020. Elle permet donc d’avoir un aperçu des réflexions des professionnels du secteur sur les impacts directs et futurs de la pandémie de Covid-19 pour les investissements immobiliers en Europe. En voici les points saillants.

1. L’immobilier reste une valeur refuge

Cette étude confirme, dans un premier temps, que l’immobilier reste bel et bien un investissement refuge et «maintient son attractivité, notamment grâce aux taux d’intérêt qui sont toujours très bas», explique Amaury Evrard, partner, alternative network leader, Real Estate & Infrastructure chez PwC Luxembourg et présent en visioconférence.

«Lorsqu’on conjugue cela avec le phénomène de la dévaluation des monnaies, l’immobilier reste indéniablement un investissement intéressant», complète , CEO de l’entreprise de construction Félix Giorgetti.

«Il est aussi intéressant de noter qu’il reste encore beaucoup d’argent à investir, et que les fonds sont loin d’être épuisés. Les marchés vont donc rester dynamiques, même si les points d’attractivité peuvent quelque peu se modifier», précise Julien Ghata, partner chez PwC Luxembourg.

Toutefois, la crise sanitaire aura certainement des effets sur le marché. «Certaines décisions, telles que l’agrandissement d’espaces de bureaux ou de nouvelles implantations au Luxembourg, vont certainement être ralenties par la crise, et cela pourrait avoir un impact à moyen terme sur le marché», souligne Amaury Evrard.

2. Top des villes européennes

Berlin, Londres et Paris composent le trio de tête des villes d’investissement en Europe. Ce sont des villes où le marché est très dynamique, tout comme Francfort, Munich, Hambourg, qui sont aussi des villes d’investissement historiques. «Si les villes du sud, comme Milan ou Madrid, ont reculé cette année dans les intentions d’investissement, elles restent des opportunités d’investissement sur le long terme», précise Amaury Evrard. «L’Allemagne continue à se démarquer actuellement, à côté de Londres et Paris, grâce à la bonne santé de son économie et à sa bonne gestion de la crise sanitaire. C’est aussi un pays avec plusieurs pôles d’attractivité, alors qu’en France, l’attention se concentre à Paris, et en Grande-Bretagne, à Londres.»

Et la position de Luxembourg, sur cet échiquier? «Elle a légèrement reculé par rapport aux trois dernières années au profit des marchés plus importants et plus liquides», confie Amaury Evrard. «Mais les commentaires des professionnels restent positifs, et le pays est un bon élève en Europe d’un point de vue économique et dans la gestion de la crise. C’est donc un marché qui reste attrayant pour les investisseurs et gestionnaires de fonds européens.»

3. De nouveaux secteurs intéressent les investisseurs

Toutefois, il faut apporter quelques nuances d’attractivité en fonction des secteurs. «L’immobilier de loisirs, du commerce et de l’hôtellerie ont été plus affectés que d’autres secteurs, ces derniers mois», souligne Amaury Evrard. «Par contre, des secteurs considérés jusque-là comme des secteurs de niche ont le vent en poupe. Il s’agit des data centers, de la logistique, des équipements liés aux sciences de la vie et des infrastructures pour les nouvelles énergies. Le résidentiel reste un secteur résilient, et ce dans tous les pays européens.»

Au Luxembourg, l’immobilier de bureaux était jusqu’à présent le premier secteur visé par les investisseurs. «À l’heure actuelle, celui-ci ne décline pas encore, surtout quand il est occupé par des locataires de qualité comme des institutions ou l’État», précise Marc Giorgetti. «Même si le télétravail perdure au-delà de la pandémie, il ne pourra être la règle générale. Le besoin de contact entre les équipes reste, et la demande en espace ne faiblit pas, notamment pour mieux répondre aux distanciations imposées par les mesures sanitaires. Donc les besoins ne décroissent pas vraiment».

«Par ailleurs, le taux de vacance des bureaux reste bas (fin décembre 2019, il s’établissait à 3,2% pour l’ensemble du pays, ndlr). Il y a peu de bâtiments construits ou en phase de construction qui n’aient pas déjà un locataire prévu», renchérit Julien Ghata, partner chez PwC Luxembourg.

Pour Marc Giorgetti, l’immobilier de bureaux ne décline pas encore. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Pour Marc Giorgetti, l’immobilier de bureaux ne décline pas encore. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

4.  Et le retail?

L’immobilier de commerce souffre plus actuellement. «La vente sur internet a été encore plus accélérée et accrue avec la pandémie», explique Marc Giorgetti. «Un magasin comme Zara, par exemple, réalise 25% de son chiffre d’affaires sur le net. Le résultat? Sur les quatre magasins qui sont ouverts à Luxembourg, un va fermer. Je pense qu’à l’avenir, il va y avoir une nouvelle discussion sur les baux commerciaux et la manière de les calculer.»

Si les espaces de vente n’ont plus le vent en poupe, les espaces d’entrepôts sur les axes de transport sont, eux, au contraire, très recherchés. «Il y a de plus en plus de demandes pour de petits entrepôts situés à proximité des grandes villes, ce qui implique une contrainte financière plus forte, car les terrains sont plus chers, et une organisation de la chaîne de valeur différente», souligne Julien Ghata.

Selon Julien Ghata, des entrepôts à proximité des villes pourraient se développer. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

Selon Julien Ghata, des entrepôts à proximité des villes pourraient se développer. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

5. Logements: le point reste critique

Le marché des logements ne faiblit pas à l’échelle européenne, et encore moins au Luxembourg où la demande est supérieure à l’offre, et donc représente un risque faible pour les investisseurs. «De plus en plus d’investisseurs institutionnels sont intéressés pour placer leur argent dans le logement», souligne Marc Giorgetti. «Ces investisseurs viennent s’ajouter à tous les investisseurs individuels qui peuvent profiter de taux bancaires exceptionnellement bas.» Mais la construction de nouveaux logements au Luxembourg reste, on le sait, bien en dessous des besoins du marché. «Dans la capitale, 50% des ménages sont composés d’une seule personne, 25% de deux personnes et seulement 25% de plus de deux personnes. Or, la Ville de Luxembourg, par exemple, ne permet pas suffisamment la construction de petits logements, de studios qui répondraient à ces besoins. Cette politique doit changer. Il faut, d’une manière générale, que nous puissions être autorisés à construire plus de petites surfaces et à densifier en créant des étages supplémentaires. Par ailleurs, il faut que les autorisations soient délivrées plus rapidement», insiste Marc Giorgetti. Il souligne également le fait que les communes, au Luxembourg, devraient être plus soutenues par l’État notamment sur la subvention de centrales d’épuration des eaux qui «sont un équipement critique pour la création de nouveaux logements et que les bourgmestres sont moins enclins à créer, car beaucoup moins populaires auprès des électeurs que la création d’un nouvel équipement sportif ou culturel, par exemple.»

6. Moins d’investissements non européens?

Avec la restriction des déplacements imposée par la pandémie, les investissements internationaux sont ralentis, freinant ainsi les investissements en provenance d’Amérique du Nord et du Moyen-Orient. «Les investisseurs asiatiques, qui sont considérés comme étant les premiers à se remettre de la crise, devraient rester présents, car les biens européens restent des investissements de diversification pour eux. Les investissements intraeuropéens, d’un autre côté, pourraient augmenter ou au moins rester stables», commente Amaury Evrard.

7. Vers une évolution des certifications

Les certifications restent une démarche qui rassure les investisseurs, même si, pour Marc Giorgetti ,«cela n’a aucune valeur, et les immeubles bien construits répondent de toute façon aux critères de ces certifications». Les immeubles répondant aux critères de durabilité sont toujours recherchés. Mais en plus des critères environnementaux, des critères sociaux, tels que la diversité et l’inclusion sur le lieu de travail, sont désormais pris en compte.

L’immobilier reste une valeur sûre, que ce soit pour Marc Giorgetti ou Julien Ghata. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

L’immobilier reste une valeur sûre, que ce soit pour Marc Giorgetti ou Julien Ghata. (Photo: Romain Gamba/Maison Moderne)

8. Quel rôle la réforme du régime fiscal des fonds d’investissement spéciaux (FIS) en immobilier va-t-elle avoir?

Lors de son discours sur l’état de la Nation le 13 octobre 2020, le Premier ministre, (DP), a annoncé une réforme du régime fiscal des fonds d’investissement spéciaux (FIS), dont ceux dans l’immobilier, qui seront désormais taxés à hauteur de 20%. «Cette récente modification de la fiscalité des fonds luxembourgeois investissant en direct dans l’immobilier à Luxembourg a un impact financier sur ces fonds et a déjà entraîné certaines restrictions. Toutefois, l’impact à terme de cette réforme sur les fonds d’investissement immobilier luxembourgeois et l’immobilier luxembourgeois devrait être limité», détaille Amaury Evrard. 

Pour Marc Giorgetti, le point de vue est autre: «Prendre une telle décision à si courte échéance est abusif et populiste. Avec cette taxation à 20%, qui vient s’ajouter aux 25% d’impôts sur les sociétés et aux 23% sur les dividendes, cela monte l’addition à 68% de taxes pour l’investisseur dans les FIS avec de l’immobilier, et en plus sans prendre en compte la non-déductibilité des intérêts, charges, frais et dotations aux amortissements. Ce n’est plus soutenable. Ce type de fonds nous a beaucoup aidés pour notre structuration de patrimoine familial. Si la taxation des FIS avait été adaptée au même niveau qu’une société normale et avait en plus permis la déductibilité comme pour toute société imposable, ce serait acceptable. Mais là, ce n’est pas possible, c’est abusif et déplorable. Au niveau international, cela aura aussi des conséquences, et cela ternit l’image de la sécurité juridique luxembourgeoise.»

9. La confiance reste-t-elle?

Malgré ces changements, Luxembourg reste une Place qui continue d’attirer les investisseurs immobiliers. «Au cours des derniers mois, nous avons dialogué avec une quinzaine d’investisseurs et de gestionnaires paneuropéens, et tous seraient prêts à investir dans un bien immobilier de qualité au Luxembourg si on leur en propose un», déclare Amaury Evrard. «De plus, la position de Luxembourg en tant que place financière dans les secteurs de l’alternatif devient de plus en plus prépondérante. Nous sommes en train de suivre l’exemple de l’‘asset management’ classique avec le même succès.» Mais les répercussions de la crise peuvent quand même se faire sentir plus tard. «Dans les mois et années qui viennent, nous allons devoir faire face à un certain nombre de faillites. Les conséquences dans l’immobilier risquent de se faire sentir sur le plus long terme», conclut Julien Ghata.