Mario Treinen est l’administrateur délégué d’Inflow et directeur de Post Courrier chez Post Luxembourg. (Photo: Anthony Dehez)

Mario Treinen est l’administrateur délégué d’Inflow et directeur de Post Courrier chez Post Luxembourg. (Photo: Anthony Dehez)

Alors que plusieurs pays européens sabrent dans leurs services postaux, le Luxembourg fait le pari d’une transition douce. Malgré la chute du volume de courrier, Post Luxembourg maintient ses tournées, réorganise ses flux et mise sur l’intégration logistique avec Inflow, sa filiale rebaptisée. Retour sur la stratégie de l’entreprise avec l’administrateur délégué d’Inflow et directeur de Post Courrier, Mario Treinen.

Mars aura été particulièrement rude pour les services postaux européens. En Allemagne, Deutsche Post a annoncé la suppression de 8.000 emplois dans le cadre d’un vaste plan de réduction des coûts. Au Danemark, la mesure est encore plus radicale: à partir de la fin 2025, les lettres ne seront tout simplement plus distribuées. Balayée par le numérique, l’une des plus anciennes missions du service public se délite à grande vitesse.

Le Luxembourg n’échappe pas à cette réalité. Le volume de courrier y baisse inexorablement, de 5 à 6% chaque année. En 2024, Post Luxembourg a traité 97 millions de lettres, contre plus de 126 millions cinq ans plus tôt. Pourtant, le facteur continue de passer, à Luxembourg-ville comme à Troisvierges. Car, à la différence de ses voisins européens, le pays fait le choix d’une transition lente, stratégique et sans casse sociale.

«Même s’il est évident que la taille du Luxembourg nous permet d’absorber cette baisse», analyse l’administrateur délégué d’Inflow et directeur de Post Courrier, . Dans un pays de seulement 2.586km², les tournées restent viables, à condition d’être repensées. «Là où l’on distribuait auparavant 1.000 lettres, il n’y en a plus que 600 aujourd’hui. Le reste est désormais compensé par les colis.»

Écologie et efficacité: un double impératif

La stratégie de Post repose sur la mutualisation. Contrairement à d’autres pays, où les réseaux de courrier et de colis sont séparés, le Luxembourg centralise tout au centre de tri de Bettembourg. «Dès qu’on cloisonne, il devient presque impossible de mutualiser par la suite», prévient Mario Treinen. «Chose que l’on ne veut absolument pas reproduire.»

Cette logique optimise non seulement les coûts, mais également l’impact environnemental. En s’appuyant sur une analyse fine des flux (volumes, codes postaux), l’entreprise réorganise régulièrement ses tournées. L’objectif affiché: réduire de 20 à 25% les kilomètres parcourus à qualité de service égale. «Le meilleur kilomètre, c’est celui qu’on ne parcourt pas, qu’il soit électrique ou non», résume le dirigeant. 

Électrique et compact, le Paxter incarne la transition logistique de Post.  (Photo: Post Luxembourg)

Électrique et compact, le Paxter incarne la transition logistique de Post.  (Photo: Post Luxembourg)

Dans cette logique, l’électrification de la flotte est aussi en marche. Aujourd’hui, 60% des véhicules utilisés par les facteurs et 30% des camionnettes de livraison roulent déjà à l’électricité. À cela s’ajoutent les Paxter – des petits quads électriques – et les tournées piétonnes, encore fréquentes dans la capitale.

De Michel Greco à Inflow

Face au recul du courrier, Post Luxembourg diversifie également ses activités. C’est dans ce contexte que Michel Greco, filiale historique du groupe, a été renommée Inflow, depuis le 27 février 2025. «Tout le monde associait Michel Greco à la livraison express. Or, aujourd’hui, notre offre est bien plus large», explique Mario Treinen.

Inflow se positionne désormais comme un «one-stop shop» logistique dédié aux entreprises. Transport, stockage, préparation de commandes, livraison ou encore gestion des flux internes dans les bureaux: l’offre couvre l’ensemble de la chaîne logistique. Un positionnement qui tranche avec celui de la maison mère, historiquement tournée vers le grand public, notamment via le courrier et les colis. «Le but est de faire bénéficier les entreprises luxembourgeoises des enseignements tirés de l’e-commerce», souligne le directeur.

Anciennement Michel Greco, Inflow, nouvelle marque de Post, cible les besoins logistiques des entreprises.  (Photo: Post Luxembourg)

Anciennement Michel Greco, Inflow, nouvelle marque de Post, cible les besoins logistiques des entreprises.  (Photo: Post Luxembourg)

Mais la véritable force d’Inflow réside dans son intégration avec le réseau postal traditionnel, insiste Mario Treinen: «Si un libraire du nord commande une caisse de stylos, inutile d’envoyer notre propre camionnette. On la confie au facteur, qui connaît déjà bien le client», illustre-t-il.

Une transition humaine

Post Luxembourg assure que cette transition ne s’accompagnera d’aucune vague de licenciements. «Nos effectifs restent stables. Ce rebranding n’est pas un prétexte pour supprimer des emplois», rappelle l’administrateur délégué d’Inflow. 

La priorité est d’ailleurs, selon lui, d’accompagner les salariés dans cette transformation: «Le métier de facteur est l’un des plus anciens, il est donc normal qu’il évolue. Mais il est essentiel de montrer aux équipes que nous les accompagnons. Cela passera notamment par des formations ou une réorganisation des méthodes de travail.»

J’ai toujours un peu de mal quand on dit que Post va devenir une entreprise logistique. En réalité, on voit simplement le train arriver. Ce n’est pas un abandon du courrier, mais une évolution naturelle.
Mario Treinen

Mario Treinenadministrateur délégué d’Inflow et directeur de Post CourrierPost Luxembourg

Ancrée dans sa proximité géographique et humaine, cette stratégie offre à Post Luxembourg un positionnement singulier. Là où d’autres misent sur la sous-traitance, le pays parie encore sur le visage familier du facteur. Résultat: le taux d’avisage – la part des colis que les facteurs n’ont pas pu distribuer directement et pour lesquels un avis de passage a été laissé – a été divisé par deux en un an.

Le courrier se meurt, et Post le sait. Mais le service postal, lui, se réinvente au Luxembourg. Non pas en survivant, mais en se transformant, à la croisée des chemins entre logistique, numérique et service de proximité. Et à mesure que le volume de lettres s’amenuise, la capacité à générer des flux alternatifs – notamment via Inflow – deviendra cruciale. «J’ai toujours un peu de mal quand on dit que Post va devenir une entreprise logistique. En réalité, on voit simplement le train arriver. Ce n’est pas un abandon du courrier, mais une évolution naturelle», conclut Mario Treinen.