Jean-Marc Goy, Enrique Sacau & Stefano Torti. (Montage: Maison Moderne)

Jean-Marc Goy, Enrique Sacau & Stefano Torti. (Montage: Maison Moderne)

Premier centre de distribution de fonds en Europe et deuxième au monde, derrière les États-Unis, le Luxembourg se doit d’innover pour conserver cette position stratégique. Trois acteurs de la finance luxembourgeoise nous livrent leurs conseils pour que la Place reste compétitive.

Jean-Marc Goy, Conducting officer & senior counsel, Capital Group

. – «Le Luxembourg va de succès en succès grâce à son écosystème et à son approche unique, qui lui ont permis de devenir un centre financier de premier plan. Pour conserver ce statut et sa compétitivité, l’accent devrait, selon moi, être mis sur plusieurs éléments. Première­ment, un cadre stable dans une Europe ouverte. La mise en œuvre et l’application de nouvelles règles ont un coût, qui est également supporté par les investisseurs. Les modifications du cadre juridique et réglementaire doivent être limitées à celles qui sont réellement nécessaires et qui apportent une valeur ajoutée. Deuxièmement, un dialogue régulier et ouvert. La poursuite d’un dialogue cons­tructif et sérieux entre les différentes parties est capitale pour assurer le développement positif continu de notre centre financier. Enfin, un environnement compétitif est crucial pour attirer et retenir les talents, et pour favoriser l’innovation. Le Luxembourg renforce sa position au sommet de l’industrie européenne grâce à des initiatives pionnières dans les domaines de la fintech, de la regtech, de la digitalisation et de la finance durable. L’introduction d’une taxe d’abonnement réduite pour les fonds de finance durable souligne l’ambition du pays à être un pionnier dans ce domaine.»

Enrique Sacau, CEO, Kneip

. – «J’ai eu la chance de déménager au Luxembourg en juillet 2020, dans un pays charmant et accueillant, mais aussi idéal d’un point de vue commercial: bien connecté, multilingue, avec un bon accès aux talents, et une bonne stabilité. Il y a, je crois, trois domaines sur lesquels il faudra se pencher pour maintenir cette position. La tendance qui consiste à éliminer les pôles de domici­liation des fonds d’investissement est irré­versible. Les politiciens du monde entier répondent à une demande croissante dans ce sens, et nos services financiers vont devoir se définir au-delà de la domiciliation. Le Luxembourg devrait également se rapprocher de Londres. Certains considèrent le Brexit comme une opportunité, mais il faut être prudent: l’écosystème de la City est difficile à reproduire. Enfin, si les frontaliers refusent de retourner au bureau tous les jours, l’idée du «Greater Luxembourg» sera con­fron­tée à des défis fiscaux. Les talents pourraient devenir plus difficiles d’accès, et les restaurants et les magasins pourraient être amenés à s’adapter à une demande plus faible. Si nous avons aujourd’hui le vent en poupe, nous devons éviter la complaisance et réformer pour devenir toujours plus pertinents.»

Stefano Torti, Group head of asset management, Banque Havilland

. – «Le changement étant la seule constante au sein de l’industrie financière, les fonds d’inves­tissement luxembourgeois continueront à faire face à des défis importants dans les années à venir. D’un point de vue opérationnel, il est désormais clair que le modèle actuel d’agent de transfert/administration de fonds devra évoluer. Les premières expérimentations de la technologie axée sur la blockchain ont déjà eu lieu dans plusieurs institutions, et c’est d’ailleurs au Luxembourg que la première transaction de fonds au monde utilisant la blockchain a été réalisée il y a quelques années. Cependant, la tendance actuelle à la «tokenisation» de tout, des actifs réels aux actifs financiers, pourrait accélérer cette tendance, et les nouveaux entrants pourraient potentiellement remettre en cause le statu quo, au-delà des attentes. Par ailleurs, en termes de structuration du contenu, les fai­bles rendements qui semblent se maintenir entraînent une croissance exponentielle, non seulement des fonds d’actifs réels, mais aussi de stratégies et de produits généralement plus complexes. C’est donc un exercice très délicat que de trouver en permanence un équilibre entre la transparence, la surveillance et l’innovation financière, nécessaire pour maintenir un écosystème compétitif.»

Cet article a été rédigé pour le supplément ‘Fonds d’investissement’ de  parue le 27 mai 2021.

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