Marie Azevedo, présidente fondatrice de Resocom. (Photo: Brooklyn Studio)

Marie Azevedo, présidente fondatrice de Resocom. (Photo: Brooklyn Studio)

Avec l’essor des réseaux sociaux et de la numérisation, les données d’identification sont largement exposées, et les cybercriminels ont accès à une foule d’informations. Rencontre avec Marie Azevedo, présidente fondatrice de Resocom, qui aide les acteurs privés et publics à anticiper les risques de fraude.

Faut-il aujourd’hui s’inquiéter du phénomène lié à l’usurpation d’identité?

Marie Azevedo. – «À une époque où les moyens de communication sont pratiquement instantanés, il est essentiel de pouvoir identifier à coup sûr la personne qui se trouve derrière un écran, et de savoir si l’on a bien affaire au bon interlocuteur (client, locataire, employé, prestataire, etc.). Cela génère un commerce des supports d’identité de toutes sortes, dont les bénéficiaires sont les clandestins, les terroristes, les mules, etc. Aujourd’hui, les éléments de vie sont connus de tous, via notamment les réseaux sociaux, ce qui facilite le piratage de ces données.

Quels sont les risques encourus par les individus, mais aussi par les entreprises?

«Pour une entreprise, le risque premier touche à l’image et à la réputation. Il est aussi d’ordre économique, avec, comme conséquence, l’accès aux données stratégiques et l’espionnage industriel. Sans parler des risques juridiques et financiers, parfois très importants. Le citoyen victime d’usurpation d’identité est quant à lui doublement impacté. Dupé par son usurpateur et victime des multiples organisations économiques qui ont délivré des droits à un imposteur, il est tenu de justifier de sa bonne foi.

Selon vous, comment lutter contre ces menaces?

«Les États doivent absolument s’organiser pour sécuriser le moyen d’obtention des documents d’identité. Internet a bouleversé nos modes de vie. Cela nécessite de remettre en cause les procédures administratives, car n’importe qui peut entreprendre des démarches à votre place, à partir du moment où il dispose des bonnes informations. Il n’y a pas de signal automatique pour alerter la personne usurpée. Il se passe parfois des semaines, des mois, voire des années, avant que la victime ne prenne la mesure de la situation.

Chez Resocom, nous comptons à ce jour plus de 48 millions d’expertises sur des supports d’identité français, européens et internationaux.

Marie AzevedoPrésidenteResocom

Est-ce que les technologies biométriques pourraient contribuer à limiter ces infractions?

«La biométrie se généralise sur les documents d’identité électroniques et sur tous les documents de voyage. Elle est embarquée sur une puce, et accessible principalement par les organisations étatiques. Pour des raisons évidentes d’ordre public, elle n’est accessible ni au grand public, ni aux acteurs privés.

Comment assurer à une entreprise ou à un citoyen qu’elle/il a bien affaire au bon interlocuteur ou au bon document?

«Jusqu’en 1999, les entreprises, et notamment les banques, n’avaient aucun moyen pour vérifier la véracité d’un document d’identité. La vérification était réservée aux forces de l’ordre. L’un des moyens consiste à employer les services d’une société spécialisée. Chez Resocom, par exemple, nous avons développé des solutions technologiques issues de l’expérience terrain. Nous comptons à ce jour plus de 48 millions d’expertises sur des supports d’identité français, européens et internationaux. Nous repérons chaque année environ 7% de documents comportant une anomalie!

Si certains services publics commencent à être sensibilisés à ces pratiques, c’est loin d’être le cas à tous les niveaux.

Marie AzevedoPrésidenteResocom

Que pensez-vous des applis de certification de documents numériques?

«Il s’agit d’applications mobiles de lecture de la puce en NFC et de la ligne MRZ (lecture optique). La technologie NFC ne peut pas garantir totalement l’authenticité d’un document d’identité, et encore moins la lecture de la zone MRZ. Ces dispositifs sont loin d’être efficients par rapport aux pratiques des fraudeurs.

Que faire lorsqu’on est victime d’une usurpation d’identité?

«Il faut agir de deux façons: porter plainte auprès de la police, et prendre un bon avocat! Les victimes de ces attaques doivent justifier et prouver à tout moment leur bonne foi quand des faits délictueux commis en leur nom leur sont reprochés. Si certains services publics commencent à être sensibilisés à ces pratiques, c’est loin d’être le cas à tous les niveaux.

Comment lutter à moyen terme contre ce fléau?

«Le phénomène d’usurpation d’identité est un enjeu sociétal. Il faut éduquer les citoyens à l’usage de leurs supports d’identité. Ils sont les seuls responsables de leurs documents. S’inscrire, accepter des services gratuits en contrepartie de nos informations personnelles est un risque mal maîtrisé, que je considère majeur à court et moyen termes. Si les gens exposaient moins leur vie privée sur internet, le risque serait limité.»