Si vous êtes frontalier français, vous avez sûrement déjà reçu un mail de la Direction générale des finances publiques pour vous inviter à déclarer vos revenus 2020. Avec quelques petits changements par rapport à l’année dernière, dus à l’entrée en vigueur d’un
«Avant, on éliminait la double imposition par la méthode de l’exonération. Elle a été remplacée par la méthode de l’imputation d’impôt», via un crédit d’impôt, résume Séverine Bergé, directrice générale de Neofisc, cabinet fiscal spécialisé dans les déclarations d’impôts françaises et luxembourgeoises.
Des variations à prévoir
Dans les faits, au lieu de déclarer ses revenus luxembourgeois après avoir retiré les impôts payés au Luxembourg, comme c’était encore le cas l’année dernière, on doit désormais les inclure, détaille-t-elle. Le calcul n’est plus «salaire brut annuel – cotisations sociales – impôts», mais seulement «salaire brut annuel – cotisations sociales». Pour quelqu’un qui ne perçoit pas d’autres revenus que son salaire luxembourgeois, aucun changement, puisqu’il ne paiera pas d’impôts sur le revenu en France. Il est tout de même toujours obligé de déclarer ses impôts en France s’il y réside. En revanche, «il y aura un impact dès lors qu’il y aura des revenus de source française», estime-t-elle. Il peut s’agir par exemple de revenus immobiliers ou d’une personne du couple. «Cela ne va pas le doubler, mais en fonction du revenu, ça l’augmentera peut-être de quelques dizaines ou quelques centaines d’euros.» Car en ne retirant plus les impôts payés sur le salaire au Luxembourg, on obtient un revenu global plus élevé que l’année précédente. «Les barèmes étant progressifs, mon taux d’imposition sera plus élevé», même s’il ne concerne que les revenus français.
Interrogée sur ce point précis, la Direction départementale des finances publiques (DDFIP) de la Moselle ne répond pas clairement en écrivant que «les revenus luxembourgeois sont désormais déclarés en France avec les revenus français. Mais pour éviter une double imposition (ces revenus font déjà l’objet d’une imposition au Luxembourg), l’impôt français calculé sur ces revenus totaux bénéficie d’un crédit d’impôt égal au supplément d’impôt généré par les revenus d’origine luxembourgeoise. Par exemple, si la moitié des revenus du foyer fiscal sont d’origine luxembourgeoise, l’impôt du foyer est réduit de moitié grâce à ce crédit d’impôt. Dans tous les cas, l’impôt français sur les revenus luxembourgeois sera nul en raison du crédit d’impôt égal au supplément d’impôt généré par les revenus luxembourgeois mis en place pour éliminer la double imposition, et l’impôt restant à charge est un impôt sur les seuls revenus français.»
Formulaire 2047
Au niveau de la déclaration, la méthode reste similaire, mais au lieu de remplir l’annexe 2042C, ce sera la 2047, indique Séverine Bergé. Elle se génère automatiquement lorsqu’on saisit en ligne son revenu luxembourgeois (en faisant donc le calcul salaire annuel brut – cotisations sociales) dans la case 1AF «Salaires perçus par les non-résidents et salaires de source étrangère avec crédit d’impôt égal à l’impôt français». Dans la déclaration annexe 2047, il faut ensuite remettre ce même montant du revenu avant déduction d’impôt d’abord dans la rubrique 1 «Traitements, salaires et rentes imposables en France», puis de nouveau dans la rubrique 6 «Revenus imposables ouvrant droit à un crédit d’impôt égal à l’impôt français». Ce montant devrait ensuite normalement automatiquement se reporter à la case 8TK du formulaire 2042C.
La date limite pour remplir sa déclaration fiscale en ligne est fixée au 1er juin 2021 pour les personnes domiciliées en Meurthe-et-Moselle et au 8 juin en Moselle. En cas de dépôt papier, il faudra la rendre avant le 20 mai.
La Belgique, en attente
En Belgique, pas de nouveauté cette année. Le changement dans «la méthode de calcul du montant à déclarer dans la déclaration française, c’est un choix fait entre le Luxembourg et la France», explique Anne-Françoise Henriquet, en charge de la fiscalité personnelle luxembourgeoise et belge chez AFC Benelux. «L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) permet deux types de traitement de la retenue à la source: soit l’application du barème sur le revenu brut, impôt retenu déduit (méthode appliquée par la Belgique), soit l’imputation de la retenue étrangère (méthode appliquée par la France).»
Le frontalier belge doit donc toujours inscrire son salaire annuel, en déduisant les charges sociales et les impôts, dans la rubrique 250 puis 1250, qui correspond aux rémunérations ordinaires. Et reporter le même montant s’il n’a pas de salaire belge, ou seulement la partie luxembourgeoise, à la lettre O «Revenus d’origine étrangère» dans le point 2 «Revenus pour lesquels vous avez droit à une réduction d’impôt pour revenus d’origine étrangère».
La campagne de déclaration d’impôts n’a pas démarré en Belgique, mais «cela ne devrait pas tarder».
La déclaration allemande à rentrer pour le 2 août
Pour les frontaliers allemands, une fiduciaire luxembourgeoise installée près de la frontière avec la Rhénanie-Palatinat, qui souhaite rester discrète, nous explique que la façon de déclarer ses impôts «dépend de chaque cas». Il faut en tout cas remplir l’Appendix N-aus dédié aux salariés à l’étranger. Dedans, on demande le nombre d’heures de travail au total, et celles réalisées au Luxembourg.
Les liés à la pandémie permettant de dépasser le quota de 19 jours de télétravail, elle conseille de compter les heures travaillées depuis la maison comme si elles l’avaient été au Luxembourg. Tant que l’employeur peut fournir une attestation certifiant que les heures de télétravail étaient dues à la crise sanitaire. Et pour le salaire luxembourgeois à inscrire dans la case spécifique, il s’agirait ici du revenu brut. À reporter également dans le formulaire classique au niveau des «revenus exonérés d’impôts».
La déclaration pour les revenus 2020 a déjà commencé et doit se terminer le 2 août prochain. Un délai supplémentaire est accordé pour ceux qui consultent un conseiller fiscal.
Qu’il soit français, belge ou allemand, le frontalier ne doit normalement pas déclarer ses revenus au Luxembourg, mais il peut y être obligé dans certains cas. Par exemple, lorsque son revenu annuel dépasse les 100.000 euros. Le gouvernement liste ces exceptions sur . Cela peut aussi venir d’une demande du frontalier, pour bénéficier de certaines déductions fiscales auxquelles il n’aurait pas droit dans son pays de résidence. Ici, la déclaration doit être remise «de préférence jusqu’au 31 mars de l’année suivant l’année d’imposition».