Philippe Ledent, senior economist chez ING Belux.  (Photo: Patricia Pitsch/Maison Moderne/archives)

Philippe Ledent, senior economist chez ING Belux.  (Photo: Patricia Pitsch/Maison Moderne/archives)

Chaque semaine, Paperjam vous propose un regard de chefs économistes d’institutions bancaires et financières sur l’actualité des marchés et de l’économie. Aujourd’hui, Philippe Ledent, senior economist chez ING Belux, analyse la situation politique en Italie. 

Depuis les élections européennes, on sait que la situation politique en Italie peut évoluer rapidement. En effet, la relative défaite du Mouvement 5 Étoiles et la victoire de la Ligue de M. Salvini ont fait grandir la tentation, pour ce dernier, de provoquer des élections.

Pour tout dire, la confrontation entre la Commission européenne et le gouvernement italien au sujet des règles budgétaires donnait une occasion rêvée pour le leader de la Ligue de retirer la prise d’un gouvernement instable depuis le premier jour. Le choix de la Commission de ne pas poursuivre la confrontation a néanmoins fait baisser la pression. Mais ce n’était qu’un court répit avant de nouvelles tempêtes et finalement, le gouvernement est tombé.

Il faut dire que depuis la naissance de la république en 1946, pas moins de 65 gouvernements se sont succédé (en 73 ans…).
Philippe Ledent, senior economist chez ING Belux

Philippe Ledent, senior economist chez ING Belux

Faut-il craindre cette situation? D’un côté, je reste toujours étonné de la sérénité de mes collègues analystes italiens au sujet de la situation politique de leur pays. La politique italienne a toujours été tumultueuse, donc il n’y aurait rien d’étonnant à ce qui se passe actuellement. Il faut dire que depuis la naissance de la république en 1946, pas moins de 65 gouvernements se sont succédé (en 73 ans…). Sur les seules années durant lesquelles Angela Merkel est au pouvoir en Allemagne, pas moins de sept Premiers ministres italiens se sont succédé. Il y a de quoi relativiser cette nouvelle tempête.

Les marchés financiers ne semblent pas non plus trop perturbés par cette nouvelle crise politique en Italie: après une réaction visible sur les marchés, les choses se sont calmées, et actuellement, le pays ne paye une prime de risque que d’environ 200 points de base par rapport à l’Allemagne. On ne peut pas dire que cela corresponde à une situation de méfiance.

L’absence de gouvernement ou de personnes capables d’engager les réformes nécessaires au redressement de l’économie italienne expose encore et encore le pays à une dégradation de l’activité.
Philippe Ledent, senior economist chez ING Belux

Philippe Ledent, senior economist chez ING Belux

Pourtant, c’est bien une partie de l’avenir de la zone euro qui se joue en Italie. D’abord d’un point de vue économique. En effet, l’économie italienne va mal. Sa croissance est nulle pour le moment et elle verserait rapidement dans la récession si le contexte économique mondial devait se dégrader. L’absence de gouvernement ou de personnes capables d’engager les réformes nécessaires au redressement de l’économie italienne expose encore et encore le pays à une dégradation de l’activité.

Or, il s’agit de la troisième économie de la zone euro. Ses problèmes sont nos problèmes! Ensuite, c’est un enjeu européen majeur d’un point de vue politique. Si des élections devaient être organisées (ce n’est pas encore certain à l’heure d’écrire ce texte) et qu’elles donnaient lieu à une victoire de la Ligue, la confrontation politique avec la Commission européenne et d’autres pays membres de la zone euro deviendrait inéluctable.

Dans une période de ralentissement économique, où la zone euro ferait bien de se serrer les coudes face aux tempêtes qui se préparent, ce serait malvenu et cela impacterait drastiquement les primes de risque.