Si la crise n’est pas encore terminée, elle permet toutefois de tirer les premières leçons. Clients et entreprises sont amenés à adapter leur usage du digital. Celui-ci devrait connaître une accélération sans pour autant occulter l’aspect humain, qui conserve toute son importance.

Étant toujours dans la crise, il est difficile à ce stade de tirer des leçons définitives en matière de transformation digitale sans avoir le recul nécessaire. Les organisations travaillant de manière autonome et agile avec des équipes cross-fonctionnelles semblent mieux armées pour affronter ce genre de crise. Leur mode de travail, agile et adaptable, les rend en effet plus efficaces. «Il est impératif, s’il ne l’était pas déjà pour d’autres raisons, de migrer et évoluer vers des structures plus autonomes avec des équipes qui peuvent s’adapter plus rapidement tout en suivant une stratégie déjà établie», précise Olivier Debehogne, Head of Retail, Private Banking Luxembourg et Digital à la BIL.

Le recours au digital va s’étendre encore plus dans tous les secteurs de l’économie, tant au niveau de l’offre que de la demande. Les clients doivent être disposés à utiliser les services à distance («client readiness») alors que les entreprises doivent proposer des solutions adaptées. «Aujourd’hui, nous sommes dans un laboratoire inédit, qui pousse les clients, réfractaires au digital dans le passé, à franchir le cap. On observe une hausse de la ‘readiness’ de leur part sur toute une série de sujets tandis que les entreprises se mobilisent davantage pour offrir des solutions de travail et de livraison à distance.» Enfin, les chefs d’entreprise devront être lucides et faire preuve de discernement car tout ne pourra pas changer. La prudence est en effet de mise, les plans existants ne sont peut-être pas à remettre entièrement en cause, et les décisions ne doivent pas être prises dans la précipitation.

De nouveaux usages des solutions digitales

La situation actuelle a également modifié l’usage des solutions digitales par les employés et les clients. À la BIL, les employés ont été invités à faire du télétravail, c’est le cas pour 85% d’entre eux. Les clients, quant à eux, se tournent davantage vers les services à distance, comme l’application mobile BILnet de la banque. «Notre application BILnet permet de réaliser de nombreuses transactions. L’application est beaucoup plus utilisée par les clients qui l’avaient déjà adoptée, mais nous voyons aussi des clients qui ne l’utilisaient pas encore et qui ont commencé à le faire.» Les entrées en relation avec de nouveaux clients se font aujourd’hui majoritairement à distance, en moins de 10 minutes, avec l’obtention d’un compte bancaire dans la foulée.

Le meilleur de l’humain et du digital

La généralisation du digital ne devrait pas remettre en cause l’importance de la relation humaine. Un équilibre doit être trouvé entre les différents canaux de distribution utilisés par les banques et leurs clients. Effectivement, tout ne sera pas toujours possible via tous les canaux.

Le digital va pousser les entreprises à spécialiser leurs collaborateurs sur les missions où ils ont vraiment une valeur ajoutée.
Olivier Debehogne

Olivier DebehogneHead of Retail, Private Banking Luxembourg & DigitalBIL

«Aujourd’hui, certaines transactions doivent se faire principalement via le digital et d’autres se font plus facilement en personne. Le digital va pousser les entreprises à spécialiser leurs collaborateurs sur les missions où ils ont vraiment une valeur ajoutée. Et celle-ci se situe dans la connaissance du client, l’empathie et l’anticipation de ses besoins. La combinaison de l’approche humaine et digitale permet d’offrir le meilleur service.» Une distribution omnicanale permet de proposer une approche personnalisée et de s’appuyer sur tous les avantages de chaque canal en compensant l’un par l’autre si besoin.

Parvenir à s’adapter

Pour les entreprises et les banques, s’adapter a été une nécessité. Certains projets sont amenés à voir le jour dans des délais rapides pour fournir aux clients une solution efficace grâce à un service qui fonctionne.

Nous avons une stratégie digitale avec différents projets et un calendrier. Ce que nous avons fait, c’est identifier ceux pour lesquels nous étions prêts à investir à très court terme, arrêter certains projets pour en démarrer d’autres.
Olivier Debehogne

Olivier DebehogneHead of Retail, Private Banking Luxembourg & DigitalBIL

«Nous avons une stratégie digitale avec différents projets et un calendrier. Ce que nous avons fait, c’est identifier ceux pour lesquels nous étions prêts à investir à très court terme, arrêter certains projets pour en démarrer d’autres ou au contraire les accélérer pour permettre d’assurer la continuité de service avec nos clients. Nous avons par exemple déployé à grande échelle notre solution de télétravail, développé des projets crédits avec des possibles moratoires et nous pourrons fournir dans quelques semaines le service de signature électronique pour nos clients.» Il est toutefois important de saisir les opportunités sur lesquelles il est nécessaire de se mobiliser, sans être naïf sur le fait que certaines solutions prennent du temps pour être développées. «Il faut être réaliste sur ce qu’on attend des solutions qui peuvent être développées à très court terme. Cela nécessite de la part des managers de bien communiquer sur les choix de priorisation des projets pour qu’ils soient bien compris des collaborateurs et ainsi susciter leur l’adhésion.»

L’importance du rôle de leader

Dans les mois à venir, les entreprises seront confrontées à de nouveaux défis, au niveau du leadership notamment. Patrons et décideurs doivent arriver à gérer cette crise au mieux et embarquer tous les collaborateurs dans cette aventure. Des questions vont se poser quant à la manière de fonctionner. «Nous allons voir demain comment, avec les collaborateurs, nous allons faire émerger une nouvelle norme qui sera positive à la fois pour le client, les employés et la société dans son ensemble.»

Les entreprises, surtout celles qui ont dû arrêter leurs activités, devront donc parvenir à faire émerger des modes de fonctionnement nouveaux pour que leurs clients soient mieux servis, les employés davantage satisfaits et les actionnaires également. «Un nouveau défi est de regarder la situation dans son ensemble, et en interne, avec les collaborateurs et l’intelligence collective, arriver à prendre les bonnes décisions, avoir assez de courage pour explorer certaines choses et en abandonner d’autres.»